(c) Bella Dora & My Motto @ LJ
Silver Lehane & Jacob Black

Le craquement, de ses propres pas, le dérangeait plus qu'un animal ne le devrait. La trace sur un sol blanc l'amenait à penser aux indices qu'il pouvait laisser derrière lui. Pire encore, qu'un humain pouvait déposer. Un vampire malfaisant n'aurait, en ces jours, aucun mal se mettre quelque chose sous la dent. Ces derniers étaient dans leur domaine. Le froid, ils ne le craignaient pas. Les traces, ils pouvaient les éviter grâce à leur habilité à se projeter d'arbre en arbre. Mais ils pouvaient aussi les suivre, comme si leur odorat surdéveloppé ne les aidait pas assez comme ça. Regardant ses coussinets enneigés, un loup roux serra les crocs en signe de mécontentement. Il n'avait pas toujours détesté la neige. Il ne le détestait pas proprement dit. Il avait simplement du mal à concevoir qu'une telle merveille pouvait être un si grand danger pour une population inconsciente.

La forêt d'Hanover était aussi dense que vaste. Elle amenait à des tas d'endroits que certains randonneurs aimaient fréquenter. D'autres n'étaient présents que pour rejoindre un endroit précis. C'étaient des proies faciles pour une vampire affamé. Les disparitions dans les bois n'étaient pas anodines. Ceci expliquait donc les rondes régulières que Jacob enchaînait avec une certaine fierté. Il avait beau avoir oublié son besoin de violence envers les Cullen, il n'en avait pas laissé sa haine contre les vampires carnivores pour autant. Lorsqu'il n'avait rien à faire, il prenait donc son apparence animal et rôdait à la recherche d'un ennemi. Cela lui permettait d'oublier ce qui le torturait si souvent. En tant que loup, il s'était même forcé à ne pas y penser, afin d'éviter de donner trop d'information à la meute.

Alors quand il sentait que ses pensées dérivaient, il annonçait qu'il reprenait forme humaine et s'habillait pour ensuite se morfondre en bon solitaire. C'est ce qui se produisit à ce moment précis. Voir le lac lui ramenait des souvenirs qu'il tentait d'oublier. Il avait beau avoir de l'espoir pour un revirement, ça relevait du miracle. Reprenant son apparence de garçon, il prit son jean, coupé à hauteur de genoux, qu'il avait attaché à sa cheville, et l'enfila. Il marcha, pieds nus sur la neige fraiche, fondant instantanément au contact de sa peau. La sensation n'était que plus désagréable. Il marcha quelques minutes, la tête baissée, évitant les arbres comme s'il connaissait la position de chacun par coeur. Ses pensées s'accélérèrent et il s'engouffra dans la mélancolie. La solitude n'avait pas d'excellente vertu sur lui. Il pouvait mentir aux autres et se croire au biais de leurs regards, mais face à lui-même, la vérité n'apparaissait que dans le silence qu'elle laisse derrière elle. Jacob Black souffrait et rien n'y personne n'y pouvait quelque chose, sauf elle. Et elle, elle se jouait de lui.

Longeant le lac, il regarda le paysage triste comme le reflet de son humeur actuel. Le bord du lac était glacé et recouvert de neige, on ne pouvait même pas différencier l'eau de la terre. Les galets n'étaient présents que par le touché, caché sous un manteau blanc. Le ciel manquait de couleur, tellement que l'horizon paraissait infini. Voilà où se situait Jacob, dans l'infini du néant. C'est souvent le cas lors d'une peine de cœur, et bien plus lorsque la personne qui lui a volé celle qu'il aime est un ennemi. Le frais parfum de l'atmosphère lui chatouilla les narines. Rien n'avait été aussi désagréable que les basses températures. Ce que sentait le jeune en cet instant, c'était comme vivre dans une baraque de vampire. C'était comme lui ronger les poumons afin qu'il manque d'air. L'odeur était...c'était comme un nuage de fantaisie et de bonheur. Un parfum étrange, enivrant balayant toute tristesse. Fronçant les sourcils, étonné par ce virement de sensation, Jacob ne tarda pas à trouver le sujet d'un tel parfum. Elle était assise là, sur un tronc lui rappelant les plage de la Push, face au lac, le visage triste et le regard égaré. Et ce fut comme si une force élastique avait saisi son cœur et s'était emparé de celui de la jeune femme pour les rapprocher sans aucun autre choix possible. La rencontre était inévitable.

Pourtant, dans un premier lieu, le jeune brun ne bougea pas, figé, se débattant contre cette force attractive pour rester immobile. En moins de temps qu'il lui avait fallu pour essayer de l'oublier, Bella s'effaça de ses pensées. Le monde entier s'effaça à vrai dire. Il n'y avait plus que cette fille. Son imprégnation. Se forçant à mesurer ses pas afin de ne pas paraitre trop pressé, Jake s'approcha, sans se rendre compte, que sa tenue n'était pas appropriée au vu des circonstances. Tout d'abord, il allait aborder une jeune femme torse nu et sans chaussures et ce n'était pas du tout adapté au temps neigeux. Mais ses pensées étaient toujours aussi brouillées.

Avançant avec douceur, il parcourut la distance qui le séparait de la jeune femme en toute discrétion, ce qui n'était pas vraiment voulu. Il aurait voulu ralentir, mais la force élastique en avait décidé autrement. N'ayant pas de mal à démarrer une conversation avec quiconque, il prit la parole sans même réfléchir à l'absurdité de ses propos :

« Tu vas attraper froid si tu restes figé ainsi. »

Il se tenait à présent à trois mètres d'elle et abordait un sourire de salutation. Le tutoiement était venu sans crier gare, en toute simplicité, comme s'il s'agissait d'ami de longue date. Sa réplique avait été pour le moins inutile, pourtant, il n'en éprouvait pas de honte. Cela paraissait normal de l'avertir. Comme s'il se sentait obligé de la protéger. Mais elle était quand même habillée pour endurer le froid. Lui, avec son unique short, pouvait ne pas paraitre convainquant. Seulement, il était un loup-garou et ne craignait pas le froid. Il aurait pensé à cela si elle n'avait pas été son imprégnation. Celle qu'il n'avait jamais attendue, aveuglé par l'amour qu'il portait à une autre.

Rester immobile par un temps pareil ne lui apporterait sûrement rien de bon, pourtant Silver ne ressentait aucune envie de bouger. Ce serait un miracle si elle s'en sortait sans une bonne grippe, malgré son manteau bien chaud et son écharpe en laine. Les minutes s'écoulaient, et la brunette n'aurait su dire depuis quand elle se trouvait assise sur cet épais morceau de bois enneigé. Si en apparence ses yeux srcutaient le lac, ils regardaient en réalité dans le vide. Sil n'avait plus du tout conscience du monde qui l'entourait. Elle était plongée dans des pensées aussi heureuses que douloureuses. C'était à ce genre de contradiction que l'on devait faire face, quand on se remémorait de bons instants en compagnie de proches aujourd'hui défunts.

Plus jeunes, les Lehane passaient chaque instant ensemble. Ils adoraient Edgecombe et avaient énormément d'amis parmi les voisins. Souvent, tous se retrouvaient à une certaine intersection de la ville et marchaient jusqu'au château d'eau. Chacun apportait une boisson ou un paquet de friandises - bonbons ou chocolat - et ils discutaient des heures durant, avalant leur nourriture jusqu'à ce que leur estomac explose. Non loin de ce château d'eau, il y avait aussi une ancienne frabrique de chaussures, désaffectée depuis des dizaines d'années. Ils lui trouvaient un air mystique, presque aussi effrayant qu'une maison hantée. Là-bas, ils en avaient fait des bêtises ! Appeler les esprits, se courser dans les dédales de couloirs et de plates-formes au risque de se rompre le cou... sans compter les matches de paint-ball qu'organisait Stephen. Roxanne ne pouvait s'empêcher de lever les yeux au ciel en râlant lorsque ses deux enfants revenaient couverts de peinture.

Sans en être réellement consciente, Silver esquissa un mince sourire. C'était le bon temps, celui où Jackson aurait fait n'importe quoi pour la protéger. D'ailleurs, personne n'osait les séparer lorsqu'ils faisaient des équipes pour divers jeu. Ils savaient d'avance que si tel était le cas, Jax ferait tout afin que sa soeur gagne... et ainsi, favoriser le groupe dans laquelle elle se trouvait. Oui, il était protecteur, parfois beaucoup trop. Ce qui posa quelques soucis lorsque tous deux atteignirent l'âge de l'adolescence. Si jusque-là Silver n'était en rien dérangée par le comportement de son frère aîné, tout changea à cette période. Elle se sentit vite oppressée, voire étouffée. Seulement, c'était sans compter cet être parfait que l'on nommait Jackson... La brunette n'eut qu'une chose à faire : lui en parler. Aussitôt après, Jax se détacha un peu, la laissant voler de ses propres ailes, tout en restant là si jamais elle devait tomber.

A son tour, Silver voulut être présente pour lui et scanna toutes ses petites amies depuis le lycée ! Selon elle, aucune ne le méritait vraiment, mais n'était-ce pas le rôle d'une soeur de penser de cette façon ? Sachant toutefois que c'était déraisonné, elle essayait de ne pas se montrer trop sélective. Il suffisait que la fille en question soit amoureuse, gentille, sincère et...
Ce fut sur cette pensée que Sil se retrouva soudain projetée à nouveau dans le monde réel. Une voix venait de s'élever tout près, dans son dos. Elle n'avait pas entendu arriver son propriétaire et de fait, ses réflexes réagirent au quart de tour : Silver se retourna vivement, méfiante. Alors, elle croisa son regard... Un regard si intense que son coeur rata un battement, avant de se mettre à battre la chamade. Etrangement, cet inconnu ne la laissait pas indifférente et tout au fond, la brunette avait comme la certitude qu'il était fait pour elle.

QUOI ? Tu perds la tête, ma pauvre. Ce n'est pas parce que tu es en manque d'affection depuis un petit moment que tu vas te mettre à tomber raide dingue du premier venu ! se morigéna-t-elle.

Histoire de ne pas passer pour la dernière des abruties - elle n'en était quand même pas à ce point - elle se concentra et tenta de se remémorer ce qu'il lui avait dit. Lorsque sa remarque lui revint, à peine deux secondes plus tard, un sourire ironique se dessina sur ses lèvres. Avant de formuler la réponse adéquate, son esprit resta un instant focalisé sur le corps du nouveau venu. Un corps... Wouah. Sil pouvait voir ses muscles rouler sous sa peau. Quel âge pouvait-il bien avoir ? La vingtaine comme elle, probablement.

