Deuxième round [Sora]

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Il avait cherché partout. C'était pas vraiment évident de trouver ce qu'il voulait, mais après des années d'expérience, il avait trouvé ce qu'il cherchait. Ainsi, la petite dame habitait à l'épicerie. C'était bête, au final. Mais c'était vrai, fallait pas le faire chier pendant une chasse, c'était déjà pas facile, ils avaient pas des pouvoirs à la Superman, eux, et risquaient tout le temps leur vie. Merde, alors. Non, non, non, on se calme, on inspire, on libère les shakras et on expire. Voilà, ça faisait du bien. Maintenant qu'il avait trouvé celle qui cherchait, il devait faire le plus dur. En clair sortir de sa cave et aller là où il le devait. Ok, c'était parti? Du moins, c'était ce qu'il se disait, alors qu'il avait toujours le derrière vissé sur sa vieille chaise, les pieds sur la table alors que ses mains jouaient avec un couteau de chasse et que son regard trainait sur une grande carte accrochée au mur avec plein d'annotations un peu partout, au gros marqueur rouge. Ouai, il voulait reprendre la chasse, mais ce soir, c'était temps libre. C'était vrai que de temps à autres, ça faisait du bien de faire une petite pause. Et puis, il fallait bien trouver des informations sur les vampires du coin, donc, mission du soir, prendre du bon temps, mais recueillir des infos.

Donc il pouvait faire ce qu'il voulait. Après le énième "c'est parti", il se leva d'un bond, ou presque, ce qui fit tourner la chaise sur son axe de rotation et le jeune homme renifla ayant subitement une terrible envie de reposer son derrière, à nouveau dans le siège. Oh et puis merde, qu'il aille faire ce qu'il devait faire, sinon, ça ne passerait jamais. Et puis, il avait besoin de discuter avec la personne qu'il cherchait. Oui, terriblement. Il secoua la tête comme pour arranger les pensées dans l'ordre et balança son couteau qui alla se planter en plein milieu d'une cible à fléchettes. Le chasseur chopa son blouson et l'enfila prestement, il se frotta les cheveux, se regarda dans la glace qui trainait là. Moui, il avait fait mieux quand même. Au final, il sortit de la pièce grimpant un escalier en bois grinçant sous son poids. Il ferma les portes de la cave à clé, et passa dans la maison. Calme, vide à l'exception de quelques vieux canapés, lits de camps et une cuisine amménagée. Y'avait une salle de bain, mais la porte était fermée pour le moment. C'était le repaire des Chasseurs, ils n'avaient pas besoin de beaucoup parce qu'ils ne resteraient surement pas longtemps dans le coin. Quoi que ici, ça grouillait pas mal de vampires.

Il sauta dans un vieux pick-up dont les éclaboussures de boues cachaient à grand peine les défauts de peinture de la carosserie. Ouai, c'était sa teufteuf qu'il avait modifié avec un pote. C'était du costaud ce truc et elle en avait vu des vertes et des pas mures... Peut-être pas assez rapide, mais résistante. C'était sa Caroline adorée et pour rien au monde il ne s'en séparerait. Une fois le moteur difficilement en route, il prit la direction de la Réserve Indienne. Le soleil était vachement haut dans le ciel, la mi-journée était passée, alors il avait de grande chance de la trouver chez elle, du moins l'espérait-il. Il toussota, une partie machiste en lui voulait le voir faire demi-tour et l'envoyer sur les roses. D'un autre côté, s'il devait se mettre à dos toutes les bestioles surnaturelles, il courrait à sa perte. Donc oui, aller la trouver en premier. Il avait déjà tout le scénario en tête, son action était réfléchie, cela faisait tout de même plusieurs jours qu'il avait posé le pour et le contre et finalement, son bon sens avait pris le dessus. On ne le fait pas chier pendant une chasse, mais il devait s'avouer tout de même un peu énervé ces soirs-là justement. Et puis elle ne l'avait pas pris avec des baguettes, ce qui avait un peu compliqué les choses, voire beaucoup.

