I just want to stop thinking about... him [Mahala]

Dire que Sora était de mauvaise humeur était un euphémisme, elle était dans l'une de ses phases « Je grommelle, boude et grogne parce que j'en ai beaucoup trop sur la conscience et que je déteste me prendre la tête sur des dilemmes. » En temps normal, elle ne se serait donc jamais transformée en louve, ne souhaitant pas contaminer toute la meute de sa mauvaise humeur et surtout laisser ses pensées tourmentées en pâture à leur curiosité. D'autant plus que sa tante avait beau s'être remise de son coup de froid, elle restait faible et Sora aurait préféré s'occuper d'elle et dormir pour pouvoir être opérationnelle le lendemain pour s'occuper de l'épicerie. Malheureusement, plusieurs des leurs avaient été blessés aujourd'hui dans un combat contre des sang-froids (probablement des Volturis), Jacob l'avait donc réquisitionné, bien qu'à contrecœur. Sora pouvait déjà s'estimer heureuse que ce fut Jacob et non Enzo qui vienne lui demander de s'occuper de la ronde ce soir-là, car elle n'aurait su comment réagir devant son Alpha et petit-ami suite à son imprégnation.

Imprégnation qu'elle avait rencontré quelques heures auparavant seulement, et dont elle n'avait pas encore eu le temps d'avaler l'apparition. Elle n'était pas sensée s'imprégner avant Enzo, par tous ses ancêtres c'était vraiment pas le moment ! Si leurs rôles avaient été inversés, elle savait comment elle aurait réagi, elle s'y était préparée depuis le début de leur relation à l'idée qu'Enzo trouve son imprégnation. Mais que ce soit elle en premier ?! Non, jamais, jamais cela ne lui avait effleuré l'esprit. Elle n'était pas de ceux qui ne vivaient que dans l'espoir de trouver leur âme-soeur, Enzo lui avait toujours suffit, alors pensez donc ! Elle était dans la mouise, et son esprit restait bloqué sur le sujet sans que son rôle de sentinelle ne puisse beaucoup l'aider à se divertir.

La nuit était avancée, la lune gibbeuse ascendante surplombait la forêt, l'éclairant de sa pâle lueur et guidant les louves aux yeux perçants. Voilà plus d'une heure que Sora et Mahala, sa soeur de meute, arpentaient séparément leur territoire sans échanger plus de quelques mots par pensée pour indiquer leur position respective et quelques informations importantes. Que Mahala soit sa coéquipière pour cette nuit n'arrangeait pas l'humeur de Sora. Certes, depuis qu'elles avaient mis les "choses au point" dans un superbe éclat de colère respectif et un échange de cris et de coups, la tension qui existait auparavant entre elles s'était estompée, mais Sora se sentait incapable d'avoir confiance en sa soeur d'esprit comme cela avait été le cas autrefois. Le fait qu'elle même ait rencontré son imprégnation il y a quelques années pour finalement la perdre n'aidait vraiment pas les choses. Sora savait très bien que Mahala était on ne peut plus sensible aux pensées qui traversaient son esprit. Et, malgré la distance entre elles qu'imposait Sora, elle était un brin gênée que sa soeur en particulier doive les entendre, malheureusement, comme toujours dans ce genre de cas, il était quasiment impossible de réguler son flux mental.

Bien décidée à se forcer à penser à autre chose en se concentrant sur sa tâche et son rôle, Sora piqua une pointe de vitesse au coeur de la forêt. Sautant par dessus les souches d'arbre à terre, se faufilant entre les bouleaux serrés et filant dans les crevasses, faisant voltiger les feuilles mortes, elle se concentra sur sa course et laissa ses pensées s'enfouir dans son esprit. Elle aurait bien le temps, plus tard, de se préoccuper du sujet, pour le moment, elle avait un rôle à accomplir. En quelques minutes, elle traversa la forêt et déboucha sur le lac aux eaux sombres. La lune entourée de nuages cotonneux se reflétait sur la surface formant un étrange miroir au coeur de la nuit. Ce spectacle avait un côté magique qui marquait toujours Sora, même après deux décennies à l'admirer.