« Marrant, venant de quelqu'un qui se trimballe dehors par une température pareille uniquement vêtu d'un short. C'est plutôt toi qui va attraper froid. » réussit-elle à sortir, s'arrachant enfin à sa contemplation - son ton était néanmoins des plus assurés. « Je te prêterais bien au moins mon écharpe mais je ne crois pas que ce soit ton style. Même si je peux me tromper. »

Elle releva un bout de son écharpe, aux couleurs multicolores. Sans aucun doute possible, ceci ne pouvait être porté que par une fille. Silver relâcha le morceau de laine et remit sa main dans sa poche. Elle avait peut-être des gants, mais un peu de chaleur en plus ne pouvait pas tuer - et ce ne serait pas du luxe en ce moment précis. Etre restée si longtemps - ou n'était-ce que quelques secondes ? minutes ? - sans bouger ne l'avait pas aidée. Surtout que la température baissait, jusqu'à atteindre la minimale lorsque la nuit surgirait. Sil avait besoin de rentrer pour décongeler toutes les parties de son corps. Encore un quart d'heure dans cette position et elle était sûre que ses dents se mettraient à claquer.
Ainsi, la jeune femme se leva et passa une main dans ses cheveux, signe de nervosité. Elle s'apprêtait à demander de l'aide à un inconnu total, et normalement, cela ne lui aurait pas dit grand-chose de s'enfoncer dans les bois avec un homme qui - en plus - se promenait presque nu en plein hiver. Mais... une voix, que Sil aurait pu appeler son instinct le plus primaire, lui disait qu'elle pouvait lui faire confiance, qu'il la ramènerait très vite à la civilisation. Alors elle se lança.

« Euh... Dis-moi... Tu pourrais me filer un coup de main ? Tu ne m'a pas l'air complètement perdu - contrairement à moi - donc je me demandais si tu saurais sortir de cette immense forêt. Je voulais faire une petite balade, seulement j'avais oublié à quel point mon sens de l'orientation pouvait être... et ben, inexistant à dire vrai, » expliqua-t-elle avec un rire frustré. Puis, elle ajouta pleine espoir : « S'il te plaît, dis-moi que tu connais le coin comme ta poche. »

Bien sûr, il lui était venu à l'esprit qu'elle pourrait s'engager au milieu de nulle part avec un psychopathe. Non mais franchement, qui pouvait bien être assez fou - et surtout, assez fort physiquement ! - pour porter une telle tenue à moins de Dieu-seul-savait-combien-de degrés ? Ou plutôt, dans son cas, une telle absence de tenue... Quelque chose devait forcément clocher avec lui, ainsi toute personne sensée aurait fait croire qu'elle savait parfaitement où elle se trouvait, et aurait balancé une excuse avant de déguerpir aussi vite que possible. Mieux valait se perdre encore plus au lieu de se retrouver à la merci d'un malade - du moins, c'était le point de vue de Silver.
Mais encore une fois, il y avait... ce truc. Ce sentiment, comme une certitude, qu'il ne lui ferait pas de mal et qu'au contraire, il chercherait à l'aider. D'où pouvait venir une telle conviction ? Sil n'en savait rien, et pour l'heure, ce n'était pas important. Parce que faire ce bout de chemin en compagnie du jeune homme lui permettrait non seulement de rentrer, mais aussi de faire connaissance avec lui.
Et inexplicablement, elle en mourait d'envie.

La Push. Ce nom revint à l'esprit du jeune loup aussitôt que la jeune femme est terminée de lui répondre. Bella. Ce prénom sonnait faux à présent. Son coeur avait libéré de la place pour y insérer cette inconnue. Il n'y avait aucun doute là-dessus, il était tombé sur la seule personne qu'il ne voulait pas rencontrer, ou espérer ne pas rencontrer, il ne le savait pas vraiment. Pour Jacob, son imprégnation, il ne la rencontrerait pas. Pour lui, la seule qui comptait à ses yeux, c'était Isabella Swan. Elle était mariée, à présent, mais il n'avait pas encore eu l'occasion de l'accepter. Et ce jour fut arrivé. Pour Jacob, c'était une véritable torture. Son coeur lui dictait de lier une relation avec la jeune femme. Mais sa tête lui demandait de rebrousser chemin. Il avait eu tort ! Bella ne serait finalement pas la femme de sa vie, puisque celle-ci se tenait devant lui, il le savait. Il détestait avoir tort ! Lorsque c'était le cas, son visage se transformait en un air de dégoût. Alors pourquoi souriait-il encore ?

Peut-être était ce parce qu'elle était exactement comme il le désirait. Après tout, elle n'était pas si différente de Bella sur certains points. Elle était jolie, aussi âgée qu'elle et, malgré le fait qu'il ne se connaissait pas du tout, elle osait le remettre à sa place. Où alors ce fut parce qu'il se rendit compte, à ses paroles, que sa réflexion avait été ridicule, du moins, le serait au regard d'un humain. Sa proposition sur une écharpe colorée provoqua en lui un petit rictus à peine audible. Regardant ses pieds un instant, il ne songea pas à lui dire ses pensées. Car à ce moment précis, il était capable de faire tout ce que la belle jeune femme, dont il ignorait encore le prénom, lui soumettait. Une écharpe pour fille ne le dérangeait pas du tout si elle ne risquait pas d'attraper froid sans. Au contraire, il aurait aimé avoir quelque chose d'elle. Si elle lui demandait, il serait peut-être même capable de se travestir. Elle était son imprégnation, elle lui était destinée et il lui était destiné. Chaque chose qui pouvait la rendre heureuse devenait alors possible. Machinalement, il avait répondu :

« Non merci, tu en as bien plus besoin que moi. »

Son sourire resta figé sans qu'il le veuille vraiment. Il était sincère, peut-être un peu charmeur, mais innocent. La chaleur de son corps, plus élevé qu'un humain basique, s'était enflammée. Il eut la sensation que son cœur s'était remis à battre tant il frappait sa poitrine. Ce fut à ce moment-là qu'il regretta de ne pas avoir de tee-shirt.
L'ancien amour de sa vie lui avait volé ce cœur et s'était amusé avec inconsciemment. Épousée son ennemi avait été le coup de poignard dans son organe. Ce jour-ci, il avait senti son souffle se couper un instant. Depuis, plus rien n'était pareil. Sa vie avait continué dans l'espoir qu'elle lui revienne, qu'elle décide de rester humain. A partir de ce moment, Jacob avait décidé de remettre son cœur en fonction. Mais tout venait de changer. Pourtant, il freinait ses ardeurs en pensant à tout ce qu'il avait vécu avec sa meilleure amie. Mais comment lutter contre son âme-sœur ?

Il n'eut pas le temps de réfléchir à une solution que la jeune femme s'était levée. Presque sur le qui-vive, il l'observa perplexe en ayant mille et une question en tête. L'imprégnation ne pouvait échapper ni à l'un, ni à l'autre. Alors pourquoi fuyait-elle ? Pourquoi s'était-elle levée ? Était-il si repoussant ? Avait-il dit quelque chose de travers ? Tant de questions qui défilèrent pendant près d'une minute qui lui paru une éternité. Mais lorsqu'elle reprit la parole, toute la tension qui s'était accumulée s'affaissa d'un coup. Ce n'était pas la fin. Non, ce n'était pas la fin de leur première rencontre. Ils auront le temps d'un long chemin pour faire connaissance. Jacob espéra alors que le trajet serait long. Il avait tant envie de la connaitre.

A son rire, si merveilleux, il la suivit sans excès. Son sens de l'orientation « inexistant » l'arrangeait bien à vrai dire. Peut-être allait-il en profiter pour prendre le chemin le plus long afin d'éterniser leur rencontre. Tout dépendait des désirs de l'inconnue. Alors sans lâcher son sourire, ni le regard de la jeune femme, il lui annonça avec une certaine fierté :

« Mon surnom est Tomtom ! Et encore, un GPS n'en connait pas autant que moi. Il n'y a pas meilleur guide touristique que moi, je peux te l'assurer. Mais pour cela, il me faudrait connaitre l'endroit où tu souhaites te rendre. »

Sa mine réjouie prouvait bien qu'il était heureux de la servir. Il s'auto-gifla d'ailleurs par la pensée. Il ne devait pas avoir de tels sentiments pour une autre. C'était comme perdre contre l'ennemi. Lorsque de la bataille contre Victoria et les vampires nouveaux-nés, celui qu'il appelait la sangsue lui avait parlé de l'imprégnation et de ce qu'il ferait lorsque cela se passerait. Jacob pensait que cela n'arriverait jamais. Et aujourd'hui, il était torturé entre un étrange bonheur surnaturel et un soupçon de haine envers lui-même. Pourtant, d'apparence, il semblait heureux.

« Je peux savoir comment tu t'appelles avant de m'aventurer dans la forêt avec toi ? On ne sait jamais, tu es peut-être recherchée par les autorités » Plaisanta t-il. « Et personnellement, j'ai assez donné en matière de « meurtre ». » dit-il sur un ton ironique en mimant les guillemets.

C'était là une image sur les méfaits d'une certaine jeune femme qui n'avait pas pu le combler dans une relation amoureuse. Il savait que cela ne pouvait pas être le cas avec l'inconnue, mais c'était pour lui une manière de demander avec humour le prénom de son interlocutrice.
En voyant la jeune femme affronter le froid ainsi, il se remémora le jour où il dut réchauffer Bella à Forks. Un souvenir qu'il aurait aimé oublier, mais il aurait souhaité être autant utile que cette fois là avec sa nouvelle connaissance. Il n'attendit pas la réponse afin de reprendre les bonnes manières :

« Moi c'est Jacob. Jacob Black. Je suis de Forks, ou tout près. » Se présenta-il en tendant sa main anormalement chaude.

Cette dernière information n'allait pas en sa faveur quand au fait de connaitre par coeur l'endroit. C'était pourtant le cas. Mais c'était un secret qu'elle découvrirait sans doute un autre jour. Il n'était pas fou. Même si elle l'aurait accepté par obligation de la nature, il fallait la ménager un peu. Dire « Salut, je suis Jake et je suis un loup-garou qui te protège des vampires qui te veulent du mal, tu es mon imprégnation et tu m'es destinée pour la vie. » lui aurait fichu une trouille à courir sans se retourner. Et si elle était aussi maladroite que Bella, elle se serait bien pris un arbre au passage, voir deux. Non, Jacob devait se montrer patient.

Les mains dans les poches de son manteau et les yeux rivés dans ceux de son interlocuteur, Silver se demandait si elle avait fait le bon choix. Tout son être lui hurlait que suivre un parfait inconnu dans les bois n'avait rien de prudent et pourrait lui apporter des ennuis - voire plus. Ce comportement ne ressemblait en rien à la brunette : impulsive sur certaines choses, elle n'en restait pas moins prudente lorsque sa vie en dépendait. Elle avait toujours mis un point d'honneur à écouter sa raison plutôt que ses envies. Si une autre personne se trouvait dans sa position en cet instant précis, elle lui conseillerait de dire au revoir de façon polie et de partir. Cela n'empêcherait pas forcément un éventuel malheur de se produire, mais réduirait tout de même ses chances. Alors pourquoi ? Pourquoi ses lèvres refusaient-elles de formuler une excuse ? Pourquoi ses jambes ne voulaient-elles pas la porter hors de la plage ? Et plus étonnant encore : pourquoi avait-elle l'impression que si elle quittait ce jeune homme sans se retourner, elle ne pourrait plus respirer ?