Il conduisit tranquillement sur les routes de la réserve. C'était bizarre, mais ici, il se sentait vraiment dans un autre lieu. Il n'avait pas eu l'occasion d'aller souvent dans la Réserve, mais chaque fois c'était la même chose, comme si un élément... on va dire, divin, avait fait son apparition sur ces terres. L'homme finit par garer son tas de ferraille sur le parking en face de la petite épicerie. Il ne prit pas la peine de verrouiller les portes de sa taule, vu l'engin, personne ne viendrait la voler et dedans, il n'y avait rien qu'une boite de pizza vide et un reste de soda trop chaud et sans boisson qu'il avait eu la flemme de jeter. Les mains dans les poches de son jean et une chemise ouverte qui laissait voir un t-shirt des Yankees de New-York City en dessous, il s'avança vers la batisse et poussa la porte. Déjà, il repéra les lieux, cherchant toujours sa porte de sortie, avant de s'intéresser au peuple qui composait la pièce. Y'avait deux potentiels clients qui cherchaient visiblement des cartes postales: les américains typiques et pas du coin et y'avait la dame en question derrière son comptoir. Y'avait aussi une dame plus âgée qui tripatouillait il ne savait quoi. Bon, bah... Fallait se lancer non?

- Sora? Hey, c'est joli, ici... C'est vous qui faites ça?

Et merde... C'était quoi ce changement de sujet à la noix?

Jetant un coup d'œil distrait par la vitrine de l'épicerie, Sora observa la rue gadoueuse, perdue dans ses pensées. La neige avait été cessé de tomber depuis hier et fondait au passage des voitures, rendant les lieux passablement glissants et sales. Les deux touristes qui venaient de pénétrer l'épicerie avaient d'ailleurs faillis finir les quatre fers en l'air devant leur porte (dommage, le spectacle aurait au moins pu être distrayant) et s'étaient consciencieusement essuyés les pieds sur le paillasson en entrant. D'après Aquene, c'était de sa faute s'ils semblaient marcher sur des œufs : parait-il qu'elle les avait fixés comme si elle comptait les manger au déjeuner. D'accord, elle avait encore faim malgré la quantité qu'elle avait engouffré un peu plus tôt, mais c'était pas de sa faute si ces gens les prenaient pour des sauvages à partir du moment où ils vivaient dans une Réserve et descendaient des barbares Amérindiens.

Sortant de ses pensées, elle revint au travail qu'elle avait commencé. Armée d'une pince, son fatras étalé devant elle sur le comptoir, elle pliait avec délicatesse et attention des lanières d'argent, qu'elle enserrait autour d'une péridot taillée et polie en forme de larme. L'argent se modulait en de fines torsades sous sa volonté, créant un pendentif de qualité. Tandis qu'elle travaillait, Sora perdait toute notion du temps et de son entourage. C'est à peine si elle fit attention à Aquene, occupée à mettre en place ses dernières créations dans une vitrine, où les touristes chuchotant entre eux devant le présentoir des cartes postales. Lorsqu'elle eut fini son œuvre, elle la leva délicatement et la plaça entre son oeil et la lumière naturelle provenant de l'extérieur. Les rayons traversant la pierre fine projetèrent des reflets d'un vert très pur sur le mur derrière elle. Satisfaite de la qualité de la pierre et du fait que l'argent ne gêne en rien son expression, elle la reposa délicatement sur son plan de travail.

C'est alors que la porte s'ouvrit dans un léger tintement. Sora connaissait l'identité du nouveau venu avant même d'avoir levé les yeux. Il ne lui avait pourtant pas manqué ce "valeureux" chasseur... Depuis leur rencontre dans la forêt, lorsqu'il s'en était pris à Emmett Cullen avec quelques-uns des siens, elle avait pris soin de se tenir à l'écart, laissant à Enzo le plaisir de discutailler autant qu'il le voulait avec cet humain aussi taré que grossier. Le caniche nain aurait plutôt été d'humeur à le mordre qu'à parlementer pour une entraide entre chasseurs et loups. L'Alpha n'aurait pas apprécié, même si le sale caractère de Sora l'amusait la plupart du temps. Lorsque Zach arriva à sa hauteur et lui adressa directement la parole, elle ne pouvait pourtant pas l'ignorer indéfiniment (malgré ce qu'on pourrait croire, elle avait un minimum de manières).