Le corps massif et pourtant fin et majestueux de la louve s'avança. Ses pattes s'enfoncèrent dans la rive ramollie par les pluies de la veille. Elle se pencha, et lapa de sa langue râpeuse l'eau fraiche. Le territoire Winnipesaukee était relativement épargné par la pollution, et l'eau était agréable pour humidifier sa gorge. Ses oreilles remuèrent machinalement sur le haut de son crâne tendit qu'elles repéraient des bruits au coeur de la nuit. Elle releva la tête et tourna le museau vers la forêt, d'où émergeait la silhouette brune à tâche blanche de sa soeur de meute. D'un mouvement de l'échine, Sora la salua avant de reprendre une gorgée d'eau.

* Pas de sang-froid imprudent ce soir, dommage. * lança-t-elle par leur lien avec une pointe de déception. Une proie aurait au moins pu la distraire !

Le fait que Mahala est passée une bonne partie de la journée derrière le bar n'arrangeait en rien son humeur. Elle n'allait pas dire que travailler pour Joe était une chose difficile, bien au contraire, il suffisait simplement de sourire, être aimable - ce qui d'ailleurs était la seule chose susceptible de poser problème chez elle - et servir rapidement le client. Cependant, au bout de trois heures, cela devient très vite lassant et on en vient à regarder par la fenêtre avec une irrésistible envie de s'évader. Mahala, accoudée au comptoir regardait donc avec la patience qu'elle s'efforçait de mettre en place, les clients se réchauffer autour d'un café, ou bien pour certains, autour d'une bonne pinte de bière. Il est vrai qu'il ne faisait pas très chaud à l'extérieur, du moins pour une personne normalement constituée. Cela se déteignait aussi sur l'humeur des personnes présentes lorsqu'elles venaient tous juste d'arriver, Mahala à ce moment-là n'avait qu'une envie, leur balancer " souris connard, la vie n'est pas si terrible pour toi "; même si justement, ce n'était pas ce qu'il fallait dire et donc elle se contentait de suivre son propre conseil et prendre les paroles peu respectueuses que l'on pouvait lui envoyer, au second degré. Heureusement pour elle, son service se terminait très bientôt. Elle avait justement troquée ses heures de l'après-midi avec celles du soir pour être capable de faire la ronde que lui avait demandée l'alpha de la meute, Enzo. Elle était si épuisée ces derniers temps ... le sommeil la fuyait, tous simplement. Et le fait qu'elle allait devoir passer sa nuit à faire une ronde ... disons qu'une soirée devant la télévision ne lui aurait pas déplût. Certes, si au début Mahala avait pu être légèrement réticente à passer toute sa soirée avec Sora, ce qui autrefois ne l'aurait pas dérangée le moins du monde, ce n'était plus réellement le cas à présent. Elle en avait ras-le-bol des silences qui prenaient forme parfois... c'était si facile lorsqu'elles étaient riens d'autre que les meilleures amies du monde. Lorsque le mot " complicité " régnait. De toutes manières, ce n'était qu'une ronde et si cela se trouvait, sa sœur de meute serait peut-être plus encline à une conversation ? Qui sait ?

Ce fut au bout d'une demi-heure qu'elle se libéra de ses fonctions et passant avec souplesse par-dessus le comptoir, étant sujet à une flemme immense de faire le tour, elle se dirigea vers la porte, saluant au passage quelques personnes qu'elle connaissait, sans pour autant s'arrêter pour échanger quelques mots. Non pas que Mahala soit du genre asociale, ce n'était pas vraiment le cas. Disons simplement qu'elle n'était pas du genre à traîner alors que du travail l'attendait à l'extérieur. La jeune louve finit par sortir dans l'air froid, qui ne l'atteignait pas. Certes, elle aurait tous de même pu enfiler une veste histoire de se fondre un peu plus dans la masse, mais ce serait un peu bête. Elle l'aurait gâchée, elle se connaissait suffisamment pour le savoir. Cela l'avait toujours agacée de devoir ce déshabiller avant de se transformer. Cela irait pourtant beaucoup plus vite si les vêtements n'éclataient pas ! Mais bon, Mahala avait de trop nombreuses fois fait l'expérience, du genre devoir se balader nue en plein milieu de la rue remplie de passants, avec une simple chemise prêtée par Enzo, dans sa grande bonté d'âme. Mmh, il faut dire que cette fois-là avait été mémorable, mais il y avait eu bien pire ... et Mahala préférait tourner la page sur les nombreuses fois où elle c'était affichée. C'est donc une fois sous le couvert des arbres, après s'être enfoncée pendant un petit moment dans la forêt que la jeune femme commença à se débarrasser de ses chaussures, puis à retirer son débardeur et son jean qu'elle installa sur les branches d'un arbres, les dissimulant dans le feuillage. Elle n'avait pas la moindre envie de les voir disparaître à son retour, ce serait vraiment ... déplaisant, surtout pour son humeur déjà plutôt mal emportée. Elle finit par retrouvée Sora, sa sœur de meute, après s'être prise sa forme lupine et la ronde commença.