A cette pensée, Silver ressentit une violente haine envers sa propre personne. Elle ne comprenait pas comment il lui était possible de ressentir des choses aussi profondes pour quelqu'un qu'elle ne connaissait pas. S'il y avait bien un être sur cette Terre dont la perte aurait du l'empêcher de vivre, c'était Jackson. Oui, elle venait de perdre son frère aîné, et ne s'en était pas encore remise - s'en remettrait-elle un jour ? La mort de Jax la faisait terriblement souffrir, et Sil n'avait pas encore passé le stade où elle s'autorisait à nouveau le bonheur. C'était trop récent. Ainsi, elle s'en voulait de se sentir fortement attirée par ce jeune brun, et d'aller jusqu'à songer qu'elle ne pourrait plus se passer de lui ! L'étudiante était envahie par des émotions qu'elle n'acceptait plus, et par d'autres qu'elle ne comprenait pas. Et bien que cela lui fasse peur, c'était comme si une main invisible la forçait à les suivre et les exploiter.

Sourire. Silver l'avait beaucoup fait depuis le décès de Jackson, mais aucun de ces fameux sourires n'avait été sincère. Non, aucun. Car derrière il y avait toujours eu cette insondable tristesse qui ne la quitterait pas de sitôt. Pourtant, lorsque ce séduisant inconnu donna une réponse à sa question désespérée avec humour, elle répondit elle-même en souriant... pour de vrai. Qu'y avait-il en lui pour inspirer un tel bien-être à Sil ? Cette dernière n'avait pas la réponse. Pourtant c'était étrange, car même son meilleur ami - Nathan - n'avait pas pu en arriver là, malgré sa présence et son aide. Mais le pourquoi du comment, Silver s'en fichait. Le plus important à ses yeux ? Il semblait connaître le coin, ainsi, elle était certaine qu'ils passeraient un peu de temps ensemble avant de devoir se quitter. Rien n'aurait pu lui faire plus plaisir en cet instant précis.

« Je suis soulagée de l'entendre, je ne me voyais pas tourner deux heures au fin fond des bois ! J'essaie juste de retrouver la Réserve, j'ai laissé ma voiture à l'entrée. »

Elle était en effet venue en voiture jusque vers la Réserve indienne, ne voulant pas affronter le froid depuis son appartement à Hanover. Celui-ci se trouvait proche de l'université, pas de la forêt ! Elle se serait démotivée bien avant de rejoindre l'orée des bois si elle n'avait pas pris son véhicule pour faire un bout du chemin. Retourner chez elle ne lui poserait pas de problème : elle vivait à Hanover depuis assez longtemps pour en connaître la moindre rue - ou presque. Mais pour en arriver là, il faudrait d'abord mettre la main sur sa voiture... Et sans l'aide de ce jeune homme qui, selon lui, était un véritable GPS ambulant, elle n'aurait aucune chance.

Avant de se remettre en route, il lui demanda son prénom - ce qui semblait plutôt approprié dans ces circonstances. En sous-entendant qu'elle pouvait être cherchée par les autorités, Silver esquissa un nouveau sourire. Elle savait qu'il voulait juste la mettre à l'aise, peut-être même essayait-il de lui faire comprendre qu'il n'était en rien dangereux et qu'elle pouvait le suivre avec confiance. Il lui plaisait de plus en plus, et c'était comme si sa seule présence réussissait à éloigner les nuages noirs qui flottaient au-dessus de sa tête.

Mais un mot en particulier la frappa de plein fouet. A l'entendre, le visage de Sil s'assombrit immédiatement et elle détourna les yeux pour les planter sur ses bottes. Elle se mordit la lèvre inférieure, luttant pour chasser les pensées qui l'assaillaient déjà : celles de son frère en train de se faire attaquer. Bien sûr, l'intelocuteur de Sil avait parlé de « meurtre » de façon imagée - du moins était-ce ce qu'elle avait compris - et il ne pouvait pas savoir à quel point cela pouvait la toucher, ne la connaissant pas. Ainsi, elle redoubla d'efforts afin de mettre sa tristesse de côté. Nul doute qu'il avait compris que quelque chose n'allait pas, inutile d'aller plus loin. Silver n'avait pas du tout envie de gâcher un tel moment.

Relevant la tête, Sil acquiesça lorsque « Jacob Black » lui donna son nom. Elle fronça légèrement les sourcils lorsque le lieu de Forks parvint à ses oreilles. Elle avait beau réfléchir, ça ne semblait pas être proche de Hanover du tout. Se pouvait-il qu'il vienne d'un autre endroit ? Dans ce cas comment pouvait-il connaître la forêt par coeur, comme il le lui avait dit ? Bah, après tout, Sil elle-même était capable de se diriger dans trois villes différentes grâce à ses nombreux déménagements. Elle conclut alors que Jacob l'avait informé sur l'endroit d'où il venait, et pas celui où il habitait - qui ne devait être autre que la Réserve, ou Hanover. Bien qu'à sa peau bronzée, elle jurerait qu'il avait du sang indien.

« Je m'appelle Silver Lehane, » dit-elle à son tour en prenant la main qu'il tendait.

Elle sursauta presque au contact de celle-ci, brûlante. Si son corps entier était à la même température, ça n'avait rien d'étonnant qu'il se balade en short ! En revanche, cela restait anormal. Personne ne pouvait arriver à une telle chaleur, sauf si l'on était malade. Et dans ce cas précis, on était en général incapable de sortir pour cause de clouage au lit intensif. Et on avait l'air beaucoup moins sexy. Cette fois, les sourcils de Sil se levèrent pour afficher une expression décontenancée. Devait-elle demander à Jacob pourquoi il semblait avoir aussi chaud ? Probablement, mais à nouveau son instinct lui souffla que ce n'était pas le moment. Ayant récemment appris que cela ne servait à rien de l'ignorer, elle décida de l'écouter et repris un air tout à fait normal. Puis, elle continua :

« J'habite ici pour mes études mais je viens de Providence. Quant à toi, j'aurais plutôt cru que tu faisais partie des habitants de la Réserve. Je ne connais pas Forks, où est-ce exactement ? » demanda-t-elle, sa curiosité désormais piquée.

Silver lâcha à contrecoeur la main de Jacob et entreprit de se rapprocher de lui. A la fois pour compenser cette perte de contact et parce qu'ils ne tarderait sûrement pas à se mettre en route. Prudemment, elle fit quelques pas en sa direction, levant bien les jambes afin de ne pas se prendre dans la neige. Contrairement à certains, la jeune femme n'avait pas pour habitude de tomber en public ou de lâcher ses cours en plein couloir de la fac. En somme, elle n'avait rien d'une Miss Catastrophe. Mais elle gardait toutefois en tête que les accidents étaient vite arrivés.
Surtout que la présence de ce Jacob Black avait fortement tendance à la troubler...

Apercevoir un sourire sur le visage mélancolique de la jeune femme avait une nouvelle fois enflammé le cœur de Jacob. Même si la neige avait un air de tristesse, il était évident que la jeune femme avait dans ses bagages quelque chose de malheureux. Un mélange de déception et de colère s'était emparé du jeune loup. Qui avait bien pu lui faire autant de mal, car notre malheur dépend souvent des autres. Il devait tout faire pour revoir ce sourire. Il lui fallait être drôle. Entendre son rire lui était presque devenu vital. Il allait lui être utile, c'était déjà une bonne chose, mais il aurait tant aimé faire mieux. Ainsi, elle connaissait la réserve d'après sa réponse. Le trajet pour s'y retrouver n'était pas très long et Jacob en fut quelque peu déçu. Cependant était-elle au courant de cela ? Avait-elle lu, son visage, cette déception ? Qu'importe, il l'avait rencontré, c'était le principal. Il ne pourrait plus vivre l'un sans l'autre à présent. C'était écrit.

Mais malgré le fait que cette inconnue répondait à ses critères, et était même bien plus, il sentit un étrange mal-être tournoyer autour de son bonheur. C'était comme si les sentiments, les émotions et les sensations de la jeune femme s'étaient également imprégnés en lui. La tristesse, la nostalgie, il la ressentait. Peut-être que cela venait simplement de lui. L'image de sa mère lui apparut en pensée. Il regrettait alors qu'elle ne soit pas là pour vivre son aventure. Même s'il en parlait peu, même s'il avait toujours l'aspect d'un jeune homme heureux de vivre, elle lui manquait. Mais jamais il n'aurait imaginé être frappé par son image lors de sa rencontre avec la femme qui lui était destinée. Avait-elle, elle aussi, perdu un parent ? Est-ce que cela fonctionnait ainsi, les imprégnations ? Un passé lié par des événements similaires ? Il n'avait jamais pu le vérifier, mais il était persuadé que ce n'était pas le cas. C'était juste une histoire de lignée. Un enchantement programmé pour sauvegarder l'espèce. Rien d'autre. Mais fallait-il y penser ou sauvegarder la magie uniquement ? Une magie qu'il avait imaginée différemment.

En effet, lorsqu'il lui demanda son prénom, elle fondit en un visage torturé, fuyant son regard. Cela avait pourtant précédé un sourire. Le jeune homme fit immédiatement le rapprochement avec le mot "meurtre". Sa mâchoire se serra avec une force à se briser les dents. Ses doigts se refermèrent pour former un poing qui endolorit le creux de ses mains. Comment pouvait-elle avoir vécu un tel drame ? Jacob n'était pas dupe. Même s'il était à côté, il ne pouvait qu'être tout près d'une réalité effrayante. Les vampires ? Les humains ? Quel que soit le coupable de ses peines, il avait un étrange désire de vengeance. Mais il n'était point raisonnable de montrer une certaine facette de sa personnalité aujourd'hui. Alors, il se contenta de se calmer et de lui faire oublier cette faute de sa part en se présentant, reprenant son sourire, oubliant ses poings et sa rage.

Silver. Silver Lehane sonnait comme une mélodie inoubliable. A présent, tout lui rappellerait ce nom. Que ce soit une simple rose à l'odeur enchanteresse, le délicieux parfum des arbres ou encore de simples filles passants par là. Rien ne serait aussi merveilleux que Silver Lehane. Serrant sa main avec une douceur extrême, il frémit de plaisir. Elle avait beau avoir des gants, il sentait ses fins doigts et la fraicheur de sa peau dont ses accessoires n'arrivaient pas à venir à bout. L'envie de la serrer dans ses bras pour partager la chaleur de son corps était de plus en plus forte. La savoir glacée à ce point lui fendait le cœur. Son besoin de protéger n'avait jamais été aussi forte. Il se contient cependant afin d'éviter de l'effrayer. Il avait beau savoir qu'elle lui pardonnerait tous et qu'elle ne pourrait plus se passer de lui, il n'avait pas la prétention de croire qu'il était exempté de toute faute de comportement.

« Enchanté » avait-il dit avec un large sourire, enjôleur malgré lui.