« Oui, » confirma-t-elle lorsqu'il lui demanda si les bijoux disposés sous ses yeux étaient d'elle. « le caniche sait se servir de ses doigts. Que puis-je pour vous ? »

Si sa politesse était tout à fait irréprochable (là, Aquene, qui était à portée de voix, ne pourrait même pas lui reprocher cela), la froideur avec laquelle elle lui répondit, et le rappel du surnom qu'il lui avait donné (oui, c'était marquant pour une louve d'être traitée de canidé à poils frisés) rappelait bien, si cela était nécessaire, qu'elle ne le portait pas dans son coeur et que sa présence n'était pas vraiment la bienvenue. Le fait qu'il s'y prenait comme un manche pour s'adresser à elle comme si elle était une gamine de seize ans (pour rappel elle en avait vingt-deux de plus) à amadouer ne l'aidait pas non plus. Mais bon, ils étaient nouvellement alliés, elle était donc sensée être à l'écoute et disponible. Après tout, il avait peut-être besoin d'un coup de main et ne savait tout simplement pas comment aborder le sujet en présence d'étrangers. En toute honnêteté, Sora ne faisait pas ça pour lui : si Enzo apprenait qu'elle l'avait foutu dehors sans l'écouter, il lui ferait la morale et elle détestait ça.

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Bon, il n'était pas là pour compter fleurette, quoi que la jeune femme était une bien jolie donzelle, mais vu comment Enzo la zieutait, il n'avait pas envie de se confronter à un loup... à deux loups si on comptait également celle qu'il avait en face de lui. Bref, terrain miné, ce n'était même pas la peine d'essayer et puis, les personnes qui changent d'apparence pour devenir un truc à poil bavant, c'était pas vraiment son genre. Il secoua légèrement la tête pour chasser les pensées idiotes de sa tête. Donc, ouai, il n'était pas là pour compter fleurette, ni pour parler tupperware et encore moins du temps qu'il faisait dehors. Il était là pour une chose, enfin une chose et demi. D'abord, s'excuser, un peu quand même après l'attitude qu'il avait eu et puis après, peut-être discutailler sur sa race et les vampires végétariens. Rien que ce mot le faisait rigoler. Végétarien... Comment un bouffeur de sang pouvait être végétarien... Encore une fois, il chassa les questions de son esprit. Et à sa question puérile, c'était assez le cas de le dire, elle y répondit froidement. Et merde. C'était du poli, du correct, du commerçant, mais le ton, brr, à vous glacer le sang. Il perdit rapidement son sourire et soupira inaudiblement.

- Justement, c'est pour ça que je suis venu.

Nan, pas pour les bijoux qu'elle savait confectionner, visiblement à merveille. Le jeune homme se rembrunit alors qu'il avait baissé le regard justement, sur les petits trucs et bidules qu'elle utilisait. Il regardait cela d'un oeil professionnel, bien qu'il n'était pas du tout dans la manufacture de bijoux, mais il observait surtout par soucis de curiosité. C'était plus qu'intéressant, cela demandait du doigté, de la précision, chose qu'elle devait forcément possédait. Donc très pratique à savoir. Il se rembrunit surtout aussi parce qu'il n'aimait pas ce qu'il allait dire, c'était quand même reconnaître une faute qu'il avait commise. Certes, ok, bon, si on veut. Mais il avait horreur d'être dérangé et n'admettait pas qu'on lui prive d'une bonne chasse. Donc, la situation était particulièrement compliquée et il ne voulait pas trop reconnaître qu'il était d'une part en tord, appelez cela du machisme si vous voulez... Oh et puis merde comme on dit si bien. Le chasseur redressa les épaules, sortit les pectoraux et regarda la jeune femme, de l'autre côté du comptoir. Qu'il y ait également des témoins, vu les deux pécores qui se trouvaient là et une vieille dame un peu plus loin.

