Le jour avait lentement faibli, alors que personne ne s’était attardé sur ce détail : les rayons du soleil, rares à Hanover, qui s’approchaient irrémédiablement de la ligne d’horizon, pour vite disparaître et amener le voile nocturne. Peu à peu, les lumières étaient nées dans les foyers désormais privés de tout éclairage de la part de l’astre diurne. Aussi loin qu’il s’en souvienne, Enzo avait toujours préféré parcourir la réserve des Winnipesaukee de nuit, les choses étaient forcément plus effrayantes, et plus excitantes… sans doute parce qu’à l’époque de son enfance, il lui était interdit de se promener une fois le soleil couché. Sa mère était une femme qui, malgré son air terre à terre et ses non croyances dans les vieilles légendes racontées par la famille de Chogan, craignait beaucoup pour son fils, alors que celui-ci était un gamin casse cou, qui ne prenait pas le temps de réfléchir avant d’agir… les bêtises, c’est tellement plus amusant ! Heureusement pour bien des personnes, aujourd’hui le petit Enzo était devenu un adulte… et les années cinquante étaient bien loin, effacées par le temps qui passe, l’eau qui coule sous les ponts comme on dit. Pourtant, il gardait encore des souvenirs indélébiles de sa vie, de ses parents : les visages de chacune des personnes qu’il avait rencontrées, les voix, les rires qu’il avait partagé, ici ou ailleurs, d’ailleurs. N’allez pas penser que la vie d’Enzo s’était toujours limitée qu’à Hanover… contraint et forcé par sa mère de quitter la petite ville pour aller à New York, ce n’est pas pour autant qu’il était devenu un petit garçon qui ne s’ouvrait pas aux rencontres… et on peut dire que là-bas, il en avait aussi croisé pas mal, des routes totalement étranges ! Pourquoi pensait-il autant ? C’était disons une activité à laquelle il se livrait souvent, quand il était sous sa forme humaine et qu’aucun autre ne pouvait surprendre ses pensées alors qu’il se perdait en diverses divagations. Quand il était sous sa forme de loup, il était un Protecteur, l’Alpha de la meute qui plus est, et il ne s’autorisait que très rarement les plaisirs de la réflexion… alors il fallait bien qu’il profite de son aspect humain pour ça, n’est-ce pas ? La journée qui venait de passer s’était annoncée comme étant une journée bien banale, si bien qu’Enzo s’était autorisé une petite balade loin des siens, loin de Sora, même. Certes, il leur arrivait parfois de passer de longs moments ensemble, et il s’en délectait souvent… mais il y avait des jours comme ça, où l’instinct solitaire du jeune homme reprenait forcément le dessus et le poussait à disparaître quelques temps, sous sa forme humaine pour ne donner aucun signe de vie aux autres de la meute et d’être l’unique possesseur de ses pensées.