Enchanté n'était pas le mot. En réalité, il n'en existait pas pour expliquer ce qu'il ressentait. Il n'existait aucun mot dans la langue des humains pour le signifier vraiment. On pense trop peu aux loups-garous, en ces conditions. Mais le plus important était dit. Il apprécia particulièrement le fait qu'elle ne lui parle pas de la chaleur de son corps. Elle pensait sans doute qu'il était malade, ce qui était normal. Même lui l'avait cru la première fois, ignorant que les légendes qu'on lui contait, étant enfant, étaient vraies. Alors, une jeune femme ignorant tout de tout cela...

La jeune femme fut intéressée par Forks et sa situation géographie. Elle s'intéressait à lui. Les légendes l'avaient prédis. Souriant avec tendresse, Jacob se remémora Forks et ses similitudes avec Hanover ou la ressemblance avec la réserve des Quileute et celle des Winnipesaukee. Seul son père lui manquait réellement car il avait suivi ce qui le retenait. Et aujourd'hui, son désir de rester était devenu plus fort encore. Comment partir alors que son cœur avait décidé d'élire domicile ici, à deux pas de lui ? La proximité qu'elle avait installée entre eux le rendait moins assuré qu'il pouvait l'être habituellement. Il avait peur. Pas peur d'elle, mais de lui-même. Peur qu'il n'ose contenir ses désirs : La prendre dans ses bras, lui dire qu'elle était la femme de sa vie, l'embrasser. Le regard posé furtivement sur les lèvres de la jeune femme, Jacob s'imposa l'image de Bella. C'était la seule personne qu'il avait aimé avant Silver et la seule dont il aurait voulu lui être fidèle jusqu'à aujourd'hui. Malheureusement, l'effet n'était pas aussi fort qu'il l'aurait aimé. Alors, il se concentra sur sa réponse, se perdant dans son regard :

« Forks est à l'autre bout du pays. » lui dit-il, son regard virant de nouveau sur sa bouche tentante, avant de se ressaisir. Elle n'était pourtant pas si près que cela. « Mais je ne suis qu'originaire de là-bas. J'ai déménagé ici pour les besoins d'une amie. Je me suis installé à la réserve Winnipesaukee. »

Son pied glissa lentement sans qu'il s'en rend compte et il fit la moitié du chemin qui les séparait avec une légèreté impressionnante comme pour être discret. Pourquoi elle lui semblait si loin ? Elle n'était plus qu'à un demi-mètre. C'était encore trop loin. Ses bras auraient été la proximité idéale. Malheureusement, il sentait en elle une barrière qu'il aurait voulu rompre. Serait-elle capable de la briser pour lui ? Il n'avait pas la réponse.

« Tu étudies à l'université de Dartmouth ? » demanda t-il avec appréhension.

Jacob avait appris que certains étudiants et professeurs n'étaient pas humains. Il n'appréciait déjà pas qu'Isabella y soit sans qu'il puisse la protéger. Il avait à présent deux raisons de faire plus attention. Sa meilleure amie avait, sous son aile, un vampire comme mari pour veiller sur elle. L'envie écoeurante de demander à ce même homme de protéger son imprégnation lui traversa l'esprit, mais était-ce raisonnable ? En même temps, il fallait bien l'avouer, c'était un vampire de confiance. En revanche, on n'était jamais mieux servi que par soi-même. Il était dans son devoir de ne pas l'effrayer sur cette université. Ca n'allait pas être en sa faveur. Mais le désir reprit le dessus sur la peur et de nouveau il n'avait qu'une pensée en tête qu'il chassait et rechassait encore et encore. Pas aujourd'hui. Il devait d'abord avertir Bella, il en avait besoin. Alors, pourquoi il n'arrivait pas à se concentrer sur autre chose. Il fallait qu'elle l'aide un peu ou qu'il fuit simplement. Cependant, il ne pouvait la laisser seul, il ne le voulait pas non plus.

La future anthropologue qui sommeillait en Silver ne pouvait se retenir d'étudier sans cesse les comportements humains. Ainsi, il était normal que deux personnes venant de se rencontrer échangent au moins leurs prénoms. Et lorsque le courant semblait bien passer, elles pouvaient aussi parler de leur occupation professionnelle, de leur lieu de vie ou encore de leur statut social. Tout ceci s'inscrivait dans l'action que l'on nommait couramment « faire connaissance ». En ce moment précis, la brunette nageait en plein dedans. Avec une différence notable toutefois, qui rendait la chose plutôt étrange : tout en ne sachant rien sur la vie et la personnalité de ce Jacob Black, elle avait par moments la sensation de le connaître. Comme lorsqu'elle croisait son regard.

Etait-ce ce que l'on appelait « tomber amoureux », dans le sens « avoir un coup de foudre » ? Silver avait déjà vraiment aimé quelqu'un : son ex petit-ami Aaron. Celui qu'elle avait finalement quitté suite au décès de Jackson. Si aujourd'hui il lui manquait parfois, elle n'avait aucune intention de retourner avec lui, pour plusieurs raisons qui ne regardaient qu'elle. Lorsqu'ils s'étaient rencontrés, Silver avait ressenti quelque chose de spécial pour Aaron, et une poignée de semaines plus tard, ils sortaient ensemble. Il la rendait vraiment heureuse, et il y a peu, elle n'aurait jamais imaginé avoir des sentiments beaucoup plus forts pour un autre. Pourtant, c'est exactement ce qui était en train de lui arriver. A côté de ceux que Jacob lui inspiraient, ceux qu'elle avait eu pour Aaron faisaient pâle figure. On aurait presque dit que la brunette venait de rencontrer rien de moins que son âme soeur. Si une telle chose pouvait exister...

Quand on y réfléchissait - et Silver avait le gros défaut de se reposer sur son cerveau plus que sur son coeur - cela faisait beaucoup d'événements bizarres en l'espace de deux minutes. Jacob se baladait comme si de rien n'était en simple short, alors qu'il devait faire autour de moins dix dehors. Tout son corps devrait geler sur place - façon de parler - à commencer par ses pieds complètement nus qui étaient en contact permanent avec la neige froide. Mais Silver venait de constater qu'il avait chaud : en serrant sa main pourtant munie de gants, elle avait pu le sentir ! Et puis voilà que maintenant, la présence de ce qui était encore un inconnu à ses yeux lui inspirait des choses qu'elle ne comprenait pas. La jeune étudiante ne se reconnaissait même plus : jamais encore elle ne s'était comportée de cette manière. Pour la toute première fois de son existence, sa raison céda la place à son coeur...

... Et de fait, elle finit par sortir ses pensées de son esprit, pour n'y laisser que son envie de ne plus jamais quitter Jacob Black. Elle ne se doutait pas que quelques temps plus tard, tout ceci remonterait à la surface, et que ce même homme à la peau bronzée apporterait des réponses à ses questions. Pour l'heure et jusqu'à ce moment bien précis, elle se contenterait... d'oublier.
Avec un rictus charmeur qui la fit fondre, Jacob indiqua qu'il était enchanté. Silver hocha la tête avec le même genre de sourire, puis lui indiqua qu'elle venait de Providence avant de demander où se trouvait Forks. Apparemment, ce n'était pas la porte à côté. L'autre bout du pays ? La Californie ? L'Etat de Washington ? Elle n'aurait su dire, néanmoins elle nota ce lieu dans un coin de sa tête, avec la ferme intention de le taper dans Google Maps dès son retour à la maison. Silver ne s'expliquait toujours pas pourquoi, mais en apprendre le plus possible sur la vie de Jacob était devenu son objectif numéro un.

Tous ses espoirs s'envolèrent à l'instant où Jacob mentionna « une amie ». Pour cacher sa déception et ne pas le laisser entrevoir sa mine déçue, Sil dévia son regard vers le lac gelé. Si elle n'avait pas été aussi préoccupée par ce que pouvait réellement cacher ce lien soi-disant amical, elle aurait songé que cet endroit devait être sublime en plein été. En grande fan de la nature qu'elle était, il fallait vraiment qu'elle soit préoccupée pour ne pas le remarquer ! Jacob Black venait de prendre en otage toutes ses pensées et tout son esprit. Silver était une prisionnière singulière, car cette situation lui plaisait. Elle aimait avoir à ne penser qu'à lui. Mais était-ce réciproque ?
Probablement pas. Qui pouvait bien faire des milliers de kilomètres et s'installer dans une nouvelle ville pour une simple « amie » ? D'accord, Nate le faisait pour Silver, mais les choses étaient différentes. Elle avait perdu son frère aîné ! Ce serait une coïncidence un peu trop bizarre à son goût que Jacob se trouve à Hanover pour soutenir cette fameuse amie après le décès d'un proche. Et puis, quelque chose lui soufflait que ce n'était pas aussi simple.

Sil réalisa soudain que la mention de cette tierce personne lui faisait... mal. Pas la même douleur que celle qui lui arrachait la poitrine depuis des mois, et pas aussi forte. Mais une douleur tout de même bien présente. Elle était jalouse ! Incroyable. Comment pouvait-elle ressentir de la jalousie alors que Jacob et elle venaient de se rencontrer ? A peine s'était-elle posé cette question que celle-ci s'effaça immédiatement. Une nouvelle fois, son coeur venait de prendre le pas sur sa raison : peu importait le pourquoi, la seule chose importante était de découvrir si Jacob et cette jeune femme étaient... plus que de simples amis.
Avant que Silver n'ait eu le temps de réfléchir à la façon dont elle allait s'y prendre - pour que sa jalousie ne transparaisse en rien dans ses propos - Jacob reprit la parole. Alors, ses yeux - qui scrutaient le lac - se posèrent à nouveau sur son interlocuteur. Celui-ci se trouvait légèrement plus proche que quelques secondes auparavant, ce qui accéléra encore le rythme cardiaque de la brunette. Elle aurait aimé avoir oublié son manteau à son appartement, car cela aurait donné une raison à Jacob de la prendre dans ses bras parfaits...

« On devrait commencer à y aller, » dit-elle alors. « Si je traîne trop, Nate risque de s'inquiéter. »

A peine ces mots avait-ils franchi ses lèvres qu'elle s'en voulut de les avoir prononcés. En réalité, elle venait tout juste de prendre conscience de ce qu'elle venait de dire. Et soudain, ses pieds se mirent à bouger en direction de la forêt. Alors, Silver comprit : son coeur avait peut-être la suprématie sur ses pensées, mais sa raison avait le total contrôle de son corps. Si une part d'elle-même lui hurlait de ne pas bouger, une autre faisait de son mieux pour quitter Jacob le plus vite possible. Parce que depuis la mort de son frère, Sil refusait catégoriquement d'être heureuse à nouveau, même si cela ne devait durer qu'une mince seconde. Deux Silver Lehane différentes se battaient en elle. Et à vrai dire, elle n'avait aucune idée du vainqueur.