- La dernière fois... disons que j'ai eu des mots un peu plus haut que d'autres et...

Allait-il arriver au point du pourquoi il était là? Il s'appuya sur le bord du comptoir, regarda d'un oeil furtif les personnes présentes. Non pas parce qu'il était géné de devoir faire tout un plat, mais parce qu'il allait aborder des sujets que les deux touristes et peut-être la vieille dame ne connaissaient pas et ne devaient pas connaître. Bien, les pensées en ordre, cela ne prit qu'une seconde avant de parler à nouveau:

- J'avoue que quand je travaille, je n'aime pas être dérangé, surtout que j'ai été surpris par vos arrivées à tous et c'était la première fois... que je vous rencontrais...

Roh, le nombre de sous-entendus nuls là-dedans... Enfin, bref, qu'on arrive directement au point le plus important.

- Je suis désolé, pour tout ce que j'ai pu dire sous le coup de la colère.

Un brin impatiente, juste un brin... ou peut-être un peu plus finalement, Sora fixait le chasseur de vampires sans beaucoup de sympathie, le visage figé en un masque d'impassibilité. Malgré son désintérêt apparent, ses sens de louve étaient en éveil et quelques détails ne trompaient pas. Zach semblait avoir avalé un citron (beurk, elle détestait les agrumes ; pas qu'elle compatisse pour autant) et s'adressait à elle comme si on lui tirait les mots de la bouche. Tout son langage corporel criait de plus qu'il était mal à l'aise et qu'il aurait préféré se trouver bien loin d'ici. Comme ça ils étaient deux. Cela avait de quoi intriguer Sora cependant car son interlocuteur ne semblait pas être venu pour l'insulter, lui prendre le chou ou quoi que ce soit du même genre. Pour cela, elle voulait bien l'écouter... C'est que c'était bien marrant de le voir chercher ses mots. Rien à voir avec l'emmerdeur de la forêt.

Haussant un sourcil au soupir et à l'aveu de Zach, elle eut un mouvement de la tête circulaire facilement traduisible par un "Ouiiii ? J'écoute..." impatient. Assise les jambes croisées sur un tabouret assez haut, Sora n'était pas au même niveau que son interlocuteur mais ne s'en formalisait pas. Ce genre de détails qui semblent déterminant dans les relations de force entre humains étaient assez négligeables quand on était sûre de sa force et expérimentée de quelques dizaines d'année supplémentaires, comme Sora. Ce qui la gênait un peu plus c'est que ce jour là elle s'était vêtue d'une jupe (elle avait prévu de sortir en ville avec Enzo, ce qui leur arrivait une fois par mois et encore), qu'elle ne tenait pas à bousiller (vus leur rareté dans sa garde robe et son exigence dans le domaine), elle ne pourrait donc pas se défouler sur Zach s'il lui sortait une bêtise (pas qu'Aquene l'aurait laissé faire au beau milieu de la boutique mais voilà, pour le principe, elle ne s'en sentait pas à l'aise sachant qu'elle ne pouvait pas se jeter sur lui comme un chiffonnier).

Jouant machinalement avec sa pince qu'elle ne quittait pas pour s'occuper les doigts, Sora le regarda se pencher vers elle et dut réfréner le réflexe de l'imiter sachant qu'il tenait probablement à rester discret sur les sujets qui le nécessitaient. Elle se contenta de tendre l'oreille, ses sens de loups prenant la relève pour déchiffrer les murmures discrets. Lorsqu'il se tut finalement, elle avait cette fois-ci haussé les deux sourcils en une expression impressionnée.

« Un mâle qui s'excuse... » dit-elle finalement, avec un poil d'admiration plus ironique qu'autre chose. « C'est un jour à marquer d'une pierre blanche. » Malgré l'amusement derrière ses paroles, elle l'observait avec un peu moins de rigidité froide qu'auparavant et, après un instant de réflexion, elle hocha finalement la tête. « Excuses acceptées. » Après tout, elle non plus elle n'aimait pas être dérangée lorsqu'elle travaillait, quelque soit le "travail" en question, et elle s'y connaissait en sale caractère. Oui, elle acceptait ses excuses, et quand on la connaissait c'était déjà un bon pas vers la rédemption. Ça ne signifiait pas pour autant qu'elle le pardonnait vraiment, et il restait donc une proie potentielle de sa mauvaise humeur et de son sale caractère à elle. Dent pour dent, oeil pour oeil.

