Jasper était l'un des rares Cullen à préférer les jours de grand soleil à ceux de mauvais temps. La raison en était simple : lorsque le soleil brillait trop, les enfants Cullen pouvaient rester bien tranquilles chez eux, à attendre le retour des nuages. Mais Alice avait prévu du mauvais temps pour le reste du mois, ce qui n'était pas pour plaire à Jasper. Il détestait aller en cours. Heureusement, sa chère et tendre avait vu que la neige finirait par tomber, ce qui permit à Jasper de ne pas trop râler. Les batailles de neige entre Cullen était des plus impressionnante - et amusantes pour lui. Alors, bon gré, mal gré, il supportait l'odeur alléchante des autres étudiants en entrant dans l'enceinte de l'université. Voyant qu'il avait un peu de mal - une demoiselle sentant meilleur que les autres venait juste de lui passer sous le nez -, Alice lui prit tendrement la main, ce qui eut pour effet de le détendre légèrement. Il posa le regard sur elle en un léger sourire, la remerciant mentalement. Bientôt, ils durent pourtant se séparer, n'ayant pas cours dans les mêmes options. Elle l'abandonna devant son amphithéâtre d'histoire et partit de son pas dansant vers son propre cours, s'attirant quelques regards masculins dont Jasper se serait bien passé.

Dans un soupir, il entra dans l'amphithéâtre, ce qui lui permit de ressentir les émotions de tous les étudiants déjà présents, qui ne ratèrent pas une miette du spectacle sous leurs yeux : l'entrée de Jasper à leurs côtés. Il ressentait de la crainte, un peu de peur parfois et, rarement, du respect. Sans doute quelque rare élève ayant une meilleure vue que les autres et distinguant ses traces de guerre sous la lumière aveuglante des néons. Sans porter grand intérêt aux autres, il monta rapidement les marches - faisant tout de même attention à garder une vitesse normale pour un humain -, pour se retrouver au dernier rang où il s'installa, aussi muet qu'une tombe. Comme il s'en doutait, personne n'osait s'approcher de lui et gardait une distance respectable, leur instinct de survie criant de ne pas approcher ce prédateur inconnu. Jasper appréciait ce comportement, qui lui permettait de garder une distance de sécurité, au cas où un léger courant d'air lui apportait une odeur délicieuse. Il se devait de ne pas perdre les pédales. Et puis cela lui permettait également d'être le plus loin possible de son professeur.

Car oui, il souhaitait être le plus loin possible du Professeur Andoras et pour une raison très simple : l'odeur. Non, n'imaginons pas l'un de ces multiples professeurs aux cheveux gras et à l'odeur de sueur tellement importante qu'on en viendrait à se demander s'ils connaissaient l'existence du déodorant. Celle du professeur d'histoire était bien pire dans les narines aiguisées de Jasper, ne donnant aucun doute sur sa véritable identité : un loup-garou. Il se doutait que sa propre odeur ne devait pas être beaucoup plus agréable mais se questionnait sur ce point : avait-il la moindre idée de l'identité de l'étudiant immortel ? Savait-il qu'il s'agissait de Jasper ou avait-il des doutes sur un autre élève ? Dans de tels moments, il rêvait à avoir le même pouvoir que son frère et ainsi sonder les pensées de son professeur. Mais il en était incapable et se contentait donc de vérifier les sentiments de chaque étudiant présent dans l'amphithéâtre, afin de passer le temps. Pourquoi donc avait-il choisi histoire ? Il connaissait déjà par cœur les événements de chaque pays depuis sa création jusqu'à nos jours et n'espérait donc pas apprendre quelque chose de nouveau.

Il vaquait tranquillement à ses occupations lorsqu'un mot sorti de la bouche du loup attira son attention : Mexique. Il tira donc son attention des sentiments d'une petite blonde du premier rang pour s'intéresser aux propos du professeur. Et il ne fut pas déçu. Comme tous les autres, il expliquait le taux de mortalité important de la fin des années 1800 par une maladie incurable touchant toute la population, en particulier les enfants. En entendant cela, Jasper ne put s'empêcher d'avoir un petit rire ironique. Ce ne fut que lorsque tous les regards se tournèrent qu'il remarqua qu'il n'avait pas été des plus discrets. Mais cela avait été plus fort que lui. Les humains pensaient toujours aussi naïvement que la baisse de population à l'époque n'était du qu'à un virus. S'ils savaient...

