Dans la clarté de la nuit ( Pv Rosalie)

Bien que le métal avait retrouvé toute sa splendeur, Jonathan continua à frotter la lame de sa hachette avec énergie. Depuis qu'il faisait partie de la grande famille des chasseurs, il avait appris à développer un sens assez étonnant de la propreté : tout devait briller, tout devait scintiller. La lame devait être aiguisée à point, le manche devait resplendir. Cette nouvelle obsession n'était pas moins le fruit de sa "conscience professionnelle" que celui de sa volonté de trancher avec le vice que l'on pouvait associer à son activité de chasseur. En effet, en dépit des 10 mois qui s'étaient écoulés depuis son premier meurtre, le jeune homme demeurait mal à l'aise vis-à-vis de la nouvelle identité qu'il avait endossée. Non pas qu'il éprouvait quelques remords à servir le bien et soumettre le malfaisant à la justice, mais démembrer des corps, décapiter des têtes, en faire des feux de joie, n'était de toute évidence pas des actes qu'u homme doué d'un minimum de raison pouvait prendre plaisir à réaliser.

Serrant son torchon imbibé d'un bactéricide puissant, Jonathan observa avec satisfaction son travail de récurage, et rangea l'arme dans son manteau, à sa place habituelle. Il avait maintenant coutume de se battre avec cette unique sorte d'outil de boucher, dont la légèreté lui permettait de rester agile sans pour autant perdre en efficacité puisque la lame parfaitement aiguisée était capable de couper un bras humain sans aucun effort. Ainsi, il avait réussi à imposer son propre style et ses propres manières de faire au sein de la communauté des chasseurs où il était désormais entré dans les moeurs que personne ne devait se ressembler.

La nuit était déjà tombée depuis longtemps. Seul le bûcher dans lequel s'évaporaient les derniers restes d'un vampire tenaient tête à l'obscurité profonde du pré dans lequel Jonathan avait ce soir décidé de traquer ses victimes. Les flammes dansaient en son nom, comme pour célébrer son énième victoire. Pourtant, la bataille n'avait pas été de tout repos, le jeune homme n'ayant pas réussi à prendre par surprise son ennemi. Il était heureusement parvenu à temps, à feindre l'humain déboussolé afin d'attirer le vampire dans ses filets.
Néanmoins, malgré sa réussite, il était épuisé. Cela faisait maintenant trois nuits d'affilées qu'il chassait, et ce dont il avait maintenant besoin, c'était de repos.
Il entreprit alors de rentrer chez lui, après avoir dispersé du sable sur le feu pour effacer les traces de son passage.

La marche de nuit lui faisait du bien. L'air frais qui vint se plaquer contre sa peau brûlante lui redonna de l'énergie, et éveilla en lui un certain enjouement. Ce fut si agréable, qu'au détour d'un petit stade de soccer municipal, il décida de s'arrêter pour se poser dans les gradins. Ainsi, durant quelques minutes, il ferma les yeux, laissant la brise évacuer son esprit. Il retrouvait de cette façon une certaine paix, après s'être agité des heures.
Toutefois le repos fut de courte durée. La chasse lui ayant appris à perfectionner son ouïe, le bruit des pas qui claquent contre le béton parvinrent à son oreille, et aussitôt Jonathan se remit en condition d'éventuel combat. A cette heure-ci, un vampire pouvait rôder. Et son intuition lui faisait inconsciemment savoir, que cette hypothèse avait toutes les chances d'être vérifiée.

Car à une quinzaine de mètres de lui, se trouvait de dos une jeune femme, dont l'unique chevelure permettait d'affirmer de cette dernière qu'elle était vertigineusement jolie. Cette beauté, aussi plaisante à apprécier fut-elle, était bien souvent un indicateur très fiable de la présence d'un vampire.
Vu la faible distance qui séparait les deux individus, il était à cet instant impossible pour le jeune homme de reculer. Mais dans le même temps, une attaque surprise était peu envisageable, d'autant plus qu'il n'était pas certain de vraiment savoir à qui il avait affaire.

Avec une discrétion qu'il savait quasiment vaine, il s'avança vers la jeune femme, appuyée sur la rambarde de fer du bas des gradins, faisant face au stade vide. Il comptait beaucoup sur le souffle du vent pour l'aider à masquer le bruit de ses pas.
Pendant ce temps, il imbiba la lame de sa hachette du Sang des Morts, et releva l'arme au niveau de ses épaules. Si jamais il avait fait fausse route, il n'aurait qu'à fuir : l'obscurité des lieux ne permettait pas de le reconnaître.
Mais alors qu'il ne se trouvait plus qu'à quelques centimètres de la jeune femme, cette dernière se retourna d'un mouvement bref.

Jonathan eut à peine le temps de voir combien ses yeux clairs étaient beaux, que la machette vint s'abattre en direction du cou de sa cible.