Ces dernières semaines n’avaient pas été des plus calmes pour les habitants de la villa. En effet, avec l’attaque des Volturis et la menace perpétuelle qui régnait sur leur famille, les Cullen essayaient de se montrer solidaires, forts, mais s’il y avait bien une personne qui pouvait ressentir réellement les émotions de tous les membres de sa famille, c’était Jasper. Il était doté d’un don assez particulier qui lui permettait d’influer sur les émotions des autres autour de lui, mais il était surtout capable de les ressentir. Au cours des années, il avait ressentit tellement d’émotions différentes, tellement de sentiments envahisseurs, qu’il avait de plus en plus de mal à différencier ses propres sentiments, de ceux que le reste de sa famille ressentaient à présent, surtout quand le sentiment était unifié et unanime à ce point. Ces dernières semaines toute la famille avait ressentit une angoisse et une peur si perpétuelle et si pesante que l’ambiance de la villa était devenue de plus en plus insupportable au jeune vampire. Cependant, il n’en disait rien, comme d’habitude, il faisait juste son possible pour soulager le fardeau de tous ses frères et sœurs et de ses parents, sans dire un mot, sans se plaindre, et sans rien demander. Il était comme ça.

Ce jour-là Jasper était resté avec Alice à la villa, tandis que Carlisle était à l’hôpital, et Edward & Bella toujours à l’hôtel, pour éviter la présence près d’elle de deux vampires ayant encore du mal avec leur nouveau régime végétarien. La deuxième, Mathilda, s’était absentée il y a déjà quelques heures, et Rose commençait presque à s’inquiéter pour elle. Jasper écoutait d’une oreille distraite depuis sa chambre où il était avec Alice, tandis qu’Emmett essayait de rassurer sa femme sur leur fille. Soudain, un sentiment nouveau et assez accablant gagna Jasper, mais ce n’était pas lui qui le ressentait, ça il en était sur. Il se releva vivement, provoquant ainsi une légère curiosité chez sa femme qui se demandait ce qui le faisait réagir comme ça, mais Jasper ne répondit pas, il se contenta de descendre les marches de la villa à toute allure pour se retrouver dans le salon, au moment même où Mathilda rentrait elle-même. Elle avait l’air paniquée, et elle regardait furtivement tout autour de la pièce. Alice, qui était à son tour descendue se dirigea vers elle en même temps que Rosalie, Emmett & Esmé. Jasper fut le seul à rester en retrait, dans un coin du salon.

Il n’avait jamais beaucoup aimé Mathilda, elle faisait certes partie de la famille et comme pour tous les membres de sa famille, par respect pour Carlisle & Esmé, il la défendrait contre sa vie, mais il ne pouvait s’empêcher de ressentir des réticences à son sujet. Elle était encore toute jeune, elle ne faisait qu’expérimenter le régime végétarien, et Jasper savait à quel point c’était dur pour un vampire qui comme elle et comme lui avant, avait vécut des années et des années en se nourrissant uniquement de sang humain. Mais malgré tous les risques que comportaient sa présence ici – notamment les ordres des Volturis qui s’y opposaient – Rosalie & Emmett l’avaient adopté. Pour le bonheur de sa sœur et de son frère, il ne s’y était pas opposé, mais il n’aimait pas l’avoir avec lui sous son toit, peut-être était-ce simplement de la jalousie, mais elle ne lui inspirait pas confiance, et quelque chose lui disait qu’il avait eut raison vu l’air paniqué et les sentiments de culpabilité de dégoût qui émanaient si clairement de son tout petit corps si frêle à l’œil nu.

