I'm not ok ! I want to hear your heart. [PV ; Bella]

I'm not ok ! I want to hear your heart.

Isabella Cullen & Jacob Black

Le bois se fendit avec une facilité déconcertante, explosant sous un coup de hache et se séparant en deux pour tomber idéalement de leur côté respectif. Il y avait déjà pas mal de morceau déjà coupé par les soins d’un jeune homme à la carrure impressionnante, si on connaissait son âge réel. C’est près d’une maison, un peu en retrait du village que Jacob rendait service à ses hôtes pour leur hospitalité. Depuis son arrivé en septembre, ces derniers l’avaient accueilli sourire aux lèvres. Ils avaient un lien parenté d’après Billy, son père, mais trop éloigné pour en avoir la certitude. Jacob avait beau voir en eux une nouvelle famille, il s’était activé à leur rendre des services afin de compenser le fait qu’il soit hébergé à moindre coût. Une forme de remerciement que les Shivana trouvaient inutile. Déjà, le jeune loup, originaire de Fork, leur répétait assez qu’ils étaient gentils de l’accueillir. Ensuite, ils étaient heureux de prendre soin de lui, pouvant goûter enfin aux sentiments d’être parent. Jacob était indépendant, mais le fait de l’avoir chez eux leur permettait d’y croire un tant soit peu. Le jeune loup en était conscient et jouait un peu de cela pour leur grand plaisir.

A coté d’une table en bois, fabriqué à la main, se trouvait des grosses bûches à fendre. Jacob s’avança vers elles et s’arrêta un instant sur le journal qui était posé dessus. Il datait du 4 janvier 2007, autant dire aujourd’hui. Depuis quelques semaines, il s’attardait énormément aux informations que pouvait lui délivrer la presse. Les Cullen l’avaient averti que quelque chose se tramait. De ce fait, il lisait à travers les lignes des journaux. Disparitions, meurtres ou faits étranges, tout était bon à décrypter. Posant ses paumes sur la table robuste, il s’attarda à un article sans arriver à s’y concentrer vraiment, ses pensées tournées sur un certain changement. Du bout de son tee-shirt blanc, il s’essuya son front humide et prit enfin deux nouvelles buches. Il plaça l’une à côté et l’autre sur un tronc coupé à ras. Il saisit alors sa hache et l’élança pour fendre encore une fois le rondin de bois avec précision.

A chaque fois qu’il coupait, il avait l’impression de se donner un coup de hachette à son cœur. Un vide intense s’y était installé depuis la veille. Lors de sa journée, il avait fait une rencontre incroyable. Une jeune femme dont il n’arrivait pas à oublier le visage, le son de sa voix et son parfum. Ce n’est pas qu’il aurait préféré, mais il se serait senti moins dépendant de Silver, encore inconnue hier, qui hantait alors ses rêves, ses pensées. C’était le résultat d’une imprégnation. Il avait cru ressentir cela auparavant, avec Isabella Swan. Mais il s’était trompé. Il pensait l’aimer autant qu’on le pouvait, c’était bien loin à présent. Il l’aimait toujours, mais, comme une amie, comme une sœur que l’on veut protéger. Elle n’était plus sa priorité. Elle s’était fait voler sa place. Il repensait à ce moment où la sangsue - il n’arrivait toujours pas à accepter qu’il lui ait pris Bella malgré qu’il soit imprégné – lui avait demandé ce qu’il aurait fait s’il avait gagné le cœur de la jeune Swan et que son imprégnation s’était présenté à lui ensuite. Comment aurait-il laissé Bella pour celle qui fut faite pour lui ? Jacob détestait l’idée que le Cullen apprenne sa nouvelle dépendance. Il fendit une nouvelle buche avec rage. Il retourna à la table, prit une bouteille d’eau et but à s’en rompre la gorge.

La neige tombait à faible flocon. Le sol était recouvert d’une fine particule. Sauf à l’endroit où Jacob coupait son bois. La chaleur de son corps était accentuée par ses efforts. Cela avait fait fondre la neige. Depuis plus d’une heure, elle avait eu le temps de se liquéfier et s’évaporer. Le coin était enchanteur, surtout pour Jacob. Cela ressemblait à son ancienne maison, chez son père, mais l’endroit était plus soigné, plus fleuri. Les Shivana prenaient soin de leur extérieur autant que de leur intérieur. Le jeune loup se faisait un plaisir de mettre la main à la pate. Il ne se sentait pas dépaysé et n’avait pas changé son mode de vie. Rien ne le poussait à repartir. Bien au contraire. Seul son père lui manquait réellement. Les autres avaient choisi son départ en quelques sortes. Sa vie était presque idéale. Bien sur, les Volturi et le mariage d’Isabella lui restait en travers de la gorge. Mais qu’est ce qu’il y pouvait ? Il était temps qu’il voit les choses du bon côté. L’enfant joyeux avait pour habitude de se montrer optimiste. Bella était toujours humaine. Et même si les Volturi la pressaient, il pensait toujours qu’il y avait une autre solution, bien trop extérieur aux pensées de cette dernière.

Jacob s’empressa de ranger les bouts de bois coupés avant de reprendre plusieurs buches. Il en fendit une et entendit un bruit derrière lui. Cela provenait du chemin menant au village. Un pas léger, un peu maladroit, un pas familier. Jacob retint un sourire, gardant un visage concentré. Il leva sa hache et coupa un nouveau rondin de bois. Sans même se retournait, il décida de prendre la parole, afin de faire comprendre à la personne arrivant qu’il savait qui se présentait à lui. Il ne fallait pas oublier qu’il avait une ouïe et un odorat surdéveloppé. Et le parfum de Bella avait pour particularité de lui appartenir.

« A un moment, j’ai cru que tu m’avais complètement oublié. J’ai imaginé que tu te plaisais tellement dans ton petit monde, que tu n’avais plus de place pour ton ami. » Dit-il alors sans se retourner. « Je me suis même demandé ce que je foutais là. »

Après avoir replacé une buche pendant ses paroles, il élança sa hache contre cette dernière, avant de se tourner enfin vers celle qu’il avait autrefois aimée. A chaque fois qu’il la voyait, une bouffée de chaleur et un cœur frénétique témoignaient de tout l’amour qu’il lui portait. Et là, rien ! Elle avait beau être la même, si jolie, si attendrissante, si fragile, son obsession avait dévié pour une autre personne. Cela ne l’empêchait pas d’avoir des sentiments pour elle. Des sentiments amicaux, fraternels. Il avait toujours ces désirs de la protéger, de la prendre dans ses bras, de la consoler de ses peurs. Mais cette obsession de l’embrasser et de lui déclarer son amour avait totalement disparu. Son regard n’était plus que celui d’un ami. L’étincelle, dans ses yeux, avait disparu. La flemme dans son cœur était, en revanche toujours présente, plus forte, plus puissante, mais envers une autre personne. Plantant sa hache sur le tronc plat, il finit par faire apparaitre un sourire sur ses lèvres. Il fit quelque pas vers elle pour enfin l’enlacer. Elle lui avait manqué, autant que son père lui manquait. La chaleur qu’il dégageait était celle d’un loup-garou et non d’un homme amoureux. Il était pourtant en simple tee-shirt accompagné d’un jean, une tenue d’été, pour des températures hivernales. Il s’écarta d’Isabella et fut alors tenté :

« Je suis content de te voir. Tu as…bonne mine, de jolies couleurs. » Lâcha-t-il faisant référence à son côté humaine. « Alors viens-tu pour une visite de courtoisie ou as-tu besoin de moi ? T’es-tu lassé de ta sangsue ? » Plaisanta-t-il.

C’était de mauvais gout, mais c’était du Jacob. Bella le connaissait, il ne pouvait s’empêcher de se moquer de son mari. Il était son ennemi dans la réalité de leur légende. Il ne pouvait pas s’accorder. Et puis deux hommes amoureux d’une même femme ne pouvait pas être ami. Elle ne pouvait pas attendre mieux de sa part.