La nuit se déroulait paisiblement, sans la moindre trace vampirique. La lune éclairait la forêt d'un éclat froid particulier, qui laissait une sensation de vide plutôt développée, seulement perturbée par la présence de petits animaux de la nuit, accomplissant leur petit train-train quotidien. Tous laissait penser que les sangsues n'étaient pas dans le coin. Ce qui eu le don de l'a décourager. Depuis qu'elle avait rejointe sa sœur de meute, elle avait compris que ça n'allait pas et elle avait aussi compris pourquoi puisque le visage d'un homme qui lui était inconnu, flottait constamment dans ses pensées, même si Mahala devinait qu'elle tentait de le lui dissimuler. Elle n'était pas non plus stupide ... disons qu'elle savait précisément ce que ressentait Sora, pour l'avoir déjà merveilleusement bien ressentie, il y a quelques années ... si longues années ... si loin. À se souvenir, le cœur de la jeune louve se serra et elle baissa la tête alors que son amie s'arrêtait pour boire quelques gorgées d'eau. Il lui manquait toujours, c'était le moins que l'on puisse dire ... et le fait de ressentir ces vieilles émotions par le biais de Sora ne l'aidait pas vraiment, elle qui tentait jours après jours d'oublier, qui n'en dormait plus depuis la mort de son âme-sœur. Il ne lui fallait pas penser à Cameron ... non ce n'était pas le moment. Mahala stoppa le flot de pensées et d'émotion qui menaçait de poindre et se concentra sur les reflets que la lune procurait sur la surface du lac. Elle ne voulait pas partager ces pensées en particulier avec quelqu'un. Cela ne concernait qu'elle et la douleur était souvent telle qu'elle ne voulait pas la faire ressentir à quelqu'un d'autre. C'est pourquoi Mahala se brida et abandonna son attention à ce qui l'entourait, cessant soudainement de penser, même si cela lui était difficile. La voix de Sora résonna soudainement dans son esprit alors que celle-ci se redressait et Mahala tourna machinalement la tête vers elle. Elle ressentait presque sa déception et avec un sourire canin, Mahala répondit tout en restant respectueuse envers elle, histoire de ne pas froisser le peu qu'elles reconstruisaient au fur et à mesure * Ce ne sont pas les buveurs de sangs qui auraient pu te distraire, crois-moi ! Il sera toujours dans tes pensées désormais, vampires ou pas vampires. * fit-elle sans avoir besoin de nommer la personne qu'elle désignait par "il", sachant pertinemment que sa sœur de meute savait parfaitement où elle voulait en venir. Ce n'était pas une leçon qu'elle lui donnait, juste une constatation. Rien de plus. À son tour elle s'approcha de la rive et pencha son cou pour boire un peu, n'en ayant pas eu l'occasion depuis un moment déjà. Depuis qu'elle avait quittée son domicile enfaîte. La course avait commencée à l'assoiffée. Puis, une pointe de curiosité s'empara de la jeune Alsoomse qui se redressa et se mettant face à sa sœur, plongea son regard doré dans le sien tout en s'adressant mentalement à elle * Est-ce que .. tu l'as dis personnellement à Enzo ? * demanda-t-elle, une pointe d'inquiétude derrière son ton. Elle était elle-même plutôt proche de l'alpha et sa réaction lui tenait peut-être un peu à cœur ... comment réagirait-il ? Elle ne le savait pas. Il avait toujours été dit partout qu'Enzo s'imprégnerait avec Sora, c'était presque devenu un mythe ...