Ce lien privilégié entre les Winnipesaukee, il aimait en disposer quand il en avait besoin, mais parfois, comme s’il avait besoin de son jardin secret, il devait avoir quelques pensées rien que pour lui. Dans sa marche solitaire et silencieuse, il était passé devant l’Université de Dartmouth, où il s’arrêta quelques minutes, pas besoin d’être sous sa forme de loup pour savoir que ce bâtiment renfermait plus que quiconque ne l’imaginait. En autorisant les Cullen à s’installer en ville, il avait par la même occasion, autorisé certains d’entre eux à étudier dans la célèbre université et, sans sentir leur odeur aussi précisément que sous sa forme animale, Enzo avait senti qu’ils étaient là, tout proches… Il n’y avait que sous sa forme humaine qu’il s’autorisait à douter aussi… est-ce qu’il avait fait le bon choix ? Si certains de la meute Winnipesaukee entendaient ces pensées là, il se retrouverait bien gêné, incapable de donner la moindre explication sur ses doutes, ou même pour faire taire les protestations des siens. Comment pouvait-il faire cesser les soupçons de sa meute alors que lui-même, tout au fond, au plus profond de son instinct, il sentait que cette décision n’amenait qu’un vent douteux sur Hanover qui, définitivement, n’avait pas besoin de telles péripéties en ces temps sombres. Il avait rapidement repris sa route, histoire de ne pas être dominé par ces songes, et d’avoir le temps de tout enfouir, pour ne rien – ou presque rien – laisser transparaître une fois qu’il reprendrait place au sein des siens. Marchant lentement sans pour autant perdre son temps, l’Alpha des Winnipesaukee s’attardait parfois à observer les gens… il y avait des périodes où il passait tellement de temps sous sa forme animale, qu’il mettait parfois un long moment pour se familiariser avec les humains… c’était un léger inconvénient à traverser les âges comme le lui permettait cette jeunesse éternelle que lui garantissait son statut de Protecteur. Le soir était arrivé peu à peu, sans qu’il s’en rende compte, amenant une lune haute ce soir, quoique elle aussi, comme le soleil, cachée par la couche nuageuse qui planait par-dessus Hanover depuis trop longtemps. Alors qu’il s’apprêtait à remonter pour rejoindre la réserve des Winnipesaukee, il fut interrompu dans sa marche, par un hurlement strident, qui le figea sur place, lui glaçant presque les sangs. Non, rien à voir avec un hurlement humain, une fille qui crie devant un film d’horreur ou quelque chose du genre… c’était, beaucoup plus familier. Son instinct animal éveillé par le gémissement d’un de ses congénères, Enzo leva le regard vers les montagnes qui bordaient la ville, et qui se détachaient du ciel. Quelque chose n’allait pas… les Protecteurs n’utilisaient que très rarement ce système pour alerter la meute… Lui-même, il n’avait que très peu donné l’autorisation à l’un des siens de manquer autant de discrétion. Quelque chose clochait, il le savait, et même sans cette alerte, il le sentait au plus profond de lui, quelque chose s’agitait dans l’ombre et chez les Winnipesaukee… il espérait que personne n’avait été blessé en son absence. Sans perdre la moindre seconde – et prendre le temps de se déshabiller, tout le monde n’est pas exhibitionniste… enfin, ne parlons pas trop vite – il se transforma, atterrissant à quatre pâtes contre le sol froid, sentant les moindres vibrations dans le sol, même les plus éloignées. Et ces odeurs, il y en avait partout, les vampires étaient partout, il le sentait, comme si l’odeur des buveurs de sang ne quittait plus la ville, c’en était presque à le rendre fou parfois. Il capta rapidement quelques pensées au loin, la meute s’agitait comme il s’y était attendu, et il sentait encore une fois qu’il n’avait pas de temps à perdre. Disparaissant dans l’ombre au grand galop, il parcourut les ruelles désertes plus vite que s’il était resté sous sa forme humaine, atteignant en quelques foulées gigantesques la réserve, accélérant l’allure alors que les relents des pensées des Protecteurs se faisaient de plus en plus pressants. L’air battant à ses oreilles à cause de la vitesse, il parvenait encore pourtant à entendre le moindre bruit autour de lui, l’infime bruissement qui cherchait à être le plus discret possible. Alors qu’il dépassait déjà la bonne moitié de la réserve, il chercha à étendre ses pensées aux siens, ceux qui, il le sentait, étaient partis en direction des montagnes. Il cherchait Sora plus que tout autre, Jacob n’était pas parmi les siens, mais quelque part, parmi la masse, il distinguait la jeune louve, et il savait que c’était elle qui menait les troupes.

Pourtant, il n’eut pas le temps d’atteindre les pensées de Sora qu’il fut intercepté par une odeur, forte… du sang… de la poudre. Il connaissait bien cette odeur, elle lui était familière, bien qu’il n’avait pas eu énormément d’occasions de la croiser. Déviant de sa route prévue, il ralentit, prenant le temps d’inspecter les alentours, laissant son regard sonder l’horizon si sombre aux yeux humains mais si distincts aux siens. Adoptant une allure plus lente pour prendre le temps de suivre cette odeur éparse, il avança avec souplesse, traversant quelques coins d’ombres, sentant encore les pensées des Winnipesaukee, tenant particulièrement à rester attaché à celles-ci, sans pour autant les laisser aussi prenantes que quelques instants auparavant. Alors qu’il distinguait le bleu du lac de ses yeux perçants, Enzo posa ses yeux sur la silhouette qui portait cette odeur si particulière. Zack. Sans accélérer l’allure, il le rejoignit, laissant échapper un léger gémissement en l’atteignant, rien que pour signaler sa présence – c’était toujours préférable que le chasseur aux aguets ne lui tire pas dessus par mégarde. Silencieux et l’allure décontractée, Enzo se posta au côté du chasseur, même sous sa forme animale, il restait plus grand que lui – c’est fou ! Le rythme cardiaque de l’humain résonnait aux tempes du Protecteur comme s’il s’était agi de son propre cœur, quelque chose l’inquiétait et ça, il le sentait uniquement grâce à ses sens décuplés sous son état de loup. Il posa son regard sur l’homme, avant de le détourner vers l’horizon. Il s’était changé pour aller à la rencontre des siens et il savait pertinemment que tant qu’il restait sous cette forme, la discussion serait à sens unique entre eux deux. Cependant, il ne se transforma pas, gardant sa forme animale et cet air si serein… une poussée pudique ? Hm peut-être, ce n’était jamais de trop quand on était un loup parfois…