Une journée de plus... 24h de plus qui s'écoulaient sans qu'elle ne puisse rien y changer. Elle avait le sentiment qu'ils ne cessaient de s'égrener, prenant un malin plaisir à passer de plus en plus vite alors que, pourtant, ses journées n'étaient qu'une succession de choses sans intérêt. Rien n'avait plus d'importance à ses yeux, en tous cas pas dans son quotidien. Comment trouver de l'importance dans les choses simples de la vie lorsque votre existence entière était menacée par une tripotée de vampires italiens ? Rien n'avait plus de sens en dehors de sa transformation qui lui accaparait le cerveau nuit et jour. Elle n'avait de cesse d'y songer, et encore plus maintenant qu'Edward s'était montré catégorique. Pour une fois qu'il lui refusait quelque chose, il fallait que cela soit ce à quoi elle tenait le plus. Il voulait attendre qu'elle soit prête, mais n'avait-il pas conscience qu'elle ne serait jamais plus prête qu'en cet instant ? Il voulait quoi ? Qu'elle accepte le fait d'être contrainte de ne plus s'approcher de ses proches pour leur propre sécurité, avec le sourire ? C'était impossible ! Malgré le fait qu'elle se sente déterminée, les dommages collatéraux la feront toujours souffrir, que cela soit demain ou dans 10 ans ! Personne ne pouvait se réjouir de ce genre de contraintes, mais on avait jamais rien sans rien. Pour la centième fois de ce début de journée, elle soupira tout en jetant un coup d'oeil par la fenêtre. Il neigeait. Encore. A croire que l'hiver ne prenait jamais fin dans cet état. Cela dit, pour une fois, le soleil avait décidé de montrer le bout de son nez. Cela aurait dû la réjouir, mais depuis qu'elle avait épousé un vampire, le soleil était également synonyme d'absence de son cher et tendre. Il avait la fâcheuse tendance à brillé de mille feux sous les rayons de l'astre. Ennuyeux lorsqu'on tente de passer inaperçu. Alors évidemment, pas de fac aujourd'hui, pour lui, mais plutôt une partie de chasse dans les grandes étendues de l'état. Et peut être d'autres aussi, Bella ne savait pas où il avait l'intention de se rendre. Toutefois, elle allait devoir se rendre seule à l'université, ce qui ne l'enchantait guère. Par une si belle journée, aller s'enfermer dans un amphi pour assister à un cours dont elle n'écouterait pas un mot -elle le savait par avance- et qui lui offrirait tout le loisir de penser, ressasser, appréhender ? Non, décidément, cette journée s'annonçait pourrie. 101ème soupir, et elle enfila le tricot qu'elle tenait en main depuis plusieurs minutes. Ne rien faire d'inconscient et éviter de se mettre en danger. Voilà ce qu'il lui avait fait promettre avant de s'éclipser de la chambre d'hôtel où ils avaient trouvé refuge après la dispute familiale. Pourquoi avait-elle constamment l'impression qu'il exagérait un peu ?

Ressassant, comme à son habitude, elle enfila son gros blouson, son bonnet et son écharpe. Au moins il ne pourrait pas prétendre qu'elle s'exposait à une quelconque maladie. A contre-coeur, son sac sur le dos, elle quitta la chambre. Elle n'avait pas l'intention de rester enfermée toute la sainte journée à attendre le retour de "l'homme", mais c'était tout de même à reculons qu'elle se rendait à l'université. Et dire que c'était elle qui avait insisté pour poursuivre des études. Comme si cela avait un quelconque sens à présent que tout virait au dramatique. Parfois elle enviait les élèves qu'elle côtoyait, qui allaient et venaient, vivant une vie tranquille. Ils n'avaient pas les mêmes préoccupations qu'elle. Leur plus gros souci était de réussir tel ou tel examen dans le meilleur des cas, ou la fin de stock du dernier vernis à ongle à la mode, dans le pire. Pour elle, il n'était toujours question que de survie, la sienne mais aussi celle des gens qu'elle aimait, qu'ils soient humains, vampires ou loup garou. Elle tourna la clef de contact de la voiture en ayant une pensée pour Jake. Depuis combien de temps ne l'avait-elle pas vu ? Les choses s'étaient tellement accélérées qu'elle en avait perdu toute notion du temps. Elle avait été tellement accaparée par ses propres problèmes qu'elle en avait délaissé son meilleur ami. Pourtant, s'il était ici, c'était en grande partie pour elle. Oh oui, il se trouvait tout un tas d'excuse valable, mais elle savait qu'il était ici pour sa sécurité à elle. La voiture, en démarrant, n'émit aucun bruit de réacteur en fusion, et Bella ressentit immédiatement le pic familier et douloureux, de la nostalgie dans sa poitrine. Sa Chevrolet lui manquait. Elle avait beau être vieille, crasseuse, et sans direction assistée, c'était la sienne ! Bien plus que cette dépense inconsidérée, pseudo cadeau de mariage qui ressemblait à un bunker à roulettes. Non, sincèrement, il n'allait jamais cesser de la considérer comme une poupée de porcelaine ébréchée ? En roulant en direction de l'université, elle remarqua que la voiture adhérait incroyablement bien à la route, et compris rapidement qu'il avait dû mettre des chaînes avant de partir à la chasse. Elle en éprouva un élan de colère qui se manifesta par un coup du plat de la main sur le volant. Naturellement, le klaxon se déclencha et la fit sursauter, si bien qu'elle donna un coup de volant vif et effectua un dérapage sur plusieurs mètres. Rien de très grave. Même pas peur. Juste un peu agacée de lui donner raison une fois de plus. Elle s'était immobilisée sur le bord de la route et, les deux avant-bras croisés sur le volant, le menton appuyé dessus, elle contemplait la fac que l'on distinguait un peu plus loin. Non, rien à faire, elle n'avait absolument pas envie d'y aller.

Brusquement, elle remit le contact, mais au lieu de filer tout droit, elle braqua au maximum et effectua un demi-tour. Ses pensées mises bout à bout, elle en était venue à la conclusion qu'elle devait profiter de cette journée pour faire ce qu'elle n'avait pas fait depuis longtemps ! Le premier sourire de la journée s'afficha sur ses lèvres finement ourlées, et elle accéléra. Elle connaissait bien le chemin, pourtant elle ne s'y était pas rendue souvent, mais elle n'avait pas oublié. La réserve se situait un peu en dehors de la ville, et Bella ne mit pas plus d'un quart d'heure pour s'y rendre. En fermant la voiture qu'elle avait laissée au village, elle se demanda s'il était là. Après tout, elle débarquait sans prévenir, et n'avait même pas prit la peine de s'assurer de sa disponibilité. Elle avait fait comme lorsqu'ils étaient encore à Forks, sans réfléchir. Pourtant ce n'était pas Forks, ce n'était pas cette famille de substitution auprès de laquelle elle avait trouvé tant de chaleur et de réconfort pendant les heures troubles de son existence. Ça n'avait plus rien de comparable, si ce n'est Jacob. Les mains profondément enfoncées dans ses poches, elle remonta l'allée qui menait à la maison de Shivana, famille chez laquelle Jake vivait. En percevant les coups de haches, son appréhension s'envola. Il était là. Qui d'autre que lui pouvait mettre autant de vigueur dans sa tâche ? Certainement pas le vieux Shivana. Le deuxième sourire de la journée étira ses lèvres. Lorsqu'elle le distingua, finalement, un frisson lui parcouru l'échine. Pas le genre de frisson amoureux, non, plutôt le genre de frisson que l'on ressent en plein hiver sous des températures inférieures à zéro, devant un idiot qui ne porte qu'un simple tee-shirt et une paire de jean. Elle avait beau savoir que sa température corporelle n'avait rien d'humain, elle ne pouvait s'empêcher de le traiter de "fou" dans sa tête. Lorsqu'il lui adressa la parole, elle réprima un sursaut de surprise. Ça aussi, elle avait oublié. Cette capacité à ressentir sa présence avant qu'elle ne se manifeste était sommes toutes assez déroutante parfois. Et en plus, il l'enguirlandait ! Non mais ! Oui son petit monde lui plaisait, même s'il n'avait rien de très réjouissant en ce moment, et oui, elle aurait toujours une place pour lui, une place très importante. Et quand à ce qu'il foutait là...

Parfaire ton sens de l’humour qui laisse à désirer, peut être ?

Répondit-elle avec une pointe d'insolence. Un fort coup de hache lui répondit, et la bûche se brisa en deux morceaux qui s'affaissèrent de chaque côté du tronc plat. Il se retourna vers elle, et un étrange sentiment de bien-être s'empara d'elle. Jake était synonyme de maison, de foyer. Et dans cet état nouveau, dans cette ville nouvelle, dans cette vie nouvelle, il était d'une valeur inestimable. Il se fendit d'un large sourire, qu'elle lui rendit avec le sourire numéro 3 de la journée. Et lorsqu'il vint l'enlacer, il s'enivra de son odeur familière, un mélange d'épices, de sous bois, et de feu de cheminée. Un parfum agréable et apaisant dont elle aurait pu se repaitre pendant des heures. Mais il la priva de sa dose pour se reculer et l'étudier du regard. Ses références à sa mine ou à ses couleurs ne faisaient pas de mystères sur le fond de ses pensées, tant et si bien qu'elle lui offrit une grimace en guise de réponses. Elle ne pouvait pas lui en vouloir de ne pas accepter sa décision, même si cela la faisait souffrir plus que de raison. Toutefois, lorsqu'il parla de "sangsue", elle lui offrit un coup de poing dans le bras. Pas très fort, elle ne se souvenait que trop bien de ses doigts cassés pour avoir voulu lui donner une leçon, mais même en y allant avec la force d'un moineau, elle parvint à se faire un peu mal, et se mit à secouer sa main avec l'espoir que l'air frais atténuerait les picotements. Bougonne, elle se décida tout de même à lui répondre au sujet de sa présence ici.

Il y a une panne de chauffage chez moi, alors je suis venue chercher un radiateur d'appoint. T'es dispo ?

Ses sourcils froncés et son air revêche ne tinrent pas plus de 30 secondes face au visage enfantin et joyeux de son meilleur ami.

J'avais envie de te voir.

Finit-elle par répondre avec honnêteté, accompagnant ses mots d'un haussement d'épaules.

Mais si je dérange...

Termina-t-elle en jetant un coup d'oeil aux bûches accumulées. Après tout, il avait peut être d'autres chats a fouetter !