« Oui, je suis en troisième année d'anthropologie. » répondit-elle tout en esquivant une branche enneigée, alors que Jacob la suivait de près. « Dis-moi, l'endroit d'où tu viens... Forks... Est-ce que c'est une réserve aussi ? Tu as des origines indiennes ? Si c'est le cas, j'aimerais beaucoup en apprendre plus. Peut-être écouter quelques histoires que les grands-pères racontent à leurs petits-enfants au coin du feu... Ca fait partie de mes études, et mes études sont à mes yeux une véritable passion. »

Depuis des semaines, Silver se murait dans le silence ou se contentait de quelques mots. Sauf quand elle discutait avec Nathan. Ce petit discours était sans nul doute le plus long prononcé envers quelqu'un d'autre que son meilleur ami en trois mois. Elle commençait à redevenir la Silver d'avant : celle qui, quand elle était embarrassée ou troublée - par une chose ou une personne - pouvait bavasser pour ne rien dire. Ce qui, de son point de vue, l'aidait à faire face à la situation.
Toutefois elle n'avait pas menti : étudier les us et coutumes des différents peuples du monde entier ? Elle adorait ça ! La brunette se voyait déjà à faire le tour du monde pour passer du temps parmi chacun d'eux, à vivre comme eux... Il lui vint alors à l'esprit qu'elle aurait pu faire ça bien avant de rencontrer Jacob. Elle aurait du se rendre à la réserve Winnipesaukee dès sa première année, et demander à en savoir davantage sur les gens qui y habitaient. Et aujourd'hui, elle était bien incapable de dire pourquoi elle n'y avait pas pensé plus tôt. Le Destin avait-il voulu que ce soit Jacob qui lui serve de guide ?
Quoi qu'il en soit, sa demande avait un but caché. Certes elle voulait qu'il lui raconte certaines légendes, en accord avec ses études, mais c'était aussi et surtout une sorte d'excuse pour le revoir. Elle n'avait pas envie de le quitter tout à l'heure, quand ils seraient arrivés à la voiture, sans avoir la certitude qu'ils se recroiseraient dans peu de temps. Ainsi, Silver espéra sincèrement qu'il accepterait sa proposition... Du moins, dans le cas où du sang indien coulait effectivement dans ses veines - ce dont elle doutait peu.

Au son de sa voix, ceux de la nature, si paisible, n'avait jamais paru aussi gênant. Il aurait aimé entendre le son de sa voix sans rien autour pour l'apprécier un maximum. Mais elle ne tarda pas à nommer un prénom masculin qui l'attendait probablement chez elle, selon ses dires. Un nom de jeune homme. Et un sentiment de jalousie l'envahis sans qu'il puisse le retenir. La mâchoire serrée faisait ressortir ses jointures sur sa joue lisse. Il se retint cependant en pensant que le plus malheureux serait ce Nate qui vivrait prochainement une rupture. C'était égoïste, mais véridique. L'imprégnation était bien trop forte pour qu'elle puisse se résoudre à continuer sa vie comme si de rien était.

Il l'avait souhaité, elle l'avait aidé. En proposant de commencer leur chemin, elle avait mis fin à cette proximité qui dérangeait tant Jacob. Pourtant, en se séparant de lui, elle lui avait infligé une sensation de mal-être qui s'était installé dans ses poumons, un souffle plus court et plus complexe à contrôler. Il la regarda se détacher, prête à se noyer dans la forêt dense. Se frottant la nuque, Jacob se demanda comment il allait vivre l'absence de la jeune femme, que cela dure une semaine ou cinq minutes. Il avait la terrible sensation qu'ils ne formaient plus qu'un. Alors que les rondes avaient été un plaisir bien trop court, elles allaient maintenant paraitre une éternité. Il allait certainement compter les secondes en attendant de la revoir. Il serait certainement une plaie pour les autres loups-garous qui entendront ses pensées niaises et amoureuses. Il se fera charrier, entendra des « je te l'avais bien dit », et tout ce qui s'en suit. Mais le pire de tout était qu'il s'en foutait. Il nageait dans le bonheur. Rien ne pourrait obscurcir son humeur tant qu'elle était là. C'était elle, et rien ne pouvait changer cela.

Pendant un court instant, il se demandait ce qu'elle pouvait ressentir à cet instant précis. Il avait pu voir sa sœur changer ses sentiments pour Paul ou encore Quil s'imprégner d'une enfant si jeune. Chacun avait changé son comportement du tout au tout. L'amour s'était lu dans leurs yeux étincelants et chacun paraissait plus heureux lorsqu'ils étaient rassemblés, presque inséparable. Mais comprendre ce fait pour une enfant n'était pas dans ses capacités. Pour sa sœur, c'était différent. Elle n'avait jamais été trop loin des légendes qui l'entouraient. Elle y était imprégné depuis son enfance par les histoires aux coins du feu. Elle ne nageait pas dans l'inconnu total. Mais pour Silver, quel était le ressentiment, les émotions. Tout devait être chamboulé dans son esprit. Elle devait ne plus avoir perdue toutes les notions qu'on avait pu lui inculquer sur l'amour. Un inconnu l'abordait et soudainement, le monde disparait pour lui céder une bonne partie de son cœur. Comment cela pouvait-être possible ? Comment pouvait-elle prendre les choses ?

Ayant avancé de quelques mètres, Jacob prit le soin de la rattraper en trottinant avec élégance, faisant rouler presque tous les muscles de son corps. Marchant à ses côtés, Jacob bu ses paroles avec une soif de connaissance insatiable. Mais on parlait un peu trop de lui à son goût. Il sentait d'ailleurs que le trajet serait, sans doute, une bataille des questions sur l'un et l'autre, tentant à chaque fois d'en savoir un maximum. C'était en revanche un peu trop tôt pour parler des célèbres légendes qui avaient bercées son enfance. Des légendes qui s'étaient avérées réelles. L'épaisseur de la neige était moins dense sous les arbres de la forêt et Jacob se sentit un peu plus à l'aise pour marcher. A force de se balader à pied nu, la peau sous ses pieds s'étaient habitués et endurcis afin d'éviter les douleurs désagréables dû aux branches ou aux pierres que l'on pouvait trouver sur le sol. Afin de contourner le sujet, il lui annonça :

« Je suis bien un Amérindien. Je connais effectivement des légendes. Mais je te réserverais ça pour plus tard. Je dois te faire signer une charte t'interdisant d'en parler et tout, c'est tout un système mise en place par les anciens. Ils étaient très prévoyants. » Plaisanta t-il.

Le jeune loup remarqua alors sur un arbre un objet personnel. Il en avait semé quelques uns dans le vaste bois, en cas d'urgence. Il était fréquent que ceux la disparaissent, mais par chance, ce tee-shirt n'avait pas été au goût des randonneurs ou n'en avait simplement pas rencontré. Il se détacha avec un peu de mal de la jeune femme et prit son haut blanc pour l'enfiler, paraissant plus civilisé de ce fait. Il devait cependant se contenter de cela, n'ayant pas de chaussure sous la main. Le tissu frais ne tarda pas à prendre la température de son corps. Revenant vers son imprégnation, il reprit sa sensation très agréable et n'attendit pas qu'elle lui pose des questions au sujet de cet effet personnel.

Ses études comptaient beaucoup pour elle, c'était une information intéressante. Peu de personne était ainsi, à penser aux études, à en parler avec tant de passion. Cela révélait sa personnalité en un sens. Elle était mature, curieuse et était probablement coupé du monde. Son déménagement en témoignait. Quitter son monde pour l'inconnu n'était pas le signe d'une personne ayant beaucoup à perdre, ou alors, ce drame, qui envahit de nouveau l'esprit de Jacob. Elle dut en subir un assez fort pour vouloir un nouveau départ. Mais il s'empêcha très vite d'y penser afin de ne pas paraitre trop froid fasse à la mélancolie qu'il partageait.

« Je te promets de tout te raconter si tu me donnes plus d'information sur toi. Silver...ca à une signification particulière, mais d'où vient-elle ? Tu es fille d'Artisan de l'orfèvrerie spécialisée dans l'argent ? » Proposa-t-il tout en sachant que la réponse était certainement plus simple.

Il vérifia dans la poche de son jean si un objet personnel ne s'était pas perdu durant sa course. Dans un petit sac en tissu, cet objet avait été destiné à une personne. Il devait symboliser l'amour de sa part et l'amitié de la part de Bella dans cette nouvelle ville, un nouveau départ. Il n'avait pas pu lui offrir, car il avait été abimé durant le trajet, par sa faute. Dans ses projets, il aurait dû le donner à rafistoler à Sora. Elle était la meilleure dans ce domaine et seul le temps lui avait empêché de lui rendre visite. Elle aurait pourtant été ravie de l'aider, il le savait. Même si elle l'aurait charrié sur il ne savait quel sujet. Mais à présent, cet objet ne signifiait plus rien. Du moins, il ne voyait plus Bella de la même façon et il lui serait impossible de lui proposer ce même objet alors qu'il fut acheté avec une certaine histoire, une certaine relation. Une relation qu'il découvrait encore plus forte avec Silver. Il était certain que cet objet lui était bien plus destiné qu'à sa meilleure amie.

Attendant sa réponse, il savait déjà ce qu'il allait lui proposer quoi qu'il arrive. Marchant avec confiance, il connaissait ce qu'il n'avait jamais connu. Un amour réciproque sans autre personne là pour remporter le cœur de l'être aimé. Il savait que quoi qu'il lui offre, elle accepterait, même son cœur. Les vampires, les loups-garous, Isabella Cullen, tout était si loin à présent. Il n'avait même plus envie d'en entendre parler. Seul elle comptait. Rien d'autre. Elle et lui, seul dans un monde à eux, sans rien pour les déranger.

Les promenades dans la forêt avaient une grande importance aux yeux de Silver. Une occasion de se détendre et de se ressourcer tout en profitant de la nature... Car celle-ci avait beaucoup de choses à offrir aux humains. Il fallait simplement savoir écouter et regarder. N'était-ce pas un magnifique spectacle que d'entendre le chant des oiseaux, ou de voir une biche et son petit se désaltérer ? La plupart des gens n'avaient aucune idée de tout cela. Ils vivaient dans leurs appartements, nichés aux derniers étages de hauts buildings. Entourés de béton et d'asphalte. De toute la population mondiale, les américains avaient le monopole pour cela : ils n'aimaient pas marcher. S'ils avaient besoin d'une brique de lait, ils prenaient la voiture et ce, même si leur épicier se trouvait à deux pâtés de maison. Silver n'avait jamais compris ce genre de comportement. Elle n'était pas une fille de la ville, bien qu'il lui ait fallu le devenir lors de son emménagement à Providence. Heureusement pour son amour de la nature, Hanover laissait plus de place aux arbres que la capitale du Rhode Island.

La brunette était en train de se reconnecter avec tout cela. Ses études et les sorties entre amis lui avaient pris du temps, ce qui justifiait qu'elle ne se soit pas aventurée sur la Réserve plus tôt. Aujourd'hui, et bien que le temps ne soit pas des plus cléments, elle était plus que ravie d'avoir sauté ce pas. Avant de se rendre compte qu'elle était perdue, Silver avait adoré sa balade en solitaire. En partant, elle avait hésité à prendre son iPod : la jeune femme adorait la musique et ne pouvait plus s'en passer. Seulement sa fascination pour les coins naturels avaient pris le dessus sur son lecteur MP3, et elle s'était ravisée. Quoi de plus agréable, quand on marchait en plein milieu des bois, de laisser tous nos sens en éveil ? Ainsi, l'on appéciait encore plus les choses. Pour Sil, ces instants frisaient le Paradis et elle en gardait toujours des souvenirs extraordinaires.