*Parfois j'aurais mieux fait de pas me lever* se dit tout à coup notre cher Zack, une lettre à la main. Ce matin il s'était levé assez tôt et avait discuté avec tout un tas de potes.. Non bien sur... des collègues. Zack n'étant pas le genre à jouer à faire ami-ami avec les autres chasseurs, ni avec qui que ce soit. En fait il avait toujours eu le strict minimum en ami et pour être sincère, il ne s'en formalisait pas. N'ayant pas été longtemps dans chaque ville, il ne s'attardait pas sur les possibles affinités. La première à passer ce barrage fut June. Il aurait pourtant bien voulu qu'il n'y en ai d'autre, mais dire aux gens ce qu'il ressentait, ce qu'il aimait, qui il aimait était au dessus de ses forces. Elle, elle avait eu cette facilité, ou du moins plus de que les autres à entrer sans son jardin secret, sans vraiment le vouloir. Après tout ils étaient liés au delà de leur amitié par un lourd fardeau qu'est la perte d'êtres chers. Elle avait eu une raison suffisante de se battre, tout comme lui d'apprendre à être ce que son père était. Il ne chassait pas pour vivre, il vivait pour la chasse. C'était devenu une partie de lui, peut être se sentait il proche de son père ainsi. Il avait sans doute ressenti une très grande fierté à lui apprendre ce qu'il savait, à lui enseigner l'instinct plus que la technique, qu'elle apprenait avec Ethan. Si on le lui demandait il ne dirait pas à quel point il se sentait proche d'elle, et à quel point elle l'avait blessé en partant. Pourtant il avait senti comme une déchirure lorsque sa petite soeur de coeur était parti. Comme si il avait failli.. Parfois il pensait, 'espace d'une seconde, qu'il aurait du protéger son père, que tout était sa faute, puis il redevenait lucide, et croyait au hasard, même si ce n'était pas son credo.

Il avait toujours cette lettre dans la main, il la relut une seconde fois, vous savez le vieux réflexe qui nous fait croire qu'en relisant, le contenu pourrait être différent. Non June lui disait bien une sorte d'adieu, des excuses... Pourquoi fallait il qu'il s'inquiète pour elle. Sans arrêt ses pensées étaient tournées vers elle. Il savait qu'elle avait un vide profond en elle, parfois ce vide l'enveloppait et la tenait prisonnière. Il avait tenté tant bien que mal, peut être maladroitement, de lui changer les idées. Par exemple tiens l'interlude fête foraine. Un fiasco.. Il avait pensé la faire sourire et tout avait terminé avec une bagarre, des vampires etc.. A croire qu'il ne serait pas celui qui la ferait sourire à nouveau. Là encore elle partait défaitiste sans espoir et son coeur se serrait. La feuille vint rejoindre la poubelle après avoir été chiffonné dans un poing fermé. Il restait là, le regard dans le vide puis se dirigea vers la réserve. Il aurait surement rit à une époque d'aller demander de l'aide à un loup. C'était aussi un grand pas pour notre chasseur à la fierté bien souvent présente. Il chercha Enzo - son premier réflexe - puis ne le trouvant pas, il trouva Sora. Autre moment risible, demander de l'aide à une louve qui, à leur première rencontre, avait tenté de le trucider à cause d'une blague qui n'était pas de circonstance. Outre la fierté de monsieur, il avait parfois l'art et la manière de sortir un certain humour que peu ne comprenait, ou diablement lourd et peu approprié aux situations. Tantôt cynique ou ironique, il s'en servait parfois pour masquer la peur qui l'étreignait, comme tout humain une fois dans sa vie. Sauf que pour lui, le danger c'était tous les jours qu'il le côtoyait. Là Sora réagit en pro, elle comprit à peu près les élucubrations de Zack qui - il faut le dire - n'était pas très clair. Il avait peur, peur de ne jamais revoir June, peur de devoir lui dire adieu, peur de devoir dire adieu à la seule personne qui lui restait. Elle n'était pas de son sang, mais avait suffisamment envahit son coeur pour être de la famille. Elle le confina à la réserve. Il aurait tant voulu protester, rétorquer qu'il s'agissait de June, mais non il resta là, regardant dépité Sora s'en aller.