Avec toutes les épreuves que Bella avait traversé, il se demandait, encore aujourd’hui, comment elle faisait pour rester la même. Lui n’était pas totalement sortie indemne de ses aventures. Sa transformation l’avait changé. Il avait gagné en maturité, mais s’il n’y avait eu que cela. La haine naquit envers une certaine espèce et se contenir avait été une dure épreuve. Aujourd’hui, il était obligé de faire avec puisque sa meilleure amie était amoureuse et mariée à l’un d’entre eux. Mais entendre la jolie Swan - car elle resterait à jamais une Swan à son cœur – lancer des sarcasmes sur sa nature animale, prouvait qu’elle restait celle qu’il avait aimé. L’amour de sa vie avait-il cru. Il se sentait à présent bien bête d’y avoir songé. Le détail qui le chagrinait n’était pas de s’être trompé, mais surtout que son vampire avait eu raison. Avant la bataille contre Victoria, ce dernier avait soulevé cette histoire d’imprégnation. Aujourd’hui, maintenant qu’il se sentait concerné, il éprouvait encore plus de colère envers ce je-sais-tout, qu’il méprisait tant depuis sa première rencontre. Il ne voyait pas ce que Bella pouvait lui trouver. Elle avait longtemps détestait Forks pour son mauvais temps, son humidité et sa fraicheur. Pendant un moment, elle voulait retrouver le soleil de Phoenix. Si l’on faisait une certaine métaphore, Jacob aurait du en ressortir vainqueur. Malheureusement ou heureusement, ce ne fut pas le cas.

Après ses paroles insolentes, Jacob eut le besoin de la serrer dans ses bras. C’était comme si cette phrase avait révélé la réelle identité de la fille à vampire et qu’il l’avait reconnu. Dans une étreinte amicale, sa réflexion se porta sur ce masque, qu’elle venait d’enlever pensait-il. Et si elle l’avait justement mis afin de cacher son désarroi. Pour Jacob, Isabella ne pouvait pas se cacher de ses peines, de ses problèmes. Personne ne la connaissait mieux que lui. C’était son avis à lui, et même s’il n’était pas réel, il était ainsi. Le jeune loup avait mis fin à leur enlacement pour l’observer alors et voir si ce masque n’était pas toujours présent. Avec tout ce qui se tramait, elle ne pouvait pas être aussi heureuse qu’il l’avait souhaité en quittant Forks. Alors il ne lui posa pas de question pour savoir si elle allait bien. Il constata simplement et le lui fit remarquer. Il lui demanda alors la raison de sa visite. Lorsqu’elle plaisanta en premier lieu, il ne put s’empêcher de rire franchement. Puis elle lui partagea son sentiment d’avoir eu besoin de la voir. Son rire franc se transforma en sourire chaleureux, quelque peu enchanté. Pour, finir, il prit la parole après son hésitation inutile :

« Tu ne me dérangeras jamais Bella. J’avais terminé de toute façon. » En désignant la maison de la tête, il ajouta : « Je leur coupe du bois lorsque je suis absent, sinon ils ont un radiateur d’appoint mobile. » Plaisanta-il pour reprendre les propres mots de son amie.

Il se dirigea, cependant, vers les buches fendues, en pris une bonne paire dans des bras avec aisance et les rangea sur le tas. Les loups-garous étaient dotés une force surprenante même sous leur forme humaine. Il n’était donc pas rare de voir, dans la réserve des Winnipesaukee, des adolescents soulever quelques centimètres d’une voiture pour qu’un autre jette un coup d’œil en dessous, afin de la réparer sans élévateur. Isabella devait y être habituée à présent. Elle fréquentait d’autres créatures ayant ce don, de toute façon. Toute en plaçant ses bûches avec ordre, il lui demanda :

« Tu n’as pas cours aujourd’hui ? Je ne dis pas ça pour te faire fuir, mais je doute que Charlie approuve et je ne veux pas qu’il croit que je sois la source de tout ça. Il pourrait me tuer pour moins que ça, rien que par son regard accusateur » rit-il seul à sa bêtise se rappelant de certains faits.

Il se tapota les mains pour retirer les copeaux de bois et retourna au côté de son amie. L’épisode des motos lui revient alors en tête. Une époque à la fois merveilleuse et pénible. Charlie n’avait pas trop apprécié leurs escapades à moto. Mais il avait fini par pardonner à Jacob. Il était le fils de son ami après tout. Et puis, cela avait été moins grave que l’accident avec les Cullen lors de la première année depuis l’arrivé de Bella à Forks. S’il savait la réalité…

Jacob planta ses mains dans ses poches et observa encore une fois Bella. Il voulait lui demander si ça allait, ce qu’il y avait de nouveau pour elle. Mais il savait quel sujet ils allaient aborder, et même si le jeune loup était imprégné à présent, il n’aimait pas ça. Les amourettes entre elle et sa sangsue ne l’intéressaient guerre. Et la bataille qui se préparait, était à des années lumière au dessus de sa tête. Il n’avait pas envie d’être irrité alors qu’il baignait dans le bonheur. Pourtant, il savait que c’était inévitable. De quoi allaient-ils parler à part ceux des souvenirs d’antan. Mais ils n’étaient pas encore assez vieux pour s’y pencher. Même si les jours humains de Bella étaient comptés, ce que Jacob aurait voulu éviter. Sans mot dire, il resta planté là, le visage clair de son sentiment de mal à aise. Tout était lisible comme dans un livre ouvert, il ne savait pas par où commencer, quoi dire. Dans un silence très pesant, il se devait de lui poser, par politesse. Mais en avait-il au moins le courage. Téméraire mais pas courageux ? L’un ne va pas sans l’autre !

« Alors ? Tout va bien pour toi ? Est-ce que … Edward prend soin de toi ? » Il avait prononcé son prénom, aussi rare que cela fut. Une page était-elle tournée. Il ajouta entre ses dents et presque inaudible. « Oui, c’est évident, il n’y a pas de raison du contraire. »

On pouvait se demandait pourquoi Jacob se mettait à accepter la situation, même si la difficulté de prononcer de telles phrases étaient bien présentes. Mais le secret ne résidait que par une chose : l’imprégnation. C’était un sujet que Bella allait entendre à un moment donné. Il se devait d’y aller avec précaution. Non pas parce qu’il avait peur de lui faire de la peine. Mais surtout parce que cela allait devenir la force de certain. Surtout celle de de son amie lorsque le sujet de la transformation allait être énoncé. Le jeune loup se força à sourire. Un sourire sincère, mais pénible. Si jamais elle affichait une mine réjouie à ses paroles et qu’elle lui faisait part, une réponse était déjà toute prête. Il serrait d’ailleurs les dents, discrètement, pour ne pas que cela sorte trop tôt.

Comme il était étrange de constater à quel point elle avait eu besoin et envie de se trouver ici avec lui, et comme maintenant elle avait envie de fuir dans les sous-bois. Non pas qu’elle n’ait plus ni le besoin, ni l’envie de passer du temps avec lui, mais c’était ce malaise qu’elle aurait souhaité fuir. Bella/Jacob, ça avait toujours été une relation particulière, non sans une certaine dose d’ambiguïté. Il aurait été celui qu’elle aurait pu aimer si Edward n’avait pas existé. Ce qu’elle ressentait pour Jacob était si fort qu’elle se demandait ce que pouvait représenter cet amour qu’elle vouait à Edward ? Si Jacob était une sorte d’âme sœur, alors Edward devait être au-delà de ça. Il y avait quoi au-dessus de l’âme sœur ? Elle n’avait jamais trouvé de réponse à ce mystère. Tout ce qu’elle savait c’est que si elle avait été capable de faire un choix entre les deux êtres, puisqu’il s’imposait de lui-même, elle ne parvenait pas à se défaire de Jake. Pourtant elle le faisait souffrir, il aurait été plus sain qu’elle s’efface, qu’elle le laisse respirer, qu’il parvienne à se la sortir de la tête. Il avait été honnête avec elle, et pourtant elle avait le sentiment de lui faire du mal en lui imposant sa présence. Edward aussi n’aimait pas ça. Il ne l’empêcherait jamais de le voir, mais il n’appréciait que peu cette amitié étrange. Pour lui aussi, elle aurait dû mettre un terme à tout cela. Et pourtant, elle en était tout bonnement incapable. Si elle ne pouvait vivre sans Edward, elle ne pouvait pas vivre sans Jake non plus. Sa journée s’embellissait, son visage rayonnait sitôt qu’il apparaissait. Il était son soleil, il l’avait toujours été. Et elle avait le sentiment, plus que jamais, qu’elle devait en profiter… Les jours étaient comptés…

Mais rien n’était simple. Il avait beau représenter ce qui se rapprochait le plus d’un meilleur ami, elle savait que tous les sujets n’étaient pas abordables. Il valait mieux éviter de parler d’Edward ou de sa famille, de sa sexualité et encore plus de sa transformation. Que leur restait-il alors ? Les souvenirs… Ils pouvaient parler de Forks, de Charlie, de la réserve, un peu de la meute aussi… Mais était-ce réellement ce dont elle avait besoin de parler ? Elle aurait voulu se plaindre du fait que son mari refusait de la transformer, ou de l’étrange expérience d’humanité qu’il avait faite. Elle aurait voulu évoquer sa crainte de Volturi, ou la dispute qui avait éclaté entre les Cullen depuis l’arrivée de Mathilda, mais mieux valait ne pas parler des pseudos dangers auxquels l’exposait son mariage avec un vampire. Cela n’aurait fait qu’apporter de l’eau à son moulin et lui fournir des armes contre lesquelles Edward ne chercherait même pas à se défendre. Comme il était étrange de voir avec quelle appréhension elle abordait une conversation avec son meilleur ami. Et pourtant, elle n’aurait pas souhaité être ailleurs, en cet instant, et surtout pas à l’université. D’ailleurs, après l’avoir rassuré sur le fait qu’elle ne le dérangeait pas, et qu’elle ne le dérangerait jamais, il s’informa sur son emploi du temps, prétextant qu’il ne voulait pas être la cause d’une hypothétique école buissonnière. Il en venait même à évoquer le courroux de Charlie. Elle le laissa rire seul, se contentant de lever les yeux au ciel en secouant le visage face à cet aveu.