Voyant le regard de Sora s'assombrir, Mahala détourna le regard ailleurs en grattant légèrement de la patte sur le sol avant de grommeler * Tu n'es pas obligée de m'en parler après tout c'est vrai que ça ne me regarde pas vraiment ... *

Après s'être désaltérée tout son soûl, Sora se détourna de la rive, laissant sa compagne prendre sa place pour se remettre de sa propre journée endiablée. A chacun son fardeau et Sora n'enviait pas celui de Mahala. Bien qu'elle lui en ait énormément voulu de l'avoir laissé en plan (ce n'était que la deuxième personne parmi ses proches à lui avoir fait le coup !), elle comprenait - depuis ce charmant épisode de confrontation où elles s'étaient expliqués - à quel point la mort de son imprégnation l'avait touché. Même si ce n'est certainement pas ainsi que Sora aurait réagit si elle avait été dans la même situation, elle pouvait accepté l'idée que Mahala ait déjà un bien trop grand fardeau sur les épaules pour ne pas qu'elle en rajoute. Et elle n'était pas assez obtuse pour ne pas penser au fait que la propre rencontre de Sora ce jour même remuerait le couteau dans la plaie. Au final, elle aurait vraiment dû demander à Jacob que quelqu'un d'autre prenne sa place : ça aurait été plus simple pour elles d'eux, et elle aurait eu le temps nécessaire... pour penser. Mais inutile de penser à ce qui aurait pu être fait, il fallait se concentrer sur ce qui devait être fait, présentement. Objectif premier : ne pas aggraver les choses en rembarrant Mahala, même si elle n'était pas d'humeur à faire la conversation sur le sujet.

* Oh pitié Mahala ! Inutile de me rappeler cette partie de l'imprégnation. * bougonna-t-elle donc simplement par leur lien mental, après avoir écrasé quelques pensées parasites (comme se plaindre du destin, devant quelqu'un qui ferait tout pour avoir son imprégnation auprès d'elle, pas cool) étant apparues le temps de quelques micro-secondes. * Parfois je me demande d'où vient ces particularités de notre fonctionnement tu sais ? Genre, partage des pensées sans aucune limite, obnubilée par un autre que soit... sérieusement, c'est d'un pratique ! * grommela-t-elle. Elle aurait été sous forme humaine, ces mots n'auraient bien évidemment pas passés ses lèvres, mais encore une fois, les loups étaient vraiment mal foutus, quel qu'en soit le responsable.

Agacée par la situation, avec une sérieuse envie de se gratter le dos émergeant en plus, elle s'ébroua violemment, comme un chien mouillé... Imaginez la scène : un loup de deux mètres s'agitant ainsi, épique, indubitablement. Bien heureusement, il n'y avait qu'elles deux sur des centaines de mètres à la ronde. Personne d'autre que quelques criquets et hiboux nocturnes pour admirer la scène. Sentant un léger changement d'humeur - inquiétude ? - dans l'esprit de sa soeur de meute, Sora se calma et se retourna vers elle alors qu'elle la fixait. Mais lorsque Mahala s'exprima finalement, sa question ne fit qu'accroitre l'agacement et la frustration de Sora, qui ne put s'empêcher de gronder tout bas, laissant échapper un avertissement instinctif. Attention, avancez prudemment, terrain miné.

Elles auraient pu en rester là, Mahala n'aurait probablement pas osé enfoncer la porte ouverte. Elle seraient retournées faire leur ronde, auraient soigneusement évité les sujets qui fâchent, et seraient rentrées chez elles tout aussi frustrées l'une que l'autre, toujours au même point dans leur relation profondément frustrante. Mais Mahala eut le réflexe d'offrir elle-même une porte de sortie en faisant machine arrière et avouant que ce n'était pas ses affaires... et Sora réalisa alors combien sa compagne faisait d'efforts pour que leur relation revienne sur les rails. Certes, ce ne serait jamais complètement comme avant, mais elle essayait, et Sora aurait été bien hypocrite de ne pas faire un effort également.

Ouvrant légèrement la gueule, elle expira, dans une étonnante parodie d'un soupir humain. Elle se détendit et s'assit même sur son arrière train avant de détourner les yeux vers l'horizon, laissant son esprit faire le vide un instant avant de répondre. * Non. Et je prendrais le temps qu'il faudra pour trouver les mots pour le lui dire... enfin pas trop longtemps non plus sans quoi il va finir par l'apprendre par un autre. Tu peux me rendre un service et éviter de te transformer en même temps que lui avant que je t'ai signalé que le problème était réglé ? Je sais que je ne suis pas le type de personne à avoir beaucoup de tact, mais crois-moi Mahala quand je te dis que ceci a autant, voir plus, d'importance pour moi que pour toi. Je n'ai jamais voulu que ça se passe comme ça. * Agacée par cette démangeaison entre les épaules, elle se tordit le cou pour se gratter du bout du museau, en vain. Sérieusement, le corps d'un loup a quelques inconvénients morphologiques majeurs. * C'est ce qui rend la situation encore plus difficile et prise de tête qu'elle ne devrait être. * Elle fit une pause et expira à nouveau. * Sérieusement, ces dilemmes mélo-dramatico-romantiques, c'est pas pour moi ! * conclut-elle.