La sonnerie retentit alors, délivrance pour Jasper. Il attendit que l'ensemble des étudiants soient sortis, saluant le professeur au passage, pour se lever à son tour et ranger l'unique feuille - toujours aussi vierge d'écriture - dans son sac de cours, avec son stylo auquel il n'avait pas touché. Il passait devant le chien galeux en retenant sa respiration lorsqu'il entendit son nom. Génial, il ne manquait plus que ça ! Il se retourna, non sans cacher son agacement. Que lui voulait-il ? Simplement parce qu'il avait interrompu le cours d'un petit rire ?

Plus que quelques mètres et il était dehors. Peut être pouvait-il avancer à vitesse normale - pour un vampire - et donc se barrer plus vite de cet amphithéâtre puant ? Il compta les pas qui le séparaient du couloir. Sept, à tout casser. Il s'imaginait déjà emmêler les doigts d'Alice entre les siens en la retrouvant, s'installer à une table de la cafétéria avec les autres Cullen et regarder Bella manger, qui serait toute rouge d'être le centre de l'attention. Il imaginait déjà devoir envoyer des vagues de calme à Emmett, pour que celui-ci arrête de jouer le gamin hystérique en prévoyant les multiples batailles de boules de neige qu'ils pourraient faire dans le jardin - peut-être me se battre au corps à corps. Il se demandait même si Rosalie serait en cours ce jour même. Plus que trois pas. La délivrance. Et... "Jasper". Merde.

Que les caniches pouvaient être susceptibles... Avec une lenteur recherchée, qui pouvait même paraitre très très lente à des yeux humains, il se retourna vers le professeur, fronçant théâtralement le nez pour montrer la puanteur émanant de l'homme en face de lui. Quitte à savoir la véritable nature de l'autre, autant prouver qu'on ne le portait pas du tout dans son cœur. Jasper s'arrêta, immobile, attendant la suite. Andoras lui désigna un siège, qu'il ne prit même pas la peine de regarder. Rester debout des heures durant était loin d'être un problème pour lui. Il se contenta donc de croiser les bras - lentement une fois de plus - en attendant la suite, qui ne se fit pas attendre d'ailleurs. "Coucher là" ? Mais c'est qu'il avait de l'humour, à échanger les rôles. C'est aux chiens qu'on donne des ordres, et non l'inverse. Et il continua joyeusement sur sa lancée, en l'insultant avec élégance. Jasper ne put s'empêcher de hausser les sourcils, surtout en captant l'amusement de la part du professeur. Était-ce à ce point distrayant de s'en prendre à l'un de ses élèves ? Se doutait-il qu'il en perdait toute sa crédibilité à faire son petit sermon sur le respect des morts ?

- Insulte sur élève mineur ? Ça peut valoir gros ça... Le caniche ne pourrait plus s'amuser sur son estrade, si j'avais l'envie soudaine de me plaindre à l'administration.

Il eut un gentil petit sourire ironique. Là était le gros avantage d'être figé dans un physique de moins de vingt et un ans : la minorité légale américaine. Et les Cullen étaient connus de l'administration pour être d'excellents élèves et pour verser des sommes faramineuses dans les banques de l'université, faisant d'eux une famille intouchable, d'autant plus qu'il étaient tous d'une politesse rare. Rien ne pouvait donc leur arriver. Ils avaient pour mot d'ordre de ne pas trop utiliser ce "pouvoir" mais sur le coup, c'était plus fort que lui. Et les autres ne lui en voudraient pas d'avoir donner une bonne leçon à un loup-garou. A part peut être Carlisle...