Charlie est bien trop loin pour dire quoi que ce soit, et puis il faisait tellement beau… Tu devrais te réjouir que je profite encore du soleil…

C’était bas, et pas vraiment justifié. Certes elle n’avait que moyennement apprécié qu’il vérifie qu’elle était toujours humaine, certes elle souffrait du fait qu’il ne se range à sa décision, mais était-ce une raison pour se montrer si revêche ? Pourtant elle n’avait pas été agressive dans ses propos, ni dans son ton, elle avait dit cela de la manière la plus naturelle et banale qui soit, peut être même n’avait-elle pas réalisé en le disant. Mais après… Après coup elle trouva la blague de mauvais goût et se mordit la lèvre inférieure, ancrant son regard sur la pointe de sa chaussure qui malmenait le gravier. Elle s’en voulait.

Désolée…

Murmura-t-elle entre ses dents, avant d’hasarder un regard sur lui.

Je sèche. J’avais un cours de mythologie amérindienne, alors je me suis dit à quoi bon assister à ce cours alors que j’ai un loup-garou Quileute à portée de main ?

Cette fois-ci son ton était bien plus léger. Elle voulait noyer sa précédente bourde, la faire oublier avec humour.

Et puis je suis sûre que j’en connais plus sur la mythologie amérindienne que mon prof.

Dans un haussement d’épaules elle esquissa un sourire.

S’il te plait, ne dis rien à mon père !

Cette supplique n’était que feinte, juste une touche d’humour supplémentaire pour définitivement repartir sur de bonnes bases.

Visiblement, cela avait fonctionné, l’affaire était oubliée, mais plus que jamais, le malaise était palpable. Face à elle, Jake, les mains fourrées dans les poches, gardait un silence que Bella n’osait pas briser. Pour dire quoi ? Il y avait tellement de sujets à éviter qu’au final elle ne savait plus ce qu’elle pouvait dire. Elle aurait préféré faire comme avant, rester avec lui et se noyer dans une activité quelconque. Elle aurait voulu aller devant la télé, et se plaire à critiquer une émission débile tout en se lovant contre lui. Parce qu’elle avait besoin de ça aussi, de son contact. Elle n’avait aucune arrière-pensée, juste une certaine nostalgie de ce qu’ils avaient été. Tout avait été tellement simple autrefois… Mais elle devait se rendre à l’évidence, plus rien ne pourrait être comme avant, et même avant cela n’avait été qu’une farce. Même lorsqu’elle avait cru à une relation fraternelle, lui était déjà dans un tout autre état d’esprit. Et encore, si cela pouvait simplement se résumer à une banale histoire de trio affectif, ce serait le bonheur, une véritable promenade de santé. Mais son meilleur ami, loup-garou, détestait de toutes ses forces son mari, vampire. Au point de ne même pas parvenir à l’appeler par son prénom… Oups ! Stop ! Il venait de dire quoi, là ? L’expression de surprise pouvait se lire sur les traits de Bella qui venait de relever le nez de ses chaussures pour fixer le visage de son ami. Il avait dit « Edward » ? Il l’avait appelé par son prénom ? Et en plus il en rajoutait une couche en grommelant qu’il était évident qu’il prenait soin d’elle. Il lui arrivait quoi, là ? On avait versé un truc dans l’eau potable et Jake perdait la boule ?

Qui êtes vous ? Et qu’avez-vous fait de l’insupportable gamin insolent et tête de pioche ?

Voilà qui avait le mérite de ne laisser aucun doute quant à la surprise de Bella.

Qu’est-ce que tu me caches, Jacob Black ? Allez, crache le morceau !

Les mains contre les hanches, elle le toisait du regard. Elle n’était pas dupe, il y avait eu un changement significatif qui l’amenait à se comporter avec une certaine « civilité » envers Edward. Fait tellement inhabituel qu’il méritait d’être soulevé et mentionné. En temps normal, jamais il n’aurait apporté de l’eau au moulin des vampires en prétendant qu’il était évident qu’Edward prenait soin d’elle. Rien que le fait qu’il accepte de la transformer, de faire en sorte que son cœur cesse de battre, était aux antipodes de la définition de « prendre soin » pour un quileute, et encore plus lorsque le quileute en question nourrit des sentiments forts pour la future vampire. Elle aurait pu sourire, se réjouir, sortir les banderoles en entonnant l’hymne nationale, mais quelque chose lui disait que ce revirement de situation n’était pas ce qu’il laissait paraître. Elle avait un mauvais pressentiment. Et puis, brusquement, tout lui sembla clair. Il n’y avait qu’une seule et unique chose pour laquelle Edward et Jake pouvait être d’accord :

Tu sais tout ! C’est ça ? Il te l’a dit ? Non, il ne te l’aurait pas dit… A moins que… Vous vous êtes parlés ? Vous complotez dans mon dos ? Non mais je rêve !!

Voilà qu’elle s’emportait à présent, rentrant rageusement ses mains dans ses poches, commençant à faire les cents pas sur le gravier.

C’est MA décision !! Vous êtes censés vous entretuez, pas vous mettre d’accord sur ma non-transformation !

Oui, Bella avait toujours été très observatrice et perspicace. A croire, qu’aujourd’hui, ses radars étaient en RTT, elle n’avait pas seulement tapé à côté, elle venait carrément de s’inventer tout un scénario où Jake et Edward, main dans la main, s’entretenaient joyeusement autour d’un feu de camp en grillant des marshmallow. Ouai, du grand n’importe quoi, en plus de mettre les pieds dans le plat. Banco !

Il était impensable pour beaucoup de loup de voir Jacob n’ayant aucun sentiment ambigu face à sa Bella. Car pour tous les membres de la meute, le jeune loup s’était approprié son amie et ne voyait autre solution que de finir sa vie avec elle. S’il l’avait suivi jusqu’ici, ce n’était pas par hasard ou par amitié, mais plutôt par amour. Un amour qu’il n’aurait jamais imaginé s’éteindre. C’était là la différence avec son amie. Elle s’était entichée d’un vampire, mais avait avoué aussi l’aimer. De son côté, Jacob avait subit un virage intense et inespéré. Bella était son amie et rien d’autre à présent, sauf peut-être la meilleure. Comment pouvait-il pensé ça ? Comment une meilleure amie pouvait-elle penser à devenir son ennemie ? Comment pouvait-elle songé à l’abandonner ? Tant de souffrance était-il supportable ? Aujourd’hui oui, parce qu’il avait trouvé son réel et éternel soutien, mais il y a quelques jours ? Bella n’avait-elle pas songé à oublier que son ami indien avait un cœur ? Comment pouvait-elle faire cesser de battre le sien alors qu’un homme aurait été capable de pleurer toutes les larmes de son corps pour entendre son rythme toute une vie ? Mais c’était l’amour. Il le comprenait enfin. Il le vivait enfin ! Il était impossible de penser que la transformation de Bella était la meilleure solution, il ne pouvait pas s’y résoudre. Mais il comprenait pourquoi elle y pensait, sans pouvoir l’accepter tout de même.

Parce qu’aussi dénué de sens que cela pouvait être pour Jacob, la principale envie de son amie depuis des mois était de devenir un vampire à son tour. Rien que cette pensée faisait grincer des dents le jeune loup. Il aurait tant voulu lui suffire pour lui enlever cette idée de la tête. Être la bonne raison d’une remise en question. Mais apparemment, ce n’était pas le cas. Apparemment, car il n’avait plus eu assez de nouvelle pour savoir si ce désir était toujours d’actualité. D’ailleurs lorsque Bella commença à lui répondre, Jacob perdit tout sourire. Dans sa tête, une ombre s’installa le temps d’une seconde. Comment pouvait-elle plaisanter à ce sujet ? Lui en avait le droit, il avait des raisons de lui en vouloir, de chercher à lui donner un effet d’électrochoc pour qu’elle se réveille de sa folie. Mais elle, elle n’avait pas le droit de jouer avec son cœur qui eut un raté lors de ses paroles. Cependant, comme toute Bella qui se respecte, il existait un mot magique capable d’effacer des maux que beaucoup ne peuvent comprendre. De simples excuses. Elle s’appliqua ensuite à l’amuser par des réflexions dont elle avait le secret. C’était assez difficile pour Jacob d’imaginer ne jamais être tombé amoureux d’une fille aussi passionnante. Le sourire revenu, il ne répondit pas à sa remarque. Bien sur qu’il en savait plus sur son professeur. Il serait même capable de rectifier ses erreurs, qui étaient, sans doute, nombreuses. Malgré le mauvais tir rectifié, Jacob installa un silence pesant avant de finir par lui demander de ses nouvelles allant même jusqu’à nommé « Edward » par son prénom. C’était tellement inhabituel, qu’elle mit un moment avant de pouvoir lui répondre.