Le talon de ses bottes résonna doucement contre le métal du tabouret, et elle le fixait toujours de son impassibilité commune, sans pour autant donner l'impression de vouloir lui sauter à la gorge cette fois-ci. Elle inclina légèrement la tête en devinant que Zach n'avait pas seulement fait tout ce chemin pour s'excuser (ou alors il fallait qu'elle s'interroge sur ses véritables motivations).

« Il y avait autre chose ? Si c'est pour Enzo, il est en ville. »

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Ouai, enfin presque, tout du moins, si c'était comme ça qu'elle le prenait, ouai, on pouvait dire qu'il était un mâle qui s'excusait. Il se dit alors que les loups avaient tout de même d'étranges relations entre individus. Il était considéré comme un mâle... Si elle voulait, perso, il était un mec, un homme, un XY, mais un mâle, ça lui faisait vraiment penser au gros gorilles sans cervelle, ou bien le joueur de foot américain qui n'a qu'un neurone, celui de mettre la balle au bout du terrain. Cela faisait un peu trop animal à son gout pour qu'il se considère véritablement comme un mâle et ça le mettait terriblement mal à l'aise, chose qu'il cacha plus ou moins bien en serrant la machoire et affichant une mine figée. Un jour à marquer d'une pierre blanche? Ca y est, il comprenait, elle se foutait carrément de sa gueule.

C'était malin, c'était déjà pas facile à venir jusqu'ici, encore moins de s'excuser publiquement. Il avait déjà réussi à ne pas bredouiller, qu'elle le comprenne merde. Et c'était la mauvaise humeur qui le gagnait en flèche-là. Heureusement qu'elle accepta ses excuses et qu'il soupira, la machoire toujours serrées, mais ses épaules se détendirent un soupçon. Bon, la mauvaise humeur était bien redescendue maintenant, tant mieux. Il tendit alors la main, un peu trop franchement et brusquement, mais tout de même paume vers le ciel pour montrer qu'il n'avait aucune arme et pour sceller si l'on pouvait dire la paix entre les deux personnages. Si elle ne voulait pas et bien tant pis il ne s'en formaliserait pas et il retirerait sa main, mais à ce moment-là serait tout de même méfiant envers la donzelle.

Bon ça c'était fait au moins. Maintenant, il lui fallait aborder le deuxième sujet épineux du pourquoi il était venu jusqu'à dans la réserve. Ce n'était pas évident, il fallait le reconnaître, mais bon, une autre bonne inspiration et il pouvait le faire. Oui, mais voilà, les deux touristes commencèrent à lui taper sur le système à les épier ou à choisir une carte postale ou il ne savait quoi. Il lui fallait donc prendre un ton tout aussi neutre et trouver les bons mots. Sora commençait visiblement elle aussi à trouver le temps long, tapotant ses talons sur le bord du tabouret. D'ailleurs, elle lui demanda s'il y avait autre chose. Ca débutait drolement bien cette relation avec cette drôle de louve, non? Ironie du sort quand tu nous tiens. Il soupira avant de reprendre calmement:

- Non, justement, ce n'était pas Enzo que je voulais voir, mais bien vous. J'avais quelques questions à propos d'un certain menu végétarien et je voulais votre avis à vous. J'avais quelques doutes sur le pourquoi il ne voulait pas l'inclure au buffet.