Elle n'aurait jamais songé qu'ils puissent devenir encore plus géniaux. Pourtant, en cet instant précis, c'était bel et bien le cas. Et Silver ne voyait qu'une seule cause à cela : la présence de Jacob. C'était étrange. Elle avait toujours préféré faire ses balades seule. Même son frère, avec qui elle partageait tout et qu'elle aimait plus que tout au monde, ne l'accompagnait jamais. En réalité l'étudiante considérait cela comme son jardin secret, ses minutes privilégiées qu'il lui était impossible de partager. Mais pour la première fois de son existence, Silver était heureuse du contraire. Jacob se trouvait avec elle et au lieu de se sentir ennuyée ou agacée, cette situation la rendait... heureuse. Elle se voyait déjà recommencer dans une poignée de semaines, quand ils se connaîtraient mieux et seraient un peu plus à l'aise. Sil laissait un inconnu envahir son espace personnel sans aucun regret. Certes il lui plaisait déjà beaucoup et ne la laissait pas indifférente, mais pour qu'une telle chose arrive, il fallait que ce soit beaucoup plus fort. En fait, sans savoir comment ni pourquoi, Silver était en train de tomber amoureuse de lui.

Au moment où cette pensée traversa son esprit, le dénommé Jacob la rejoignit pour se mettre à sa hauteur. Elle se rendit alors compte de l'absurdité de leur marche jusque-là - bien qu'ils viennent de quitter la plage. La brunette était complètement perdue dans ces bois et c'était elle qui se trouvait devant ! Elle n'avait pas songé à cela en proposant de partir, étant préoccupée par la proximité bien trop grande de Jacob, et le trouble qu'il faisait naître en elle. L'avait-il également réalisé ? En tout cas il ne dit rien à ce sujet et se contenta de la rattraper, tout en répondant à sa question. Comme Silver l'avait prévu, Jacob avait effectivement des origines indiennes. Lorsqu'il avoua qu'il connaissait des légendes, les yeux de la jeune femme s'éclairèrent. Une fausse moue apparut vite sur son visage en apprenant que ce ne serait pas pour aujourd'hui... Toutefois elle fut sensible à son humour et esquissa par la suite un sourire amusé.

« La signature de la charte ne sera pas un problème pour moi, je ferais n'importe quoi pour entendre ces légendes. Même s'il faut se servir d'une plume préalablement trempée dans mon sang. Ou passer un test en respirant je ne sais quelle fumée et survivre aux hallucinations qui en découleront, » dit-elle d'un air feignant le courage.

Bien évidemment, Silver plaisantait. Encore l'une de ces nombreuses choses qui ne lui étaient pas arrivées depuis si longtemps. Quelle force pouvait bien exercer ce Jacob pour qu'elle puisse en arriver là ? En tout cas, c'était agréable de pouvoir enfin sortir de sa coquille. Certes elle n'était pas encore prête à être réellement emplie de bonheur, toutefois dans le fond, elle savait que Jackson ne voudrait pas la voir s'en priver. Sil devrait faire des efforts pour se sentir vraiment bien dans sa vie à nouveau. Et elle avait l'impression que Jacob serait là pour l'y aider, tout comme Nathan se montrait présent depuis son arrivée à Hanover. Elle pouvait presque sentir - inexplicablement - qu'il prendrait bientôt une place importante dans son coeur comme dans son existence. Ca aussi, ça lui plaisait et la poussait à aller de l'avant.

Une branche craqua sous ses pieds et elle y jeta un coup d'oeil rapide. La neige recouvrait tout, par conséquent elle devait faire attention. Si elle mettait les pieds au mauvais endroit, elle risquait de se retrouver étalée par terre en moins de deux secondes. Le manteau blanc pouvait dissimuler beaucoup de choses, et surtout des racines sur lesquelles il serait facile de trébucher. Sil n'était pas du genre à se prendre toutes les gamelles possibles, mais le fait que Jacob soit là compliquait les choses. La brunette était plus concentrée sur son regard envoûtant et ses muscles développés que sur ce qui l'entourait... Et elle n'avait pas envie de se ridiculiser ! Lorsqu'elle fut sûre que rien ne bloquait le passage droit devant, elle détourna les yeux pour les poser sur le jeune indien. Le voyant désormais muni d'un t-shirt - sorti de nulle part - elle leva un sourcil et le regarda avec une expression amusée. Encore un truc bizarre auquel elle ne souhaitait aucune explication pour le moment.

Ce qu'elle voulait ? Apprendre à mieux connaître Jacob. Aujourd'hui, cela semblait être à son tour de se dévoiler un peu, comme le montrait la question que son interlocuteur venait de poser, par rapport à son prénom. Mais elle n'était pas dérangée par cela : elle savait que quand ils se reverraient, ce serait à lui de s'ouvrir. Il lui avait promis de lui raconter ce qu'elle voulait savoir s'il répondait à sa question... Quoi qu'il en soit, Silver avait désormais la certitude qu'ils se retrouveraient rapidement. Elle était sûre d'une chose : à la seconde où ils se sépareraient, il lui manquerait et elle ne cesserait de penser à leur prochain rendez-vous. Serait-ce une seconde balade dans les bois ? Une visite de la réserve ? Un café dans un commerce de Hanover ? Peu importe, tout lui irait, tant qu'il était là.

« Non, » rit-elle. « Mais ça n'a effectivement pas été choisi par hasard. Ma mère est créatrice de bijoux, bien que dernièrement, elle se soit aussi spécialisée dans la vente. Et ce qu'elle aime le plus est travailler l'argent qui, à ses yeux, a beaucoup plus de charme que l'or. D'où mon prénom. »

Roxanne avait toujours souhaité travailler dans cette branche. Elle vouait un véritable culte à ces accessoires que l'on appelait bijoux, au même titre que Sil avec sa musique et sa guitare. L'étudiante ne pouvait que ressentir une grande fierté concernant sa mère. Elle avait travaillé dur, tout en élevant seule deux enfants. C'était une femme admirable et respectable. Et en plus, elle avait réussi à percer au niveau professionnel ! C'était pour cette raison que même si Silver adorait Edgecombe, elle n'avait pas pu en vouloir à sa génitrice du déménagement à Providence. Pour elle, il s'agissait d'un accomplissement, d'une consécraction. Roxanne avait toujours tout donné à son fils et sa fille. Ainsi, Jax et Sil avaient quitté la ville qu'ils chérissaient pour le bonheur de leur mère. C'était le moindre des remerciements. Et aujourd'hui, le talent de Roxanne Lehane était enfin reconnu à sa juste valeur.

« A ton tour maintenant, » lâcha-t-elle, curieuse, tout en se penchant pour éviter une branche basse. « Ca fait longtemps que tu es installé ici, près de Hanover ? Ca doit beaucoup te changer, si tu viens de l'autre côté du pays. Le Rhode Island n'est pas si loin d'ici, mais pour toi... ça fait plusieurs milliers de kilomètres. Tu dois vraiment apprécier cette amie pour avoir quitté Forks afin d'être à ses côtés. »

Evidemment, rien dans sa voix ne laissait transparaître la jalousie qui grandissait en elle. Du moins, c'était ce que Silver espérait. Mais on lui avait déjà dit à de nombreuses reprises que son regard trahissait ses émotions, même quand elle essayait de les cacher. Afin de se couvrir un maximum, Sil fit mine d'être intéressée par un peu de neige tombée sur son manteau, qu'elle entreprit de balayer. Décidément, la jeune femme ne pouvait pas faire confiance à ses impulsions. Elle s'était pourtant juré de ne rien demander à propos de cette inconnue dont avait parlé Jacob. Il fallait croire que ses sentiments pour lui avaient plus d'importance que le fait d'éveiller ses soupçons...

Pendant des années, les sentiments amoureux n'avaient été qu'une douce illusion pour Jacob. Son coeur s'était mis à battre la chamade pour Isabella Swan, quelques années plutôt. Depuis cet instant, il avait cru qu'elle serait la seule à avoir une telle place dans son coeur. Rien ne pouvait être meilleure que sa présence, sa maladresse, son aptitude à se mettre en danger, à chercher ce dernier. C'était la femme parfaite. Une femme que l'on désirait protéger, rester à ses côtés et lui sourire éternellement, sans se lasser, ni se préoccupait des autres. A cette période, il n'existait rien de plus fort pour Jacob. Rien sauf l'imprégnation. Cependant, il n'y avait jamais cru. Pas dans le sens où il pensait qu'il s'agissait de sornette, son entourage en avait été que trop affecté. Non, il ne croyait pas qu'il rencontrerait sa propre imprégnation. Certains loups ne les rencontraient jamais, ignorant tout de son pouvoir. Lui, pensait qu'il finirait ainsi, ayant pour seul amour, celle qui lui échappa, Bella.

Mais alors que serait-il arrivé s'il ne l'avait pas suivi ? Serait-il passé à côté de cela, juste parce qu'il serait resté a Hanover ? Le destin les auraient-ils rapprochés un peu plus tard ? Un peu plus tard n'aurait-il pas été un peu trop tard ?
Grâce à son secret - l'animal qui résidait en lui - Jacob avait les traits plus mure qu'un garçon de son âge. Grand d'un peu plus de deux mètres, il ne ressemblait en rien à un gamin de quinze ans. Il ne faisait pas non plus les seize ans qu'il avait déjà vécu. Grace à sa transformation, à sa musculature, sa virilité, son aisance, le mi-humain mi-loup avait l'apparence d'un jeune homme de vingt ans environ. Un détail assez important puisque la jeune femme qui lui était destinée devait déjà entamer sa deuxième décennie. Mais qu'adviendrait-il lorsqu'il lui avouerait son âge réel ? Comment allait-il gérer son âge physique ? Cela signifiait-il qu'il allait devoir laisser son loup dormir afin que le temps le rattrape ? Toute une panoplie de question dont il n'avait ni les réponses, ni l'envie d'y répondre aux côtés de sa douce.

La réponse de son interlocutrice lui arracha un rire retentissant dans la vaste forêt. L'humour faisait partie de ses qualités. C'était pour lui un trait non négligeable. Bella l'était, pas toujours volontairement, mais elle l'était. C'était probablement l'une des causes de son attachement envers elle. Il l'aimait pour ca... Il l'avait aimé pour ça. Tous s'éclaircissaient autour de lui. En réalité, son coeur n'avait jamais battu la chamade pour Bella, il en avait simplement eu l'illusion. Il avait cru connaitre les sensations que provoquaient l'amour. Vouloir protéger l'être aimer, être le plus souvent à ses côtés, éprouver l'envie de l'enlacer... C'était bel et bien sa relation avec Bella, mais il manquait un quelque chose. Quelque chose qu'il retrouvait aujourd'hui. En fait, ce n'était pas tant le manque qui posait problème, c'était la puissance de ses désirs. Mais le pouvoir de l'imprégnation était aussi de penser comme sa moitié et de savoir quoi faire, quand le faire. Aujourd'hui, seuls les mots devaient être utilisés :

« Si tu crois que ça se passe ainsi, tu vas être terriblement déçue. » avait-il lancé avant de rejoindre son tee-shirt et l'enfiler.