- Que connaissez-vous de la mort, Monsieur ? Vous avez du vivre à l'époque de la Seconde Guerre Mondiale, et alors ? Cela vous donne le droit de donner la leçon à ce que vous penser être un adolescent ?

Il tentait de ne pas s'emporter. Le loup-garou savait-il que le venin des vampires était le pire poison qui puisse exister pour lui ? Qu'il pouvait mourir en quelques secondes si Jasper décidait de lui sauter dessus ? Mais celui-ci essayer de rester le plus calme possible. Il avait eu tellement de mal à avoir ses belles prunelles dorées, preuve de non-soif de sans humain, qu'il ne voulait pas les voir tourner au noir à cause d'un stupide lycan. Il imposa l'image d'Alice à son esprit, afin de se détendre.
C'était plus fort que lui. Le Mexique le mettait toujours dans tous ses états. L'ignorance des professeurs face à l'histoire sanglante de ce pays l'insupportait. Le fait d'être la cause de cette mortalité infantile était d'autant plus difficile.

- J'ai beau être une "saloperie de vampire", je garde un tant soit peu de respect pour la mort. Mais le respect pour un professeur qui pense tout savoir alors qu'en fait il se leurre à croire les historiens humains, c'est une autre histoire.

L'ironie et l'amusement que ne cachait pas le professeur taper sur le système de Jasper. Apparemment, il était tombé sur l'exemple même du vampire type : détestant les vampires et avec un égo surdimensionné, pensant toujours avoir le dernier mot. Une version has been de Jacob Black, génial. Peut être devrait-il présenter l'énergumène à Bella et ainsi la dégouter du Quileute. Ce serait tout bénéfice pour les Cullen et surtout pour Edward, d'ailleurs. L'idée était plus que tentante... Il se raisonna rapidement cependant. L'heure n'était pas à disserter sur "comment se débarrasser d'un adolescent loup-garou sans le tuer". Il reporta donc son attention sur le loup-garou vieillard, maudissant son esprit vampirique à vagabonder n'importe où quand ce n'était pas le moment.

- Non, mais je pense avoir raison en disant que je suis le seul à qui cela ne fait aucun effet. C'est amusant de terroriser les pauvres petits étudiants ?

En disant cela, Jasper eut une petite pensée pour l'homme d'affaires de Seattle, qui trembler simplement en entendant les mots "Jasper Hale". Pauvre petit humain trafiquant de faux papiers... Pourtant, avec un tel trafic, il aurait du être habitué à voir pire qu'un garçon de vingt propre sur lui mais au regard effrayant, non ? Jasper trouvait cela dommage d'ailleurs, de ne pas faire le même effet sur les loups-garous. Leur faire peur d'un simple regard aurait été tellement plus simple. Mais il fallait qu'ils se soient mis en tête d'être les protecteurs des humains contre les méchants vampires et donc vouloir les défier à tout bout de champs. Quelle idée...

- Il n'est pas minuit, à ce que je saches ? Vous seriez étonné du nombre de "sangsues" qui se baladent en pleine journée. Et tous ne sont pas aussi pacifiques que mon clan et moi-même.

Il était d'ailleurs incroyable de voir le nombre de pupilles rouges qui brillaient dans les rues d'Hanover. La ville était devenue capitale mondiale des vampires sans qu'on ait mis les Cullen au courant ? Jasper se doutait bien que, s'ils avaient su qu'autant de buveurs de sang rôdaient dans le coin, jamais ils ne s'y seraient installés, ne serait-ce que pour la sécurité de Bella. Et il n'aurait pas été coincé dans un amphithéâtre avec un chien puant s'ils avaient décidé de gentillement rester à Forks...

- Carlisle Cullen, oui ? Vous connaissez mon père ?