Il voyait bien qu'il la dérangeait pendant son boulot et peut-être ne pouvait-elle pas prendre de pause, mais il avait véritablement besoin de se faire une idée. Il n'était qu'un humain, mortel. Ce n'était jamais une partie de plaisir à se faire passer pour un appat et jouer aux échecs avec la Mort et sa serpette de malheur. Enzo faisait ce qu'il voulait parce que lui, un tas de poil, il pouvait se défendre, mais lui et sa bande de chasseur, si en plus fallait faire attention au menu des vampires, ça ne serait pas évident. Surtout que certains se disaient végétariens, chose qui le faisait presque rire d'un humour noir. On choisit la non-vie, on brille au soleil, on est immortel, on a des pouvoirs surhumains, mais par contre, c'est du sang animal qu'on boit parce que les humains on les protège. C'était se foutre de la gueule de qui, là? Hmm? D'où la question à la donzelle devant lui.

- On en parle là maintenant, tout de suite ou on sort?

Non parce que avoir trois témoins de ses questions, ce n'était pas terrible.

[Toutes mes excuses pour l'attente, vraiment.]

La tête légèrement penchée, Sora observait le chasseur, une mèche de cheveux cachant ses yeux noisette. Grand, bien bâti avec une gueule d'ange, il devait avoir un certain succès auprès des femmes et, si ses souvenirs étaient bons, probablement trop vu les femmes avec lesquelles il 'chassait' le jour où ils s'étaient rencontrés (elles semblaient avoir disparu et Sora ne s'en plaignait pas). Il fallait lui reconnaître cependant qu'il était quelque peu différent des Don Juan qu'elle avait rencontré jusque là. Il était supportable en somme, et s'il s'abstenait de lui coller des surnoms de canidés, elle devrait probablement pouvoir le supporter, en tant qu'allié. D'autant plus que ses explications sur sa présence, bien qu'étonnantes, semblaient prometteuses. Sa métaphore de "menu végétarien" et de "buffet" la fit sourire, autant pour son ironie que pour le choix des mots. Clairement, les chasseurs avaient eux aussi l'habitude de cacher leurs connaissances au commun des mortels.

Elle hocha donc la tête pour lui indiquer qu'elle acceptait la discussion. Elle voyait bien que Zach, au même titre qu'elle, avait dû mal à avaler la pillule du "pas touche aux Cullen". Elle n'était pas bien sûre de pouvoir l'aider à gober le morceau mais ça ne faisait jamais de mal de parler à quelqu'un d'un avis similaire au sien. D'un signe vers la porte, elle répondit sans un mot à sa question. Bien entendu, ils n'allaient pas en parler ici, même si les touristes semblaient prêts à partir (bien qu'ils soient probablement trop intimidés pour venir à la caisse avant cela). Elle glissa à bas de son tabouret, déposa la pince qu'elle triturait entre ses doigts, et contourna le comptoir. Elle murmura quelques mots à Aquene, qui hocha distraitement la tête et referma la vitrine. Tandis que sa tante prenait sa place à la caisse, Sora suivait Zach dehors. Mais un appel de la vieille femme l'arrêta.

« Sora. Ton manteau. » lui rappela-t-elle, blasée. Automatiquement, Sora pivota sur ses talons et se dirigea vers le porte manteau où une longue veste noire était suspendue. Elle l'enfila rapidement et attrapa une écharpe, pour faire mine de. Ça ne se faisait pas de sortir en pull par -4°C dehors parait-il. Heureusement, ses bottes étaient déjà enfilées. Elle passa devant le couple de banlieusards qui s'étaient timidement avancés vers la caisse et avec un coup d'oeil distrait lança : « Bonne journée. » Sans leur laisser le temps de s'en remettre, elle sortit, refermant la porte derrière elle. Elle se retourna vers Zach et hésita avant de proposer, faute de mieux : « Je vous offre le tour des lieux ? »

Elle attendit qu'ils aient fait quelques pas, et soient à l'écart de toute oreille indiscrète. Ses sens de louve ne se laisseraient point tromper sur le sujet. Elle rassembla ses pensées, avant de se décider véritablement à répondre à la question implicite et très justement posée dans la boutique. Rien qu'à y repenser, la formulation la faisait sourire. Il faudrait qu'elle la garde en mémoire tiens. Enfouissant ses mains dans ses poches, elle releva les yeux et souffla profondément, la vapeur d'eau de sa respiration devenant visible dans la fraicheur de l'air. Son avis à elle ? Tout le monde le connaissait, elle ne s'en était jamais cachée, mais il n'avait pas grande valeur. L'Alpha ordonne, la meute s'exécute. Enzo dit, Sora obéit.