En tout cas il ne put réprimer sa surprise – et visiblement il ne fut pas le seul à l’être vu la vague d’ahurissement qui lui sauta à la figure – quand elle demanda à se retrouver seule avec lui. Que pouvait-elle bien avoir à lui dire ? Jasper avait beau ne pas l’aimer, il la respectait assez pour savoir qu’il ne s’agissait pas d’un caprice en l’air, et c’était loin de le rassurer. En tout cas, une fois que tout le monde fut finalement parti, il la vit se rapprocher rapidement de lui et sans qu’il n’ait le réflexe de faire quoi que ce soit, il la sentit venir se coller à lui et passer ses bras autour de lui. Il reprit une moue de dégoût en la sentant si proche de lui. Ce n’était pas qu’il ne l’aimait pas, mais il ne l’appréciait pas franchement, et il n’aimait pas avoir les gens si près de lui, il n’y avait qu’Alice qui faisait évidemment perpétuellement exception à la règle.

En tout cas une chose était sure, il n’était pas, mais alors pas du tout à l’aise… ! Il l’écouta cependant avec toute la patience dont il pouvait faire preuve, mais ne fut que moyennement étonné par ce qu’elle lui apprit. A vrai dire c’était le contraire qui l’aurait le plus étonné. Après tout, elle avait été élevée par les Volturis – encore une raison de ne pas l’aimer selon Jasper -, elle avait un don qui lui permettait de contrôler les autres – d’ailleurs heureusement pour elle qu’elle n’avait jamais essayé de s’en servir avec Jasper… ! – et elle avait forcément prit un minimum de goût au pouvoir qu’elle détennait, sans compter que la violence quasiment ancré dans la nature de tous les vampires. Elle avait raison sur un point, Jasper entre tous les vampires de la villa, était le mieux placé pour le savoir. Enfin ça ne l’empêcha pas de l’écarter le plus doucement qu’il put d’elle – même su ce n’était pas exactement le plus délicatement possible – et la maintint pendant quelques secondes à l’écart de lui par les épaules. Il lui lança un regard perçant tandis qu’il disait d’une voix parfaitement neutre, sans la moindre trace d’émotion, ni pitié ni colère, comme d’habitude :

« Je ne veux pas parler de ce que les autres ont pu te raconter de moi déjà, c’est clair… ? »

Certes, on avait déjà fait plus réconfortant comme message, mais qui avait dit que Jasper était doué pour réconforter les autres ? Il était même tout sauf doué pour aider les autres dans ce genre de cas. Enfin il soupira, se rendant compte qu’elle n’était rien de plus qu’une gamine effrayée par ses actes et dont le pouvoir pesait trop lourd sur les épaules. Cela ne l’empêcha pas de s’écarter encore légèrement en faisant un bon pas en arrière.

« Calme toi… » Encore une fois, on avait déjà fait mieux ! « Je ne sais pas quoi te dire, je ne sais pas ce que tu veux entendre. »

Il passa sa main dans ses cheveux dans un geste parfaitement humain qu’il avait en partie prit au contact de Bella, et qui montrait bien qu’il était gêné par la situation. Il était tiraillé entre son envie de l’aider, parce qu’elle faisait partie de la famille, et sa répugnance à parler de son passé et de ce qu’elle avait fait. Pendant quelques instants il fut tenté de s’en aller tout simplement, sans rien ajouter de plus, mais en relevant la tête il croisa les yeux encore rougis de la jeune fille et ils lui rappelèrent sans qu’elle le veuille ses débuts en tant que vampire… Il se retint de soupirer derechef, et sans pour autant se rapprocher, essaya d’afficher une attitude moins décourageante à défaut d’être plus réconfortante.

« Tu n’es pas un monstre. Je ne sais pas ce que les autres t’ont dit de moi, mais je suis sur que tu sais que j’ai fait pire et c’est pour ça que tu es venue me parler. » Il baissa les yeux presque inconsciemment, il avait honte d’en parler, encore après toutes ces années. « Enfin ça ne m’étonne pas, je savais que ça arriverait un jour ce genre de choses… »

Jasper avait tout simplement voulu lui dire que c’était dans la nature des vampires d’être violent, de ressentir un certain plaisir à tuer ou à faire du mal quand ils voulaient se venger… Mais dit comme ça, la jeune vampire ne le prendrait probablement comme ça. Une explication avec quelqu’un d’aussi ambigu que Jasper s’annonçait probablement plus corsée pour Mathilda qu’elle ne l’aurait espéré.