S'abreuvant à la suite de sa soeur de meute, la jeune louve en profitait pour se maudire purement et simplement de ressentir des émotions aussi violentes. Le plus gênant était sûrement le fait que Sora puisse accéder à cela, c'était toujours ce qui avait le plus embarrassée Mahala, où plutôt énervée au-delà du raisonnable. C'était un atout pratique pour la chasse de partager les pensées et tout le restes, mais pour ce qui est de la vie privée, à croire que s'il y avait bien un dieu, il avait été franchement abrutis pour ne pas avoir pensé à ça. Mahala se redressa à présent contentée et la réflexion que lui fit Sora la fit sourire. Un sourire canin. Non, Mahala n'allait pas se jeter sur sa sœur de meute pour avoir manquée d'un certain tact - il faut dire que dans le domaine, Mahala ne s'en sortait pas mieux - mais cela l'aidait. Elle n'avait pas besoin d'être cajolée, d'ailleurs c'était bien une chose qu'elle ne voulait pas. Elle n'était pas de nature à se laisser bercer dans les bras d'une autre personne et la piqûre de rappel que venait de lui faire son amie, lui était bien utile. Enfin, elle réussit à reprendre ses bonnes vieilles habitudes et monta une barrière parfaitement construite qui barrait le passage à ce côté-là de ses sentiments, en désirant pas que la jeune Kimama y est désormais accès une nouvelle fois. Mahala s'abritait, comme d'habitude derrière son sourire et sa décontraction de façade. Ironique, elle lança par leur lien mental à la jeune femme ; * Tu n'auras pas à connaître cette partie de l'imprégnation, tu as bien plus de jugeote que moi quand ça concerne les gars * Imaginez maintenant un loup de deux mètres de haut faire un clin d'oeil complice à son partenaire. C'est assez ... perturbant.Les pensées ' parasites ' de Mahala n'étant plus qu'un mauvais souvenir au goût amer sur la langue, elle s'assit sur son arrière-train tandis que Sora s'adressait une nouvelle fois à elle. Elle haussa un sourcil étonnée devant les réflexions existentielles dans laquelle elle se plongeait. Qui n'y avait pas pensée ? Mais depuis le temps, il faut dire que Mahala aurait cru que Sora avait passée l'âge - étant transformée depuis un petit moment tout de même - de s'apitoyer là-dessus. N'empêche, elle ne pu s'empêcher de répondre, taquine * Comme complexe on aura vu pire, regarde les buveurs de sang ressemblent à des rochers ambulants, je pense que partagé nos pensées est bien plus avantageux, de plus qu'une fois avoir repris forme humaine, la connexion est coupée, alors qu'eux devront se supporter éternellement * La jeune Alsoomse ébouriffa sa fourrure, signe traduisant son amusement.

Cependant derrière cette façade derrière laquelle Mahala se dissimulait, elle continuait d'agiter sa cellule grise, songeant au couple que formait Sora et Enzo. Qu'allait-il en advenir ? Il avait toujours été dit que Enzo s'imprégnerait le premier, c'était Sora qui s'était préparée à avoir le cœur en miette et non Enzo ... Qu'allait-il se passer ? Mahala voyait déjà la réaction de son chef de meute et son estomac se serra soudainement. Elle n'aimait pas qu'il eut à souffrir de cela, ce qui signifiait que Sora devait apprécier encore moins. Mahala ne savait même pas s'il était au courant et ce fut après un instant qu'elle se rendit compte que Sora la fixait, interrogative. Encore une fois, elle n'avait pas pu bloquer la sensation que lui assénait cette réflexion. Lorsque son interrogation fut émise, elle ne fut pas surprise qu'elle gêna sa sœur de meute, mais habituée - si l'on peu dire ça comme ça - Mahala reposa son petit arrière-train sur le sol et posa des yeux attentifs sur son amie. Plus diplomate qu'à l'époque cependant, elle lui offrit une porte de sortie, histoire de ne pas avoir le museau dans les pâquerettes si la jeune Kimama avait jugée qu'elle se mêlait de ce qui ne la regardait pas - et c'était précisément ce qu'elle faisait, à y réfléchir.