« Que voulez-vous vraiment savoir en réalité ? Je crois qu'Enzo vous a déjà présenté tous ses arguments. Arguments valables quoi qu'il en soit, c'est ensuite au choix de chacun de les accepter ou pas. » Elle posa un regard patient sur Zach, un regard et des paroles qui montraient bien que derrière sa vingtaine d'années d'apparence se cachait bien plus. « Quant à moi, je n'ai jamais caché mon aversion pour toutes ces aberrations, quelque soit leur régime. Mais les consciences s'attaquent plus difficilement aux bonnes volontés... »

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Alleeeeeeez, s't'euuuuu pléééééééééé... Son cerveau lui chantait cette litanie bête et surtout très nulle, mais il n'avait pas le choix que d'attendre la réponse de la donzelle juste devant lui. Soit, elle en faisait exprès et le faisait poireauter pour de bon et se fouttre de sa tronche à lui, soit les indiens-loups étaient longs à la détente. Il espérait, il fallait être franc, que la bonne solution était la première, même si cela ne lui faisait pas plaisir. Mais aussi, elle pouvait peser le poids des mots, chose qu'il faisait en tout temps et tout lieu. Pour une fois il était impatient, c'était bien vrai, mais pour une bonne raison. La haine terrible qu'il éprouvait pour les vampires l'agaçait encore plus depuis qu'il avait appris la différence entre les vampires carnivores et ceux qui se prétendaient adeptes du sang animal. Ca l'énervait tellement que ça le mettait sur les nerfs et il n'arrivait plus à réfléchir normalement. Ce Enzo lui avait pourri la tête d'idée et de réflexion qui le trompait tant et si bien qu'il lui fallait un deuxième avis pour qu'il puisse prendre une décision sage et adéquate.

Ah enfin, elle se décida, elle avait acquiescé. Il hocha à son tour du chef pour confirmer la confirmation. Il prit la direction de la sortie, contournant sans un mot les deux péquenots en train de choisir leur carte postale. Il ne ferma pas pour autant son manteau. Même s'il faisait froid et verglaçant, il pouvait quand même survivre à un petit vent d'hiver. Mais à peine la porte ouverte, il regretta et s'en prit plein les bronches, bah, rien de mieux que l'air pur et frais. Quand elle le rejoignit, Sora offrit le tour du propriétaire. Ce fut à son tour qu'il acquiesça, sans mot dire, d'une manière polie qui proposait simplement de la suivre plus qu'il ne voulait véritablement jouer au touriste. Laissant sa vieille guimbarde sur le parking, il accompagna la jeune femme à l'abri des regards et des oreilles, le tout, indiscrets. Elle lui demanda alors ce qu'il voulait savoir. Il réfléchit un instant, l'écoutant avec une extrême attention, puis pesa ses mots avec réflexion.

- De tout ce que j'ai lu, de tous les mémoires de chasseurs que j'ai pu trouver, je n'ai jamais entendu parler de vampires végétariens. Ce que j'aimerai savoir, c'est si vous y croyez vraiment. J'ai eu la version d'Enzo, j'ai discuter également avec d'autres chasseurs de la ville, mais je veux un avis différent, le votre. Je ne veux pas qu'on me prenne d'amitié et qu'on me dise que les végétariens doivent être nos amis. Je veux votre avis à vous, vu qu'on a eu quelques petits problèmes au niveau de la rencontre. Je sais qu'ils sont différents des vampires qu'on a pu voir dans les films, ou bien lire dans les livres, mais est-ce que c'est vraiment possible de renoncer à l'appart du sang humain? De ne se nourir que d'animaux?