Il avait repris sa marche et dirigeait un peu le trajet avec douceur, sans avoir besoin de prononcer les directions à prendre. Reprenant la parole pour lui demander la signification de son prénom, il l'écouta lui répondre, caressant l'objet en argent encore dans sa poche. Ainsi, il n'était pas totalement dans le faux. Le Prénom de Silver prenait alors une nouvelle saveur, ainsi que l'objet dont il n'arrivait pas à se séparer. Mais à peine avait-il le temps de sortir de ses songes qu'elle rebondit. La question lui arracha un sourire. Le thème était assez drôle lorsqu'on savait ce que pouvait ressentir la personne l'abordant. La jalousie....Lui le ressentait envers ce Nate. Même s'il ressortirait vainqueur, ce dernier avait profité un peu trop longtemps de sa moitié. Jacob se découvrait un trait ; Celui de l'égoïsme. Bien sûr, la jeune femme ne ferait pas comme Bella, partager l'amour de deux hommes pour choisir... le mauvais. Mais même qui avait été fait auparavant, avec son imprégnation, devait lui appartenir. Être possessif aurait pu être un aspect gênant de leur relation, mais Jacob ne pouvait l'être de manière excessive puisque qu'il savait que Silver ne ferait rien allant à l'encontre de leur amour.

« Ca n'est pas si différent. La réserve dont je suis originaire a les mêmes principes qu'ici. Quand aux paysages... » Dit-il en regardant autour de lui avant de reprendre son attention sur le visage de la jeune femme. « Je ne suis pas dépaysé. »

Il n'avait pas répondu entièrement à la question. Il s'apprêtait à le faire, mais devait choisir les bons mots. Son souhait était de la rendre heureuse. La rassurer quant à sa relation avec Bella était primordial, mais il ne devait pas lui cacher la vérité pour autant. Il devait tout lui dire avant que cela n'aille à ses oreilles par Dieu sait qui. Continuant de marcher droit devant, il entama alors ses explications :

« J'apprécie Bella bien plus qu'elle ne m'apprécie. Pour être honnête, ce qui explique un tel voyage, c'est l'amour que j'éprouvais pour elle. Mais c'est du passé puisque... »

Il s'interrompit un court instant, en se mordant la lèvre intérieure comme pour empêcher certains mots de sortir. Des mots comme : J'ai trouvé mon imprégnation. Il était inutile d'en parler tant qu'il n'était pas prêt à lui raconter l'intégralité de son histoire. Alors, il se rattrapa sans que ce soit vraiment perceptible.

« ...elle est mariée. Mais elle est toujours mon amie et je me dois de la protéger. C'est en partie pour cela que je suis là. Je n'éprouve plus ces mêmes sentiments à son égard, mais autre chose me retient vraiment à présent. »

Son discours était maladroit en certains points. Envers une autre personne, il aurait certainement fait plus attention. Le devoir de protéger ? Pour quelle raison ? C'était presque absurde. Et qu'est ce qui le retenait de repartir à présent ? Des mots étranges lorsque l'histoire n'était pas révélée en son intégralité. Mais qu'y pouvait-il ? Ce n'était pas le bon moment.

« D'ailleurs. C'est...presque gênant. » Dit-il une grimace sur le visage et une main frottant sa nuque, preuve d'un certain mal à aise.

Jacob s'arrêta alors de marcher, invitant Silver à faire de même. Il sortit le mini sac en peau brun qu'il avait dans la poche. Il eut un soupir mélangeant excitation et frustration et il versa le contenu dans sa paume. C'était un bracelet en argent, dégageant tout l'esprit indien. De légers ornements, en pierre taillé, avaient été ajoutés. Jacob secoua alors le petit sac et un morceau de bois, plus gros que les pierres, tomba. Plaçant le bracelet entre ses doigts, il montra ce fameux morceau unique, un loup taillé à la main. Il avait autrefois été attaché au bracelet.

« Il s'agit d'un bracelet venant de là où j'habite. Il devait symboliser un nouveau départ, mais la personne à qui je devais le donner n'en a plus besoin. Ce morceau de bois a été taillé par mes soins. Je devais le faire réparer à la boutique de la réserve, mais je vais faire mieux que ça. » Expliqua-t-il avant de lui tendre le bracelet et le loup en bois. « Je te l'offre. Prend ça comme un cadeau de bienvenu. Mais à une condition. Tu devras aller à la réserve de Winnipesaukee et te rendre à l'épicerie. Tu demanderas Sora Kimama. Elle te le réparera. Surtout, dis lui bien que c'est de la part de Jacob et si elle te demande quelconque monnaie, dis-lui qu'elle aura à faire à moi » termina t'il avec un rire sincère.

Seul lui savait pourquoi il lui avait dit cela. Mais rien que de penser à la tête de Sora le faisait rire. Les deux jeunes gens se taquinaient en permanence. Bien sûr, il la paierait lorsqu'il la verrait, mais c'était tellement plus drôle de l'embêter ainsi. De son rire, il ne resta plus qu'un doux sourire adressé à Silver. Il espérait qu'elle accepterait sans rien lui demander sur sa signification. Si tel était le cas, il lui dirait que le temps pour les explications ne tarderait pas. Il conclut alors par un simple : « Et puis, ça nous donnera l'occasion de nous revoir. »

Certaines personnes avaient le don de pouvoir dissimuler ce qu'ils voulaient sans que rien ne se devine. Ils mentaient avec facilité et l'expression de leur visage ou le son de leur voix n'entrait jamais en contradiction avec leurs paroles. Bien souvent, ces gens se révélaient manipulateurs avec le temps, car ceux qui se découvrent un tel pouvoir apprennent comment en profiter, et de quelle façon en tirer le meilleur. Silver aurait aimé être à leur place en cet instant bien précis. Pas pour faire des coups-bas - ce n'était tout simplement pas dans sa nature - mais parce que Jacob ne devait en aucun cas deviner sa jalousie. Seulement elle était certaine que si elle levait les yeux vers lui, il le saurait instantanément. La brunette faisait partie de ces gens qui ne savaient pas mentir, ou cacher quoi que ce soit. De toute façon, elle ne cautionnait pas les mensonges et avait toujours été une jeune femme franche, tellement directe que ses proches la trouvaient parfois sans aucun tact. En revanche, il lui aurait été bien utile de pouvoir effacer cette jalousie qui transparaîssait sur son visage et dans ses gestes. Jackson avait toujours dit qu'on lisait en elle comme dans un livre ouvert. Bien que Sil n'en soit pas particulièrement ravie, elle avait appris à composer avec cet inconvénient. Jusqu'à aujourd'hui.

Malheureusement pour l'étudiante, il n'y eut bientôt plus de neige à balayer sur son manteau noir. Elle voulut chasser les flocons de son écharpe mais remarqua avec dépit qu'elle en était déjà dépourvue. Etait-ce tout ? Rapidement, son cerveau tenta de trouver une nouvelle feinte qui l'empêcherait de devoir regarder Jacob... et n'en trouva aucune. Embarrassée, Sil remit fébrilement une mèche de ses cheveux bruns derrière son oreille glacée avant de plonger ses mains - et ses gants ! - dans ses poches. Puis, résignée, elle leva les yeux vers son interlocuteur. Ce denier lui expliquait que la réserve d'où il venait n'était en rien différente de celle près de Hanover. Silver hocha la tête en signe de compréhension, se doutant de cette réponse. Après tout, la brunette était en troisième année d'anthropologie et avait eu l'occasion d'étudier de plus près le peuple Amérindien. Grâce à ses cours sur le sujet, elle en savait plus que le banal : « Ils ont été appelés Indiens car Christophe Colomb a cru être arrivé en Inde après son voyage, sans se douter qu'il venait de découvrir un nouveau continent : notre présente Amérique. »

Les légendes étaient ce qu'il y avait de plus fascinant. Sil adorait écouter ses professeurs lui raconter les histoires sur la création de la terre, des astres ou encore des humains. Le mythe de l'oiseau Tonnerre restait encore gravé dans son esprit - elle l'avait d'ailleurs choisi pour sa toute première dissertation de l'année. Jacob le connaissait-il ? Probablement, toutefois elle ne lui poserait pas la question. Elle attendrait le moment où il choisirait de lui parler de toutes ces croyances qui lui venaient de ses ancêtres. Elle adorerait l'écouter la lui raconter, comme s'il était en train de lui apprendre quelque chose - cela enlèverait donc tout le charme du récit si la brunette lui annonçait l'avoir déjà entendue à la fac ! Même si ces légendes avaient toutes une racine commune, elles variaient selon les réserves. Sil espérait donc en entendre de nouvelles, et surtout, que Jacob organise cela autour d'un bon feu de camp. Histoire d'apporter encore plus d'authenticité !

La jeune femme sortit de ses pensées pour les Indiens et les reporta sur son compagnon du moment. Certes elle était contente d'apprendre que son emménagement ici ne le déstabilisait pas de trop par rapport à Forks. Toutefois ce n'était pas le sujet qu'elle aurait voulu qu'il aborde. Silver voulait plus que tout savoir pour quelle raison il avait suivi son amie, et quels sentiments il avait envers cette dernière. Peut-être finit-il par sentir la curiosité de Silver, car il reprit en répondant, cette fois, à ses interrogations intérieures. Bella était son nom, et... il était amoureux d'elle. Jacob s'interrompit une poignée de secondes, qui parut une éternité. Pourquoi ? Pourquoi cet amour était-il du passé ? Elle aurait voulu qu'il complète par « puisque je suis sous le charme de quelqu'un d'autre maintenant. » Oui, Silver était assez folle et assez bouleversée par ce garçon pour en arriver là... Toutefois il se contenta d'avouer que Bella s'était mariée.

Alors c'était tout ? Elle était mariée, et c'était pour cette unique raison qu'il ne l'aimait plus ? Impossible. Quand on avait de forts sentiments pour une personne, on ne pouvait pas les effacer simplement parce qu'elle en avait choisi un autre ! Sil, qui s'était reconcentrée sur le chemin à parcourir, détourna le regard et le posa sur Jacob. Et lui, pouvait-il être trahi par son expression ? Pouvait-on lire la vérité en lui, peu importe ce qu'il disait ? La jeune brune était très obsevatrice d'habitude, et le trouble de Jacob ne lui échappa pas. Il ne semblait pas spécialement perturbé, cependant elle pouvait noter une certaine gêne dans ses mots et sa façon de se comporter. Et que voulait-il dire par « autre chose me retient vraiment à présent » ? Il aurait prononcé cette phrase trois secondes plus tôt, Sil aurait été la plus heureuse du monde en imaginant que cela puisse être elle. Mais maintenant qu'elle savait pour ses sentiments envers la fameuse Bella, tout changeait. Elle était persuadée qu'il était toujours amoureux de cette fille et que, par conséquent, cet autre chose ne pouvait être Miss Lehane, sa nouvelle rencontre.