La surprise se lisait sur les traits parfaits du vampires. Il était d'autorité publique - du moins, pour les Cullen et les Quileutes - que Carlisle et les siens avaient déjà eu affaire à des loups-garous dans le passé, avec qui ils avaient mis au point des traités dit "pacifiques". Mais jamais Jasper n'avait entendu parlé de rencontres entre le chef de famille et d'autres lycans. Étrange...
Ce qui fut d'autant plus étrange fut que l'amusement du petit vieux redoubla de plus belle. Qu'y avait-il de drôle là dedans ? Bien sur, il "oublia" de préciser que Carlisle n'était pas le seul autre Cullen mais qu'ils étaient un total de huit, sept vampires et une humaine. Les grands clans vampiriques étaient tellement rares qu'il ne souhaitait pas que la famille se fasse remarqué par quelqu'un connaissant leur véritable nature. On ne sait jamais.

- Ce n'est certainement pas une coïncidence si j'ai les pupilles dorées comme lui et non rouges. Je suis végétarien.

Il préférait préciser, au cas où...

Jasper ne se cachait plus de froncer le nez maintenant. Il en avait assez de cette discussion sans queue ni tête. Que lui voulait-il à la fin ? Lui dire, comme à un enfant de six ans, que ce n'était pas bien de se moquer ? C'était fait, il pouvait le laisser tranquille maintenant. Jasper se mit à songer à quelle option il pourrait prendre, pour ne plus supporter les cours d'histoire - et le professeur. Peut être géographie, simplement ? Ce serait la première chose qu'il ferait en sortant de l'amphithéâtre : se diriger vers le secrétariat pour y changer son emploi du temps. Un sourire éblouissant "à la Edward" suffirait sans doute à obtenir ce qu'il voudrait de la secrétaire. Il l'espérait, du moins.

Néanmoins, il se trouvait chanceux qu'Andoras connaissait Carlisle. Celui-ci avait du lui expliquer leur mode de vie et leur régime, quelque peu "différents" des autres vampires. En tous cas, annoncer que le nom commun de Cullen n'était pas un hasard sembla jeter un froid sur le professeur. Il avait un tant soit peu de respect pour son père, c'était déjà ça. D'ailleurs, qui ne pouvait respecter Carlisle, qui passaient des heures au bloc opératoire sans ne jamais faire de victimes ? Un tel self-control était impressionnant pour d'autre vampires, même végétariens.
Pourtant, l'idée que Carlisle ait rencontré ce genre de loup-garou n'était pas pour plaire à Jasper. Bien sur, il se doutait que cela n'avait pas fini dans un bain de sang, vu que l'un comme l'autre étaient encore vivant à ce jour, mais il n'appréciait pas vraiment que son père puisse être mis aussi souvent en pareil danger. Il n'osait imaginer ce que deviendrait leur clan, si leur chef venait à disparaitre.

"J'ai essayé de tuer ton père..." Jasper regretta de ne pas avoir pu cacher le sursaut de surprise à cette annonce. Un grondement sourd commença à monter de sa poitrine alors qu'il envisageait de sauter sur le loup-garou. Professeur ou non, il s'en fichait. On ne touchait pas délibérément aux Cullen sans en payer les conséquences. Et Jasper était connu pour être le plus protecteur et le moins patient de la famille. Il se demandait même pourquoi il n'avait pas encore tué l'homme en face de lui lorsque celui-ci continua, d'une voix beaucoup plus joyeuse, moqueuse.
Nouveau grognement. Club de streap-tease, vraiment ? Un endroit où son père n'avait sans doute jamais mis les pieds, ne serait-ce que pour ne pas se faire tuer par Esmée en rentrant. Imaginer sa douce et calme mère en colère contre son père était une pensée assez amusante car unique en son genre - il ne les avait jamais vu se disputer depuis qu'il vivait sous leur toit.

Il grimaça finalement à la dernière remarque de son professeur. Écrire ses cours ? Ce serait bien une première. Il n'en avait nul besoin, connaissant déjà l'ensemble du programme par cœur - tiens, amusante, l'expression. Et puis, il n'était pas le seul de la classe à ne pas se soucier des longs discours de l'homme debout devant eux. Il pouvait lui citer au moins cinq autres personnes qui étaient habiles dans la technique du "je fais semblant d'écrire et d'écouter".

- Cela ne va pas être possible. Je fais déjà l'effort de caser des erreurs dans mes copies pour ne pas avoir les meilleures notes...