Menant Zach à l'écart de la rue principale, Sora leur fit faire le tour de la réserve, se rapprochant inconsciemment de la forêt, comme attirée par un appel de ses instincts. Ils entrèrent sur un petit terrain de sport de terre battue, entièrement couvert de neige puisque nul n'osait y venir par ce temps. Les lieux étaient délimitée par de petites barrières de rondins de bois montant jusqu'au niveau des genoux, pour arrêter les ballons. Sora s'y hissa, ses bottes s'enfonçant dans la neige et y trouvant leur équilibre sans soucis. Mettant un pied devant l'autre, comme sur une poutre en gym (souvenirs, souvenirs, elle avait toujours été douée pour ce sport), mais gardant les mains dans les poches avec une décontraction peu naturelle malgré la difficulté de l'effort, elle écoutait distraitement les paroles de Zach.

Ne vous y trompez pas, elle était tout à fait attentive et comprenait bien où voulait en venir le chasseur. Mais tout cela demandait réflexion et la louve avait toujours besoin de s'occuper le corps quand elle réfléchissait à quelque chose... en l'occurrence, à la réponse qu'elle pourrait bien sortir, objectivement. Elle ne tenait pas non plus à influencer Zach afin qu'il pense comme elle, bien qu'elle ait son avis marqué sur le sujet, elle était pour que chacun puisse se faire son avis... après, s'ils n'étaient pas d'accord avec elle, c'était toujours très chiant, mais au moins c'était leur avis, et pas des perroquets formatés, ce qui pouvait donner des prises de bec intéressantes. Il était intéressant que le chasseur soit venu lui demander son opinion à elle, qu'il écoute différentes personnes, se renseigne plus amplement, avant de se forger son idée. Il avait plus de jugeote qu'elle ne pensait.

« Mh... » fit-elle lorsqu'il eut fini de parler, pour bien signaler qu'elle l'avait écouté et réfléchissait. Lorsqu'elle se fut finalement décidée, elle s'arrêta de piétiner sur sa poutre improvisée et fit face à (ou plutôt, baissa les yeux sur) Zach. Elle s'accroupit pour être à son niveau, toujours imperturbable malgré son équilibre précaire. Elle sortit néanmoins ses mains de ses poches et les posa sur ses genoux pour un peu plus de confort. « J'étais sceptique moi aussi, au début... Des vampires n'attaquant pas les humains, je n'y croyais pas. Mais cela fait plusieurs mois maintenant que les Cullen sont là, que je les aperçois se mêler aux humains, et que j'écoute ceux qui les connaissent depuis plus longtemps. Je pense qu'ils essayent. Ils se nourrissent d'animaux, c'est un fait, nous les avons parfois remarqué faire. Et ils ont une odeur un peu différente des autres vampires : pas l'odeur du sang humain qui les trahirait s'ils ne faisaient que semblant. »

Elle fronça distraitement le nez en pensant à l'odeur toujours aussi hideuse des vampires. C'était difficile de faire la différence, parce qu'après tout, ils puaient, alors ça ne donnait pas vraiment envie d'inspirer un bon coup et d'analyser leurs odeurs, mais à force d'habitude, Sora avait fini par remarquer cette légère, très légère différence, qui caractérisait toute la famille Cullen par rapport aux vampires qu'elle avait croisé jusqu'ici. C'est ce qui faisait qu'elle les croyait, un minimum, dans leurs affirmations. Mais...

« Mais c'est comme si vous vous nourrissiez indéfiniment de gruau, de bouillie, de soupe ou autres liquides du même type : au bout d'un moment, vous en avez marre, ça ne vous nourrit pas entièrement, ne vous satisfait pas... et quand un bon steak vous passe sous le nez... » Horribles métaphores, il fallait l'avouer, mais Sora ne prétendait pas vouloir devenir poète. Elle posa un regard calme mais tout à fait sérieux sur Zach. Il ne fallait pas être une lumière pour comprendre où elle voulait en venir. « Il faut un moral d'acier pour ne pas lui sauter dessus... »

Son discours terminé, elle se redressa, fit quelques pas, et sauta à terre, ses bottes s'enfonçant dans l'épaisse couche de neige, étouffant le bruit. Elle se retourna vers Zach et conclut :

« Les vampires sont des prédateurs. Aucun lion, même avec le meilleur dressage du monde, ne devient inoffensif. »

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