Lorsque ce fut enfin le cas, Bella lui fit part de son étonnement, naturellement. Tellement qu’elle lui rappela les surnoms qu’elle utilisait pour le qualifier. Des surnoms offensants, mais gentillets venant de sa bouche. Le sourire timide, l’une des mains se frottant la nuque, une petite grimace gênée sur le visage, il se mit à penser à son imprégnation. Elle était le sujet d’un tel changement. Jacob avait voulu se montrer agréable, aussi agréable que la simple pensée de Silver lui inspirait…, mais ce fut une chose qu’il commença à regretter lorsque sa meilleure amie s’emporta. On ne le reprendrait pas à deux fois de se montrer gentil avec l’espèce qui est supposée être son ennemi. Voila que Bella se montait un propre scénario, Jacob remit la main dans sa poche et fronça les sourcils avec un air d’incompréhension des plus totales. Il ne comprenait absolument rien à son charabia. Qu’est ce qu’il savait ? Qui était le « il » ? Pourquoi s’énervait-elle ? C’est alors que le dernier mot raisonna dans sa tête : « Transformation ». Outrée par tant d’impudence, il se retourna d’un geste vif et posa un pied devant l’autre avant de se figer. Il était question, dans son esprit, de fuir et de faire comprendre à son amie qu’elle allait trop loin, sans plus de pudeur. Cependant, il se retourna une nouvelle fois avec grâce, le visage marqué par un mélange de colère et de peine. Il expliqua alors en retirant vivement les mains de ses poches :

« Bella, je n’avais aucune idée de ce pourquoi tu t’énerves avant que tu finisses ta phrase. Si tu crois que je m’amuse à voir ta sangsue alors que je n’arrive même pas à te voir toi, tu as un sérieux problème. » Commença-t-il à s’énerver envers la colère de son amie qui n’avait pas lieu d’être.« J’ai voulu me montrer poli, c’est tout. Mais tu ne m’y reprendras plus. Déjà que ça m’a demandé un effort considérable. Je te remercie au moins de m’ôter cette peine !
»
Comme toujours, il détestait se disputer avec elle et pourtant, ils y étaient tant confrontés. Un vrai petit couple comme le dirait certain. Mais c’était plus compliqué que cela. Jacob regardait Bella avec intensité. Il l’observait avec reproche. Pour la première fois, il ne l’a regardait pas avec cette amour étouffant et il s’en rendit compte bien vite. Il joignit ses deux mains pour les poser sur ses lèvres comme pour une prière. Il leva d’ailleurs les yeux vers le ciel afin d’éviter son regard, qu’il savait d’hypnotique. Il ne lui suffisait que d’un regard pour mettre le jeune loup à ses pieds. Il ne savait pas si elle en avait réellement conscience, mais c’était un pouvoir qu’elle utilisait un peu trop souvent à son goût. Cependant, les sentiments avaient changé et il se demandait si c’était toujours ainsi. Il ne tenta pas cependant, car même si elle n’était plus son âme sœur à ses yeux, elle était un peu sa sœur de cœur à présent. Essayant d’esquiver de nouveau son regard, il regarda le sol un instant et aborda ce sujet plus complexe. D’un air bien plus calme, presque mélancolique, il lui annonça :

« Ecoute, tu ne peux pas m’en vouloir de me réjouir de la décision de l’autre. » Il l’observa un instant et avant qu’elle ose dire quoi que ce soit, il continua. « Tu n’as pas le droit de m’empêcher d’espérer. Même si je sais que nous se ne seront jamais ensemble, je n’ai pas envie que notre amitié s’arrête ainsi…sur…un choix de ta part. »

C’était une réalité. Leur amitié serait rompue par les choix de la belle Swan pour Jacob. Elle choisissait de devenir son ennemi naturel. Il savait parfaitement qu’elle changerait, qu’il n’y aurait pas que son cœur qui cesserait de battre. Elle deviendrait dangereuse pour un simple humain. Peut-être pas pour lui, mais il serait alors inconscient de la fréquenter et l’exposer à son imprégnation, par exemple. Il avait d’ailleurs fait une référence à leur amour, à présent, impossible, alors qu’il était difficilement imaginable, même pour lui, d’abandonner ses espoirs d’une histoire commune entre lui et elle. Depuis des mois, son choix était bien arrêté et le jeune loup n’avait cessé d’espérer qu’elle change d’avis, qu’elle décide de vivre. Alors pourquoi se jouait-elle de lui ? C’était pourtant un sujet à aborder.

« Es-tu simplement consciente que tu ne verras plus le soleil de la même manière après ça ? Que tu l’éviteras ? »

Il parlait en métaphore. Si elle s’était arrêtée à temps dans son étonnement d’entendre Jake sortir le prénom « Edward », il lui aurait probablement parlé, avec une voix mielleuse de Silver. Il aurait pu partager les joies de l’amour. Jacob aurait fait semblant que la sangsue n’était qu’un simple humain et il aurait eu enfin leur rôle de meilleurs amies respectifs bien en poche. Mais il fallait toujours que cela dérape à un moment où à un autre. C’était l’un des secrets de la relation entre Bella et Jacob. Du moins depuis sa première transformation.

Elle s’était énervée, comme ça, en un clin d’œil. Elle était calme et un instant plus tard elle perdait tout sens de la logique et de la raison. Cela lui arrivait de plus en plus souvent. Pas seulement avec Jacob d’ailleurs, elle était ainsi avec tout le monde. Elle était sur les nerfs en permanence. Il suffisait d’un petit rien pour qu’elle perde le contrôle et vole en éclat. Peut être était-ce dû à l’imminence d’une visite des Volturi, à l’arrivée d’un vampire carnivore dans la famille, à la dispute qui en avait découlé ? Ou peut-être était-ce cette expérience d’humanité de la part d’Edward, ou sa réticence à la transformer ? Il y avait de quoi être légèrement nerveuse, et ceci pouvait expliquer les réactions, parfois, disproportionnées de Bella. Elle ne parvenait plus à raisonner normalement, et au lieu de s’interroger devant la politesse de Jacob à l’égard d’Edward, elle en avait immédiatement déduit que cela devait venir d’une alliance nouvelle, et quel était le seul point commun entre eux deux ? Elle-même. Elle était la seule chose qui rapprochait le Loup-Garou du vampire, ou les séparait. Son humanité les rapprochait, sa transformation les séparait, même si, fondamentalement, Jacob n’avait pas idée d’à quel point Edward était du même avis que lui. Et peut-être était-ce là, la raison d’un rapprochement soudain ? Et si Jacob s’était rendu compte qu’Edward n’y tenait pas plus que ça ? Et si ils s’étaient mis d’accord à ce sujet sans faire cas des réelles envies de Bella ? C’était ce qu’elle pensait, à tort évidemment, mais comment aurait-elle pu imaginer un seul instant que ce revirement soudain était due à l’imprégnation nouvelle de son ami ? En l’état des choses, la théorie de Bella était tout de même la plus vraisemblable.

Et Jake semblait lui donner raison. La façon dont il avait fait volte-face suite à son éclat, ne faisait que renforcer Bella dans ses convictions d’un accord secret entre les deux êtres les plus chers à son cœur. C’était idiot, stupide, inconcevable, mais elle n’était plus vraiment en état de réfléchir. Elle avait vécu tant de choses idiotes, stupides et inconcevables, que plus rien ne lui paraissait impossible. Toutefois, lorsqu’il s’arrêta en plein milieu de sa tentative de fuite, elle comprit qu’elle s’était fourvoyée. Il n’avait même pas besoin d’entrouvrir les lèvres pour qu’elle puisse lire en lui. Son attitude se suffisait à elle-même, son regard sombre, ses traits déformés par sa colère sourde, tout, absolument tout, lui indiquait que non seulement elle faisait fausse route, mais qu’en plus elle venait de le blesser de la pire manière qui soit. Elle n’avait pas besoin qu’il parle pour se sentir la dernière des connes, et pourtant, il n’allait pas lui épargner ça. Après tout, pourquoi lui faire ce cadeau alors qu’elle venait de s’en donner à cœur joie ? C’était à son tour de péter un scandale et de lui crier dessus. Elle avait eu 30 secondes pour s’y préparer, d’où le manque de surprise de sa part quand il commença à hausser la voix. Par contre, elle aurait pu bénéficier de plusieurs jours pour s’y préparer, rien ne faisait plus mal que lorsqu’ils se disputaient tout les deux, surtout lorsque le sujet était Edward ou sa transformation, et malheureusement c’était toujours l’un des deux, ou les deux. Elle se sentit incroyablement bête lorsqu’il lui exposa les choses de manière logique. Il ne la voyait pas elle, mais trouverait le temps pour voir Edward qu’il détestait ? Oui, c’est sûr, ce n’était pas hyper rationnel, mais bon, si sa transformation était en jeu, peut être ? Il arguait avoir simplement souhaité se montrer poli, mais il n’expliquait pas pourquoi. C’était justement ça qui avait intrigué la jeune femme.