Il avait beau être courageux, être quelqu'un qui agit, il n'était pas moins intelligent ou réfléchi. Il savait que si Sora lui disait que ce n'était pas sa place - même si son côté macho en prenait un coup - c'était un conseil et pas un ordre. Même si parfois la barrière était mince. Il n'aurait pas, il ne s'inquiéterait pas moins pour autant. Il s'était assis, avais repris la lettre, et l'avait relue. Un plaisir malsain ? Non. Il s'imprégnait de chaque mot, peut être avec un espoir, une envie, un besoin de la revoir et de lui demander ce que ça voulait dire. De savoir ce qu'elle ressentait même si ,il devait lui extirper ce que lui n'était pas foutu de dire. Il avait fait le tour de la réserve, sourit à deux trois qui n'était pas parti. Puis une envie de se baigner, de ne penser à rien, si juste au bruit que l'eau fait.. Juste ça.. Parfois il avait peur de finir écolo. Enfin il était encore loin de s'enchainer à un arbre bien sur, et peu probable qu'on s'attaque à la réserve, ils auraient un charmant accueil. Vous avez vu Sora en colère ? Croyez moi, on préfère être loin ! Quoi que Leah était pas mal dans le genre ! Bref il se déshabilla, il se plongea dans l'eau et fit quelques "brasses". Pas trop loin non plus il n'était pas suicidaire. Sauf que ce ptit jeu ne lui plut pas très longtemps. C'était plus fort que lui, il repensait à la fiesta - façon de parler - auquel s'adonnait les autres et où il n'était pas convié. Parfois il avait un plaisir malsain dans ce genre d'entreprise, on aurait pu le prendre pour un fou, mais la rage qu'il le prenait parfois en tenaille au niveau de ses entrailles n'avait de cesse qu'une fois une victoire à son palmarès ajouté. Pas le genre à se vanter tout le temps - bon peut être un peu - il savait où étaient ses capacités, et là où elles n'étaient pas. Le suicide n'était d'ailleurs décidément pas son truc. C'était l'affaire des vrais fous ou des gens - pour lui - lâches. Il n'aurait pas jugé pour autant June. Il savait que la peine pouvait détruire toute envie, pour lui ça l'avait poussé à chasser et à ne plus s'attacher aux gens. Elle aurait pu être catalogué comme une erreur de parcours, mais c'était si loin d'être le cas.

En se levant il mis de côté tout à coup ses pensées de côté et vit arriver un loup. A une époque il aurait pris peur, soit prit ses jambes à son cou soit tiré et couru. Ça dépendait de l'humeur. A présent depuis le temps il reconnaissait les boules de poils avec qui il bossait et celle ci avait tout d'un bon ptit Enzo en mode poilu. Il s'imaginait également que sous forme humaine il était nu et souriait bêtement à cette idée. Personnellement Sora nue, était quand même bien plus intéressante à voir, même si il ne se serait pas permis au risque de finir entre quatre planches. Tué par l'un ou l'autre ! Il n'aurait pas dit clairement qu'il n'était pas fan de le voir arriver sous cette forme, parce ce que premièrement, il était tout petit à côté - bon même sans il restait plus petit - deuxièmement et pas des moindre, il se retrouvait à faire la conversation tout seul. A part deux ou trois grognements, il n'était pas loquace sous cette apparence... Même en chasse parfois ça le stressait notre petit Zack de parler tout seul, à croire qu'il devenait sénile ! Il se décida tout de même à lui parler, tant pis si on le prendrait pour Jeanne d'arc. La partie brulé vif il s'en passerait par contre ! Il s'était vêtu à nouveau histoire de ne pas passer pour un exhibitionniste, ou un nudiste au choix. Eux ils avaient l'habitude de se promener tout nu - enfin pas devant lui encore heureux - mais moi très peu pour lui.

Génial... Tu sais que comme ça jvais parler tout seul ? Comme habitude tu me diras hein. Je suppose que tu es là pour le cri ? Enfin le hurlement ? Tu veux le topo ou tu sais déjà ? Super un grognement.. Ça veut dire oui ? Non ? Merde ? Nan parce que je sais pas tu devrais changer de grognement, jdis pas qu'il est pas super hein, même si bon, en fait on s'en fout, mais de le changer pour que je sache à peu près ce que ça veut dire. Genre un peu plus aigu ?

Chouette encore un grognement ! Jsuis toujours pas plus avancé en fait.. Ya pas..un moyen pour que..tu sais..que tu passe en version humaine ? Jt'aime bien en version bébête poilue, jdis pas le contraire, ça fait classe et tout et tout mais bon parler tout seul, tu sais, ben c'est pas mon truc ! En plus les charades sans indices, ou les rébus, j'ai jamais été très fort pour ça.

Il aurait pu déblatérer longtemps comme ça, il s'étonnait même lui même d'être aussi bavard. En fait il s'étonnait de dire autant d'âneries aussi.. Sauf qu'il était en mode *ne pas penser à June ou je vais finir fou* et que faire le mariole était un moyen de retarder l'inévitable, mettre des mots à nouveau sur ce qu'il se passait. Si on lui annonçait ce qu'il redoutait il irait se noyer, ou pas. Non en fait il serait juste perdu, énervé et déçu. Il attendait une réponse de la part d'Enzo, ou un semblant de coopération pour lui parler de vive voix.