Elle écouta les pensées de Sora qui emplirent son esprit ... ainsi Enzo n'était pas encore au courant. En même temps, cela devait s'être produit cet après-midi et Mahala doutait fortement qu'Enzo se soit transformé entre-temps. C'était mieux ainsi. Du moins, pour le moment. Sora sera bien obligée de tout lui avouer avant que quelqu'un ne se porte volontaire pour le faire à sa place. Enzo n'apprécierait sûrement pas de l'apprendre d'une autre grande gueule que celle de Sora. D'ailleurs, qui aurait le culot de faire ça dans la meute ? Ce qui pouvait être frappant chez Sora lorsqu'elle s'énervait, c'était ses mains et l'ayant vu à l'œuvre plus d'une fois, Mahala était bien contente de n'avoir que très rarement attisée une colère suffisamment violente chez son amie pour se faire refaire le portrait. Enfin cela était arrivé une seule fois, mais au final c'était bon pour leur santé et leur apaisement à chacune. * Malheureusement on n'a pas toujours ce que l'on veut * fit Mahala, sans penser une seule seconde que c'était bien le genre de réflexion que l'on garde pour soit dans ce genre de moment. Mais tout comme elle l'était pour sa sœur de meute, Sora était habituée au manque de tact dont elle pouvait facilement faire preuve. C'était leur mode de fonctionnement, voilà tout et elles s'en accommodaient toutes les deux. * Je tiendrais ma langue ne t'inquiète pas, incruster mon museau dans les histoires de couples n'a jamais été mon trip de toute façon * fit-elle en fronçant négligemment le dit museau, comme si elle prenait le problème exposé à son amie avec légèreté alors qu'elles savaient toutes les deux que cela perturbait Mahala. Les dernières pensées transmises par la jeune louve tira Mahala de son examen des alentours et avec un souffle rauque qui traduisait un rire qui détendit l'atmosphère, Mahala lâcha * Il est vrai que tu fais difficilement une vraie héroïne de film à l'eau de rose... ça ne colle pas vraiment avec le personnage *

Mahala se montrait plutôt décontractée à présent, elle avait presque l'impression de retourner à l'époque où la complicité était bien présente et à cet instant elle l'était aussi. Mahala soutenait la jeune Kimama à sa façon, même si parfois on pouvait venir à se demander si vraiment la jeune Alsoomse était de votre côté ou bien se fichait réellement de vous. Dans le cas de Sora il n'y avait aucun doute ; elle ne se ficherait jamais de la jeune femme comme elle pouvait le faire avec d'autres. Après un instant, elle se leva et dit * Allez viens, tu as besoin de te dégourdir les pattes ... on va bien finir pas se choper une sangsue. Promis je te la laisserais. * Elle lui fit un nouveau clin d'oeil et cette fois-ci prit les devants en élançant son lourd corps de fauve vers les arbres. Ses pattes s'enfoncèrent une nouvelle fois dans la terre, ce que Mahala apprécia à sa juste valeur. Le vent du soir battait contre sa fourrure ne lui tirant aucun frisson. Elle sentait la présence de son amie derrière elle et Mahala la laissa venir à sa hauteur et les deux louves continuèrent à cette allure, côte-à-côte. Sous son museau, aucune effluve vampirique ne faisait son apparition si bien que Mahala allait finir par croire qu'une virée au Joe's Bar serait bien plus intéressante pour trouver des ordures qu'ici, dans la forêt.

Ignorant les pensées parasites qu’elle pouvait deviner chez son amie, Sora fit le vide dans son esprit. Elle savait que cela aiderait Mahala à faire le tri dans ses sentiments tumultueux de ne pas avoir un retour sur ceux-ci. Vivre en meute n’était vraiment pas le plus facile des exercices de socialisation, alors pour les deux femmes aux caractères bien trempés c’était encore moins facile à vivre. Mais chacun d’entre eux s’y faisait avec l’expérience, apprenait les petits ‘trucs’ pour limiter les dégâts et gérer au mieux la situation. Mahala et Sora notamment n’étaient plus de jeunes louves fraîchement transformées… et pourtant, comme tout un chacun, lorsqu’elles étaient agitées par des événements particuliers, cela restait dur à gérer.