Il n’en avait pas fini avec elle, et après avoir retrouvé son calme à force d’observation du ciel et de prière silencieuse, il reprit la parole avec un air triste. Il abordait le sujet délicat de la transformation, et de ce qu’elle venait de lui apprendre, à savoir la répulsion d’Edward à le faire. Mais adieu politesse, il était revenu au bon vieux « l’autre ». Elle s’apprêtait à lui répondre, mais il s’empressa de reprendre la parole, et la cloua sur place. Il savait qu’ils ne seraient jamais ensemble ? Ah bon ? Et depuis quand ? Attention, Bella ne remettait pas en question le fait qu’ils ne seraient jamais ensemble, puisque c’était un fait avéré, mais elle ne comprenait pas comment, aussi soudainement, il ait pu en prendre conscience lui qui avait décidé de se battre jusqu’au dernier battement de son cœur. Elle pensait que c’était sa transformation qui l’obligerait à renoncer, alors que là, il était entrain de lui exprimer le contraire. Il voulait qu’elle reste humaine, même si jamais ils ne seront ensembles. Il lui arrivait quoi ? Quelque chose avait changé en lui, et elle n’en était absolument pas la responsable. Il y avait autre chose, quelque chose qui lui cachait, ou qu’il ne lui disait pas encore… Mais quoi ? Autant dire qu’elle ne l’écoutait plus tant elle était absorbée par ce qu’il venait de lui dire, et les interrogations que cela avait engendré en elle. Elle savait qu’il était entrain de tenter, une nouvelle fois, de lui faire entendre raison, elle l’entendait d’une oreille distraite, mais elle n’avait plus cette hargne qu’elle mettait habituellement dans chacune de ses discussions animées avec Jake. Pour l’instant elle avait la tête ailleurs, la tête à autre chose, les pensées focalisées sur ce que son ami lui cachait sous cet étrange comportement.

« Je n’éviterais pas le soleil. » Lui répondit-elle tout de même, quelque peu ailleurs, cela dit, pas vraiment à la conversation. « Je n’aurais aucun problème avec le soleil, je devrais juste l’éviter en présence d’humain, pour qu’ils ne soient pas intrigués si je me mets à scintiller de mille feux, un peu comme toi tu évites d’être en leur présence quand tu te transformes en bête à poils… » Elle était étrangement calme, se déplaçant lentement de droite et de gauche, sans jamais jeter un regard à Jake, comme si elle se parlait à elle-même, en fait. L’intonation de sa voix était plate et sans émotion, lui donnant des airs de maîtresse d’école répétant la leçon pour la millionième fois, sans perdre patience. « Notre amitié n’est pas obligée d’en faire les frais, il ne tient qu’à toi d’essayer de me comprendre. Tu fréquentes bien les Cullen sans problème, alors pourquoi en serait-il différent pour toi et moi ? Je fais de nombreux sacrifices de part mon choix, je sais que je ne pourrais plus voir ni Charlie, ni Renée, ni aucun de mes anciens amis, mais pour toi, c’est totalement différent. C’est toi qui choisi de ne plus me voir une fois que je serais… » Elle marqua une pause, s’immobilisa sur place, et pour la première fois depuis le début de son monologue, elle se tourna vers lui, ancra son regard au sien. « Je n’ai pas d’autre choix, Jake, c’est comme ça et ça ne pourra jamais être autrement. J’aimerais que ça puisse se dérouler de façon normale et rationnelle, mais il y a longtemps qu’on sait que le rationnel n’existe pas, n’est-ce pas ? Il ne tient qu’à toi de prendre conscience que tu ne me perdras pas de cette manière, que je ne vais pas mourir, au contraire… Je le fais par amour, et de manière très égoïste puisque je pourrais très bien continuer ainsi encore et encore, sauf que cette situation ne peut plus durer, tu le sais aussi bien que moi, ce n’est vivable pour personne… »

Laissant un court silence s’installer, Bella observa avec attention les traits de son ami. Il cherchait à y desceller quelque chose, n’importe quoi, mais un indice confirmant cette étrange sensation qu’elle avait que quelque chose avait changé. « Normalement, tu es censé répondre qu’avec toi je n’aurais pas besoin de changer d’un cheveux, que si je te choisissais toi, un tel choix ne serait pas nécessaire, et qu’il est plus logique que je finisse avec toi, plutôt qu’avec lui, que c’est dans la nature des choses. » Reprit-elle calmement. « Mais quelque chose me dit que tu ne diras pas ça. Pas cette fois. Parce qu’il y a un truc de changé chez toi, en toi. Tu te fais preuve de politesse envers Edward, tu déclares que nous ne serons jamais ensemble, tu… » Et soudain la lumière se fit dans son esprit. « Tu es… non ! Non, tu peux pas ! Si ? Tu l’es ? T’es… imprégné ? Jake ? » C’était normal cette nausée, là ? Cette envie de fuir en courant ? Cette prière intense pour qu’il lui réponde « non » qu’il n’était pas imprégné ? Elle n’aurait pas dû ressentir une telle émotion, une telle répulsion à cette idée, puisque fondamentalement c’était quelque chose de bien pour lui, mais… C’était plus fort qu’elle, son Jake ne pouvait pas être soumis à quelque chose d’aussi arbitraire et incohérent qu’une imprégnation débile. Il était plus fort que ça, maître de lui-même et de son destin, il ne se laisserait pas imposer un choix de cette envergure, sans même avoir son mot à dire, si ?

Il avait cru entendre ce discours toute sa vie. C’était un discours sans fin car même si l’un d’entre eux avait raison, aucun ne l’admettrait, trop têtu et tenant trop à leur principe pour se rabaisser. En étudiant Bella du regard, Jacob vit une jeune fille qui avait besoin de se rassurer, de se dire que ses choix étaient les bons. Mais malgré cela, il savait qu’avec certains mots de sa part, semblant à une déclaration d’amour, elle ne changerait pas d’avis. Et finalement, ceci le réconfortait, parce qu’il ne pouvait plus. Il ne devait plus. L’amour qu’il éprouvait pour elle était, à présent, celui d’un ancien amoureux. Après tout, on dit toujours que lorsque l’on aime, les sentiments restent encrés pour la vie. Bien que l’imprégnation était une forte magie dont il ne comprenait rien, il était sure d’une chose, jamais il n’oublierait ce qu’il avait ressenti pour Bella. Mais il était forcé d’admettre qu’il ne pouvait plus lui ouvrir son cœur aussi grand qu’auparavant.

Pendant son monologue, Jake baissa parfois les yeux vers le sol, décrochant sur certains mots. Des questions se mirent à travers de son chemin comme : Et s’ils n’avaient pas quitté Forks ? Il n’aurait sans doute jamais croisé son imprégnation. Cette magie était si cruelle tant elle était jouissif… Est-ce que Bella ressentait ce genre de chose pour sa sangsue ? Il n’en savait rien, mais en doutait malgré tout. Comment pouvait-elle comparé les vampires aux loups-garous ? Ses poings se serraient malgré lui lorsqu’elle en fit l’allusion. Mais c’était totalement différent. Il avait envie de lui répondre que lui pouvait se contrôler, qu’il pouvait vivre sa vie sans éveiller l’animal en lui. A l’inverse, les vampires étaient piégés dans l’éternité, incapable de cacher leur nature face aux rayons du soleil. Comment pouvait-elle faire ce genre de comparaison ? Il n’avait pas choisi d’être un loup, comme la plupart des vampires d’ailleurs. Mais il passait sa vie à de noble cause. Il était d’accord que certains vampires avaient évolué et avait su refaire jaillir leur humanité du néant. Mais un nouveau-né n’était pas une créature calme et paisible, non ! C’était tout l’inverse. Et rien que d’imaginer Bella en créature de la nuit, torturée par la souffrance et la soif de sang chaud et humain…il ne pouvait s’y plier. La peine l’envahit soudain, effaçant la colère de ses propos.

Le loup roux ne put qu’acquiescer lorsqu’elle parla d’égoïsme. Il ne releva, cependant, pas le mot « amour ». Depuis toujours Bella avait fait preuve d’égoïsme. Ce n’avait jamais été un problème pour lui, parce qu’il avait toujours cet espoir de la voir ne plus quitter ses bras. Mais à chaque fois, elle lui brisait le cœur après un moment d’illusion. Malgré cela, aujourd’hui encore, elle osait lui parler de la sorte. Comme si Jake était démuni de sentiments, d’émotions. Comme s’il était trop fort pour être affecté par ses mots. Comment pouvait-elle croire ce genre de chose alors qu’il lui avait prouvé à bien des occasions qu’il l’aimait ?

Après une courte pause, la jeune femme reprit la parole, comprenant alors que le loup ne répondrait pas. La réalité, c’était qu’il était à bout de force. Il savait que même s’il trouvait les mots justes, elle ne l’écouterait pas et trouverait à argumenter de nouveau, sans le ménager. Il savait que même si elle ne pouvait se défendre, elle trouverait un moyen d’expliquer ses choix en répétant encore et encore la même chose. Et ce qu’un ami avait besoin de cela ? C’était comme si elle lui annonçait qu’elle allait mettre fin à ses jours et qu’il devait la comprendre, qu’il en était obligé. Il serait même obligé de fleurir sa tombe alors qu’elle l’avait abandonné malgré ce qu’il voulait lui offrir. Voulait-elle le voir souffrir jusqu’à son dernier souffle ? Cela l’amusait-elle finalement ? Sans doute, car elle lui reprochait à présent de ne pas intervenir, de ne essayer de la convaincre comme il l’avait fait autrefois et tant de fois. A quoi bon, pensa-t-il. Elle ne changera jamais. Et elle comprit alors. Avec stupeur, elle lui fit par de sa conclusion : son imprégnation !

C’est à ce moment là que la colère revint hantée tout le corps de Jacob. Comment pouvait-elle lui dire cela ainsi, de cette manière ? L’égoïsme devenait un mot bien faible par rapport à ce que pouvait lui inspirer la jeune brune à cet instant précis. Comment pouvait-elle montrer autant de dégout ? C’était ce que son expression lui inspirait. Pourquoi n’avait-il pas le droit à l’amour lui, à un amour réciproque ? Effrayé par la réaction de Bella, sa mâchoire se serra quelques secondes avant qu’il ne puisse réagir. Il l’observa avec un mélange d’incompréhension et de mépris. C’était la première fois qu’il ressentait ça envers elle.

Comment oses-tu te montrer si offensée par cette nouvelle ? Tu…

Lâcha-t-il, tout en soupirant sa lassitude.

Pendant plus d’une année, j’ai souffert de tes choix. Je t’ai offert mon cœur et tu l’as poignardé. Malgré toi, peut être, mais tu l’as fait ! Aujourd’hui…je n’ose même pas y croire…Tu me reproches de ne pas te dire ce que tu veux entendre pour te retenir, parce que j’ai enfin trouvé une personne capable de m’aimer sans qu’elle ne choisisse mon pire ennemi comme…mari ?

Il lui tourna le dos et fit quelques mètres vers la maison. Il pensait clôturer cette entrevue par ces derniers mots, mais il avait tort. Poussé par ses émotions, il retourna une fois de plus vers elle, d’un pas lourd et énervé. Les paroles, qu’il allait dire, résonnaient dans sa tête et il était inconcevable de les garder pour lui. Heureusement que son imprégnation n’était pas là pour les entendre :

Si tu n’avais pas choisi ta sangsue…Si tu m’avais choisi à la place, nous serions encore à Forks, à compter les secondes de notre histoires, ensemble, avec tous le bonheur qu’il nous aurait été possible d’avoir.

Hurla-t-il de sa colère et de sa frustration.

Je n’aurais pas connu mon imprégnation, mais cela aurait été MON sacrifice, qui contrairement au tien n’aurait fait de mal à personne. Tout le monde aurait été heureux : Charlie,…

Commença t-il à énumérer en pointant sa main vers l’ouest.

Renée, tes amis de Forks ! Aucun être ayant un cœur qui bat n’aurait perdu l’une de leur raison de vivre. Alors ne me reproche pas d’avoir trouvé une personne pour te remplacer. Tu n’en as pas le droit !

Finit-il utilisant, à son tour, son ton de reproche, mélangé aux tremblements que la tristesse lui donnait et qui l’envahissait peu à peu.

Jacob, à l’époque de Forks n’aurait rien demandé de mieux que de vivre une belle histoire d’amour avec la jeune Swan. Il n’attendait rien d’autre de la vie. Il n’avait jamais vraiment voulu rencontrer son imprégnation. Il était heureux lorsqu’elle était près de lui, cela lui suffisait. Pendant des longues nuits, il rêvait d’une idylle parfaite, sans ombre, ni sang. Un enfant, peut-être deux. Une vie d’humain paisible, envahit d’un sentiment profond d’amour et de bonheur. Tout ceci, il l’avait rêvé avec elle. Aujourd’hui Silver avait pris sa place.
La situation le gênée un peu. Il ne se sentait pas fautif, il ne devait rien à l’ancienne Swan. Mais il aurait voulu qu’elle soit la seule, juste pour avoir raison durant ces derniers mois. Il sentait que la réflexion allait venir d’ici peu. Il ne le désirait pas.

Sa voix, tremblante, était dû à son combat pour ne pas montrer sa peine. Ce sentiment désagréable, qui nouait sa gorge, se frayait un chemin vers ses yeux noirs et les humidifiaient légèrement. Ne voulant pas verser de larmes, il se retint cependant et continua :

Et ne commence pas à me parler de sacrifice, s’il te plait. J’ai dû sacrifier les Quileutes à plusieurs reprises, j’ai du sacrifier mon cœur pour te consoler, j’ai du sacrifier ma fierté d’homme pour accepter de ne pas être choisi, j’ai du sacrifier mon père, ma famille, mes amis pour venir ici et tout ça pour une personne. Une personne qui aujourd’hui veut m’abandonner pour l’amour d’un autre. Je n’avais rien à gagner dans l’histoire. Ça, c’est un sacrifice. Toi tu n’as toujours agis que par égoïsme.

Conscient des mots qui sortaient de sa bouche de seconde en seconde, il les regretta à chaque instant sans pouvoir s’arrêter pour autant. Il avait dû la blesser, tout comme elle l’avait fait avec son monologue précédent. Mais il n’avait pas le droit de lui infliger tout ça. C’était son amie malgré tout. Il avait envie de la serrer dans ses bras, de la réconforter en lui prouvant qu’il ne lui en voulait pas autant que cela. Mais pour la première fois, il avait peur de se faire rejeter violemment. Alors il approcha et tenta de lui prendre ses mains. Cherchant son regard, il finit par lui dire :

Je t’aime Bella. Imprégnation ou non, ca ne changera jamais tout l’amour que j’éprouve pour toi. Mais tu ne peux pas m’en vouloir si je la choisis elle, plutôt que toi. Parce que d’un côté je vivrais seul mais pour toi, et de l’autre, je vivrais avec elle, et pour elle.

Il mentait pour la rassurer. Il l’aimait, oui, mais plus autant qu’avant. Il l’aimait comme une sœur, comme sa meilleure amie. Il ne pouvait plus espérer de finir ses jours avec elle. Mais il ne pouvait pas imaginer sa vie sans elle, ni même en tant que vampire.

C’était inévitable, elle savait qu’un jour cette conversation arriverait, elle était prévenue. Seulement, elle n’imaginait pas une seconde que cela puisse arriver si tôt… ou si tard. Tout dépendait du point de vue où l’on se plaçait. Si cette imprégnation avait eu lieu plus tôt, à Forks, avant le départ d’Edward, alors toute cette conversation serait d’un total non-sens. Elle n’aurait pas laissé gonfler ses sentiments envers lui de manière si exponentielle, puisque lui-même n’aurait pas nourrit ce type de sentiment à son égard. Mais voilà, rien ne s’était passé comme on aurait pu l’espérer. Il avait été présent au moment où elle avait le plus besoin d’une présence, au moment où elle s’était montrée le plus vulnérable. Il n’avait pas abusé de la situation, on ne pouvait pas relater les choses ainsi, et puis ce n’était pas vraiment le genre de Jake, mais il avait été là, addictif de part son aura solaire, il lui avait rendu le sourire, non, pire que ça, il l’avait ramené à la vie. Et puis, il s’était lui-même transformé, devenant un loup-garou, le lui reprochant même, prétendant que c’était de la faute de ces « sangsues ». Peut être était-ce réellement de sa faute, après tout. Elle aimait un vampire et son meilleur ami était un loup-garou, ça ne pouvait être une coïncidence. « Meilleur ami ». Était-ce vraiment le terme approprié ? S’il avait vraiment été son meilleur ami, tout ça, toute cette querelle, n’aurait jamais eu lieu. Non, un meilleur ami se réjouit du bonheur de l’autre, il entreprend tout pour l’aider dans cette aventure, il est une oreille attentive, une épaule charitable, et surtout, il ne se montre pas abjecte envers son mari. Mais Jake était plus que ça. Ce n’était pas de l’amitié qu’il nourrissait envers elle, c’était au-delà de ça. Et de son côté, Bella, ne pouvait se restreindre au simple sentiment d’amitié. Il était plus que ça. Il était son amour. Celui qui lui était destiné si sa route n’avait pas croisée celle d’Edward. Personne ne pouvait rivaliser avec cet amour-là. Ses sentiments pour Jake faisaient figure d’amourette de vacances comparés au sentiment ravageur, dévastateur qui s’emparait d’elle en présence de son mari.