* Le problème c’est que je suis pas tout à fait convaincue d’avoir encore le choix. * marmonna Sora lorsque Mahala souligna sa ‘jugeote’ dans les relations sentimentales. * Pas que l’imprégnation puisse nous changer vraiment, mais elle met déjà mon monde à l’envers alors… *

Avoir l’esprit occupé par une personne et d’autant plus un homme, quel qu’il soit, c’était nouveau pour elle. Même Enzo n’avait jamais hanté ses pensées ainsi, 24/24h, malgré son amour indéniable pour lui. Et en plus cet amour, qui lui avait semblé être le pilier inébranlable de sa vie, était désormais remis en cause… parce que l’imprégnation faisait qu’elle en aimait un autre. Si c’était pas lui chambouler son petit monde ça…

Un son, entre éternuement et jappement, sorti du museau de Sora lorsque Mahala compara les sang-froids à des rochers ambulants. Elle lui décocha un regard amusé et, si elle l’avait pu, elle aurait facilement affiché un sourire en coin. Lorsque son amie accepta de la laisser gérer ses problèmes avec Enzo en personne, elle lui adressa un remerciement muet. Elles se comprenaient : ni l’une ni l’autre n’étaient du genre à s’amuser des problèmes des autres, et elles avaient toutes les deux bien trop de respect et d’amitié pour Enzo pour le blesser de quelque manière que ce soit.

* Oh, tu sais, dans le genre atypique, ça peut donner : « Histoire de cœurs de loups », ça changerait au moins des classiques ! Je suis sûre que ça peut trouver son public. * fit-elle mine de réfléchir, imaginant quelques exemples d'affiches de film avec elle-même en gros plan et Enzo et Nathan en arrière plan, histoire d’en rajouter une couche. Les deux louves hilares s’étaient désormais assez détendues au bord de la rive tranquille du lac. Sa surface lisse reflétait la lune et les nuages qui l’entouraient, une lumière pâle les baignant tendrement, donnant le parfait paysage pour cette scène lupine.

Sans un mot, Sora accepta l’invitation de son amie et la suivit entre les arbres. Louvoyant entre les troncs, elle remonta à la hauteur de Mahala. En parfaite coordination, elles se laissaient portées par leur foulée rapide et pourtant sans effort. Au cœur de la forêt, elles n’étaient que deux silhouettes sombres et furtives aux yeux humains. Deux fantômes protecteurs veillant sur le monde de la nuit. Cette partie de sa vie au moins restait inchangée. Mais pour combien de temps ? Que deviendrait-elle, que ferait-elle, lorsqu’elle aura expliquée à Nathan ce qu’était sa vie et ce dans quoi il avait mis les pieds en passant la porte de son épicerie ? Tout dépendrait probablement de sa réaction. S’il décidait de fuir, elle savait qu’elle ne pourrait se retenir de le suivre, malgré toutes les belles promesses, malgré son désir de rester auprès de sa meute et des siens.

Une odeur vint la distraire de ces pensées toujours aussi peu joyeuses et agaçantes. Les effluves bien connues d’un sang-froid lui chatouillaient désagréablement le museau. Mais alors que Mahala et elle s’apprêtaient à courber leur course vers le lieu où elle localisait l’individu, l’odorat perçant de Sora identifia l’individu. Elle ralentit alors en transmettant des pensées renfrognées à sa sœur de meute : * C’est l’un des Denali. * Tout à fait logiquement, le traité avait été étendu aux alliés des Cullen lorsqu’ils avaient été prévenus de leur arrivée pour vaincre les Volturi. Ce nouvel afflux de sangsues ‘végétariennes’ ne plaisait en rien à Sora, bien évidemment. Elle avait néanmoins repéré leur odeur, tout comme celle de tous les membres Cullen – même la petite nouvelle, Mathilda, dont l’odeur était encore plus horrible que les autres – pour éviter de leur sauter à la gorge par mégarde. Ce serait fâcheux n’est-ce pas ? Enzo le penserait en tout cas.

Celle-ci était l’une des sœurs, la plus jeune, si sa mémoire ne la trompait pas. Celle qui ressemblait à une gothique refoulée. Très à la mode au moins. En tout cas, elle gâchait encore plus la nuit de Sora, qui était déçue de voir l’opportunité de se défouler lui passer sous le nez. Et puis zut quoi, elle pouvait pas aller voir plus loin si sa nourriture y était l’insomniaque ! * Cet afflux de buveurs de sang light est agaçant. * remarqua Sora, bougonne.

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