Elle n’avait pas eu le choix, finalement. Pas plus que lui ne l’avait. Il s’était imprégné. Elle se rappelait toutes les histoires qu’il lui avait racontées, notamment celle de Leah totalement délaissée suite à l’imprégnation de Sam. Jake avait été catégorique : On ne pouvait pas lutter contre son imprégnation. Si Jake était imprégné, alors les sentiments qu’il avait pour elle, auparavant, avaient changé. Il ne l’aimait plus. Plus comme avant. Il en aimait une autre. Cela aurait dû la rassurer, lui ôter une sacrée épine du pied, et pourtant elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une certaine amertume. Demandez-lui d’expliquer sa réaction à voix haute et elle niera qu’il s’agit de jalousie. Elle expliquera que c’est le fait qu’il ait mit plus de 15 minutes avant d’aborder le sujet, ou encore le fait qu’elle ait eu à deviner toute seule, le fait qu’elle l’avait cru au-dessus de ça, au-dessus de ces bas instincts primitifs. Pourtant, le grizzli qui faisait ses griffes aux tréfonds de ses entrailles n’était pas des plus discrets. Et alors ? Oui, elle était jalouse ! Elle n’avait pas le droit d’éprouver ça ? Il avait été amoureux d’elle pendant des années, est-ce que lui il avait eu le droit d’éprouver ça ? Il ne faisait que récolter les fruits de ce qu’il avait longtemps semé. Il attendait quoi, d’elle ? Qu’elle se réjouisse ? Qu’elle lui saute au cou en lui administrant de grandes tapes dans le dos en le félicitant pour son imprégnation ? Dans ses rêves, ouai ! Est-ce qu’il se réjouissait pour elle ? Non ! Il lui pourrissait la vie ! L’obligeant à faire un choix, la culpabilisant sans cesse ! Est-ce qu’elle avait pensé à Charlie, Renée, à ses amis à Forks ? Oui ! Évidemment que oui, elle avait songé à tout cela ! Est-ce qu’il la prenait à ce point pour une idiote écervelée qui prenait une décision aussi… définitive sans y avoir mûrement réfléchis au préalable ? C’était injuste ! Il était injuste avec elle. Il la traitait d’égoïste, pour ensuite lui parler d’amour. Il faisait un beau menteur, tiens ! Il l’aimait ? Sale hypocrite !

« Ok, Jake ! T’as gagné ! C’est toi que je choisi ! C’est toi que je veux ! Je veux une vie normale, je veux ma famille, mes amis, je veux des enfants, je veux vieillir. Je te choisi toi ! Tu m’aimes, n’est-ce pas ? Imprégnation ou non, ça ne changera rien ! On n’est pas Leah et Sam, pas vrai ? Je n’ai rien à craindre, je n’ai pas à redouter cette fameuse imprégnation, l’amour que tu me portes est plus fort qu’elle, pas vrai ? » Lança-t-elle, presque nonchalante.

Seul son regard trahissait la fureur qui l’animait. Tomberait-il dans le panneau ? Croirait-il ne serait qu’un mot de ce qu’elle venait d’énoncer ? Il ne pouvait pas y croire, il était suffisamment bien placé pour tout connaître de l’amour inconditionnel qu’elle vouait à son époux. Sa décision avait été prise dès qu’elle l’avait vu, dès qu’elle l’avait aimé, et rien de ce que Jake n’avait pu faire depuis n’avait fait vaciller sa belle volonté. La seule chose de vrai dans tout son discours, la seule affirmation qui ne contenait pas une once de mensonge, c’était cette vie normale dont elle rêvait, et dont sa famille faisait partie. Le reste, elle s’en foutait. Mais encore une fois, elle avait choisi de faire certain sacrifice. Pour avoir expérimenté la vie sans Edward, elle savait à l’avance que ce choix était le bon. Personne, ni sa famille, ni ses amis, ne voulait de cette Bella éteinte en proie à un vide profond. Elle faisait souffrir tout le monde ainsi. Elle n’avait fondamentalement, pas le choix.

« Tu me parles de choix, mais tu n’en as pas, Jake ! Tu m’insultes, tu me mens, je ne sais pas si je dois ça à ton imprégnation, mais ce Jake-là ne me plait pas ! Je veux MON Jacob, mais je crois bien qu’il a disparu en même temps que l’amour qu’il nourrissait à mon égard. Et si tu te montrais un peu moins abrutit, Jake, peut être que tu aurais noté que je ne te faisais aucun reproche, si ce n’est celui de souhaiter m’effacer de ta vie si je ne choisis pas ce que tu voudrais pour moi. Tu parles d’égoïsme, mais tu ne vois pas plus loin que le bout de ton nez. Monsieur s’imprègne, Monsieur a trouvé celle pour qui et avec qui il pourrait vivre, et Monsieur continue de me faire de beaux discours, et de belles leçons de moral sur l’amour ? J’aurais eu l’air fin si je t’avais écouté et choisi ! Tu ne l’aurais pas rencontré ? La belle affaire ! Quoiqu’il arrive tu l’aurais rencontré ! A l’occasion de vacances à Forks, ou peut-être nous qui nous serions rendu ici, ou alors au hasard d’un voyage dans une autre ville. Ce qui doit être fait est toujours fait, et si cette personne t’était destinée, alors tu devais la rencontrer. Maintenant, tant mieux pour toi ! T’es amoureux, c’est cool ! Tu ne l’as pas choisi, tu te laisses dicter tes sentiments par un instinct animal, mais c’est cool ! Tu sais ce que j’aurais souhaité ? Qu’elle soit vampire ! Là, là ça aurait été drôle et on aurait pu se marrer un peu ! Au moins tu aurais peut-être cherché à me comprendre. Ça ne t’est jamais venu à l’esprit que peut-être, on pouvait comparer ce que je ressens pour Edward à votre imprégnation ? Peut être que je n’ai pas le choix, peut-être que je suis venue au monde pour lui. »

Cette fois elle était complètement et totalement énervée, et ne cherchait même plus à le cacher. Elle gesticulait beaucoup, criait beaucoup aussi, en espérant qu’ils soient suffisamment éloignés du reste du village pour ne pas que cette petite altercation fasse le tour de toutes les maisonnées. Mais elle ne pouvait plus contenir cette colère, cette rage en elle face à l’injustice dont il faisait preuve. Comme pouvait-il prétendre l’aimer après le portrait qu’il avait dressé d’elle ? Comment pouvait-il parler de sacrifice, alors qu’elle ne lui avait absolument rien demandé ? Il avait fait ces choix tout seul comme un grand, et venait les lui reprocher ensuite ? De quelle planète il venait lui ?

« Traite-moi d’égoïste autant que ça te chante, Jake. Si c’est ainsi que tu vois les choses, alors autant nous dire adieu tout de suite. Ma transformation aura lieu, que tu le souhaites ou non, rien de ce que tu pourras dire ou faire n’y changera rien. Par contre, si tu voulais me faire mal, alors là, bravo, c’est réussi. Mais je n’ai jamais eu besoin de toi pour culpabiliser quand au fait de devoir abandonner mes parents ou mes amis. »

Elle se détourna de lui, préférant lui tourner le dos que d’affronter encore une fois la colère ou la déception qu’elle pouvait lire dans son regard. Elle ne se doutait pas qu’il pouvait avoir une telle image d’elle, et malgré ce qu’elle prétendait, oui, ça lui faisait du mal de prendre conscience de ce qu’il pensait d’elle.

« Je ne t’ai jamais rien demandé, Jake. » Reprit-elle, plus doucement, plus tristement aussi. « Je n’ai demandé aucun sacrifice de ta part. Et n’est-ce pas le principe du sacrifice ? N’est-ce pas quelque chose de personnel, un choix qui ne regarde que nous ? Les sacrifices que tu as fait, tu les as fait pour toi, au même titre que ceux que je fais, je les fais pour moi. Oh, oui, j’ai bien conscience de me montrer très égoïste, mais il n’existe pas d’autre alternative. Et non, Jake, non, ne me parle pas de toi. Tu n’es pas une sortie de secours, et je m’en rends compte à présent, tu n’en as jamais été une. Je ne t’ai pas demandé de m’aimer, pas plus que je ne t’ai demandé de me suivre. Tout ça, c’était de ta propre initiative. Je suis contente que tu sois là, près de moi, mais je ne t’aurais jamais demandé de le faire, même si j’en avais très envie. Mon égoïsme ne va pas jusque là. »

Elle se tourna vers lui, les bras croisés contre sa poitrine, presque prostrée dans une attitude de protection. N’importe quel comportementaliste aurait vu là une position défensive, les bras étroitement noués protégeant son cœur qu’elle lui cachait. Mais elle n’en avait pas conscience.

« Tu mérites d’être heureux, et au fond, je suis contente pour toi. Maintenant, je vais m’en aller, je vais rentrer. Je ne sais pas si on se reverra, je ne sais pas si tu en auras envie, quel que soit mon état. Mais avant de partir, je voudrais te demander juste une chose. Cette fille, ton imprégnation, si tu ne pouvais pas être avec elle à cause de ton état de loup, et si tu connaissais un moyen pour cesser de l’être, est-ce que tu ne ferais pas tout ce qui est en ton pouvoir afin de devenir comme elle, afin de pouvoir vivre avec elle ? Elle remplie toutes tes pensées, n’est-ce pas ? Tu la sens dans chaque fibre de ton être, c’est ça ? Elle est là, dans ton corps, dans ta tête, même quand elle n’est pas présente physiquement ? Elle te parasite de l’intérieur, elle est comme une drogue, une drogue douce dont tu ne peux pas, tu ne veux pas te soigner ? Réfléchis, Jake. Tu n’as pas le choix, tu n’as jamais eu le choix, tous tes autres coups de cœur n’étaient qu’une illusion… Tu sais ce que je ressens à présent. »

Sur ce, un regard triste plus tard, elle tourna les talons, prête à rejoindre la voiture qu’elle avait abandonné un peu plus loin, sans même savoir si elle le reverrait un jour. Une perle salée roula le long de sa joue. Pas grave, elle mettrait ça sur le compte du froid, si elle venait à croiser quelqu’un.

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