Et puis, t'es complètement à côté de la plaque ma parole ! Il vient de te rencontrer et tu voudrais déjà qu'il en soit à te dire de telles choses ? lui lança la petite voix à l'intérieur de sa tête.

La brunette se rendit soudain compte que Jacob n'était plus à ses côtés. Elle s'arrêta et se retourna : il se trouvait à quelques pas derrière elle et fouillait dans sa poche. Sil le rejoint rapidement, fronçant les sourcils en un signe de curiosité - ce dont elle était loin de manquer. Ses yeux se mirent à briller lorsqu'il sortit un petit sac de peau fermé par une ficelle - en somme, l'objet typiquement indien. Il l'ouvrit et laissa tomber un bracelet dans sa paume. En argent, avec de belles décorations. Un bijou tellement magnifique que Sil en resta presque bouche bée sur place. Puis, quelque chose d'autre sortit du petit sac : un morceau de bois représentant un loup, et il n'y avait aucun doute quant au fait qu'il avait été taillé à la main. Tout aussi superbe que le bracelet en lui-même, auquel il devait être attaché - comme la logique de Silver le lui indiquait.

Jacob lui expliqua alors qu'il venait de Forks, et que la personne à qui il souhaitait le donner n'en avait plus besoin. Il ajouta qu'il était le créateur du petit loup en bois - l'étudiante songea qu'il était vraiment doué. Apparemment, Jacob devait apporter ce bracelet à la boutique de la réserve pour le faire réparer. Elle n'en crut pas ses oreilles lorsqu'il lui tendit le tout comme un cadeau de bienvenue... à la seule condition qu'elle aille rencontrer une certaine Sora Kimama. Sa première réaction fut de rougir intensément. Elle avait toujours été embarrassée quand on lui offrait des présents, mais de la part de cette personne en particulier, c'était encore plus gênant. Après tout, elle ne connaissait pas Jacob Black, et sa raison se fit à nouveau entendre, la poussant à refuser, se disant qu'il attendait peut-être quelque chose en retour. Quant à son coeur... Et bien il était certain du contraire, et Silver avança sa main pour prendre le bracelet ainsi que le loup.

« C'est superbe, je ne sais vraiment pas quoi dire, » murmura-t-elle presque. Jacob ajouta que ce serait une bonne occasion pour eux de se revoir, et rien que pour ça elle aurait fait n'importe quoi. « Merci beaucoup. C'est magnifique, à un tel point que les mots ne pourraient pas vraiment décrire ce que je pense de ce bijou ! Et je suis une experte en la matière, » dit-elle, faussement fière et plus amusée qu'autre chose. « J'ai passé toute ma vie au milieu des créations de ma mère, même si ça n'avait rien à voir avec l'authenticité de ce bracelet. Encore merci, Jacob. J'irais voir Sora à l'épicerie dès demain après les cours. »

Elle rangea précieusement son présent dans l'une des poches de sa veste, un sourire ravi étirant ses lèvres. Silver faisait partie de ces gens qui n'accordaient que peu d'importance à la valeur monétaire d'un cadeau. Pour elle, rien ne valait sa valeur symbolique : un geste d'amitié, prouvant que l'on comptait pour la personne qui nous le donnait... En tout cas, si on lui avait donné le choix entre ce même bracelet indien et son loup fait à la main, ou un bracelet en argent pur serti de diamants, elle n'aurait pas hésité une seule seconde avant de donner sa réponse. De fait pour la jeune femme, le geste de Jacob la touchait énormément. Comment le remercier ? Elle n'en avait aucune idée, mais elle espérait que la suite de leur conversation lui en apporterait une...

« Et toi, mis à part tailler de magnifiques loups en bois, qu'est-ce que tu fais de tes journées ? » demanda la brunette, sans se départir de son sourire.

Etrangement, ce geste de Jacob lui avait fait oublier sa jalousie précédente. Ou du moins, celle-ci avait disparu profondément dans son esprit et ne ressortirait que le moment venu - quand il lui parlerait à nouveau de Bella, ou quand elle la rencontrerait, qui sait ? Pour l'heure, Sil ne voulait simplement pas gâcher cette agréable balade et souhaitait juste faire connaissance avec l'Amérindien. Elle était d'autant plus soulagée d'avoir compris qu'il souhaitait la revoir autant qu'elle. Ainsi, ils pourraient se quitter près de la voiture sans que Silver n'en soit attristée. Certes elle avait l'impression qu'il lui manquerait - et ce serait le cas - mais savoir qu'ils auraient la possibilité de discuter à nouveau dans peu de temps suffirait à la faire patienter.

Depuis son arrivée à Hanover, Jacob avait parfois douté sur ses convictions et sa présence ici. Protéger Bella avait toujours été une priorité, mais avait-il vraiment trouvé sa place dans ce rôle ? Son mari était là pour veiller sur elle et la jeune mariée l'avait totalement oublié. Comment éprouver l'envie de veiller sur une personne qui n'a de cesse de vous mépriser par les sentiments qu'elle dissimule ? Jacob avait été amoureux d'elle et elle l'avait été en retour, mais elle avait préféré être avec l'ennemi. Le loup aurait pu ne pas lui pardonner cette décision et pourtant il n'avait jamais cessé de croire qu'il finirait ensemble. Même après ce mariage, il espérait qu'il y aurait un divorce. Comment préférer la froideur d'un corps, alors que la chaleur d'un autre pouvait résoudre tous ses problèmes ? La chaleur était tellement plus accueillante, Dans nos maux, elle nous soulage, elle nous apaise. Elle reflète la vie, alors pourquoi l'éviter, la fuir, l'ignorer ? Jacob ne pouvait pas le comprendre.

Avant que Silver débarque, seul Bella le retenait ici. Elle et l'espoir que tout change. Depuis peu, le sujet de la transformer prenait de l'ampleur. Contre cette idée, Jacob savait aussi que ce serait pour elle le seul moyen d'être protégée contre la menace qui les entourait. Cependant, il s'opposait catégoriquement à cette transformation. C'était comme la laisser partir, la laisser lui échapper. C'était inconcevable. Après celui, il aurait été sûr que plus rien ne l'aurait retenu ici. Peut-être aurait-il choisi une vie animal. C'était sans compter ce bouleversement.

Et à présent, il marchait dans la forêt, le sol était recouvert par une fine couche de neige, ou du moins, moins épaisse que sur les plaines. Pieds nus, il ne ressentait pas de froid agresser sa peau. Il ne pensait qu'à celle qui marchait à ses côtés et ne souhaitait que son bonheur. C'est de cette envie qu'il eut l'idée de lui offrir ce bracelet qui avait signifié tant, il y a une trentaine de minute, et qui, à présent, prenait une tout autre signification et peut-être plus intense encore. Dans son coeur, il était inimaginable de l'offrir à quelqu'un d'autre que cette jeune femme qu'il venait à peine de rencontrer. Il s'en voulait presque d'y avoir songé.

Le cadeau fut accepté avec une facilité dont il ne doutait pas. Peut-être était-ce ses arguments qui étaient convainquant. Peut-être que Silver ne disait jamais non à un présent. Mais le fait qu'ils soient imprégnés aidait beaucoup. L'engouement qu'elle lui partagea, lui provoqua un large sourire. Jacob n'avait pas l'habitude d'être excessivement gêné par les compliments. Ou plutôt, il le dissimulait facilement. Ainsi ses joues ne s'empourprèrent pas comme la jeune femme. Lui, gardait un visage généreux, mais sans émotion lier à quelconque flatterie dont il pourrait être sujet. Seules ses lèvres lui disaient merci. Il l'accompagna cependant de parole :

« De rien. Dans notre tribu, ce bracelet a pour pouvoir de repousser les cauchemars. » L’informa-t-il conscient qu’elle aimerait ce genre de détail. « Ca n’a pas était scientifiquement prouvé, mais ca a fait ses preuves.» Finit-il en donnant l’impression de se moquer de la science.

La science ? Bien sur Jacob savait que cela dominait le monde de toutes les croyances. Mais en tant que membre d'une tribu de loups-garous, il savait aussi que la science ne pouvait pas tout prouver. Pourquoi un homme pouvait vivre sans un coeur qui bat ? Alors que d'autres avaient un corps capable de se transformer sans laisser de trace sur leur capacité surnaturel. Une femme ayant été enceinte, n'a-t-elle pas du mal à retrouver ses formes d'antan ? Alors, pourquoi un homme devenant un loup retrouvait la même forme humaine avant sa transformation ? La science n'avait pas toutes les réponses. Les indiens n'avaient pas la prétention de tout savoir sur tout et c'était là la différence avec ces scientifiques. Jacob ne détestait pas la science, mais il se demanderait ce qu'elle ferait s'il montrait sa deuxième forme. Il deviendrait, sans doute, un cobaye non-consentant.

Lorsqu’elle lui posa la question sur ses activités habituelles, Jacob sourit au début de son intervention. Lorsque la demande fut prononcée entièrement, ce sourire se figea. C’était l’une des questions donc il avait du mal à répondre. Elle le serait tôt ou tard…mais aujourd’hui n’était pas le bon jour. Il ne pouvait pas lui dire qu’il était un loup-garou ayant pour mission de protéger les humains. Il ne pouvait pas non plus lui dire qu’il était un simple lycéen âgé de seulement seize ans. Ces détails pouvaient la faire fuir car elle semblait avoir trois ou quatre ans de plus que lui et certaines personnes y voyaient un obstacle. Bien sur, elle était liée à lui. S’il lui avouait tout, elle oublierait tous ces inconvénients, trop affectée par un manque. Mais Jacob voulait y aller doucement alors il lui répondit de manière à contourner le sujet :

« Alors je te donne un présent et se serait à moi de te donner plus d’information ? Ce n’est pas rentable. » La taquina-t-il, mais finit par lui répondre : « Je suis mes cours comme tous les garçons de mon âge et je me promène… » Il jeta un œil sur son propre corps puis : « à moitié nu dans les bois lors de mon temps libre. Je pense que ca résume assez bien mes journées »

Sans le comprendre, il avait eu un fort désir de lui en dire le plus possible dans la limite du raisonnable. C’était comme s’il ne voulait pas la décevoir. En échange, il comptait bien lui en demander plus. Reprenant la marche, il se permit de lui demander :

« Et sinon, Ca ne te fait rien de te séparer de ton ancienne vie ? De tes amis ? Enfin….tu as ton petit ami, c’est sans-doute plus facile a accepter. »

Alors que le mot « petit-ami » sortait de sa bouche sa mâchoire se serra. Un excès de jalousie avait remplis tout son être. Tous ses muscles avaient semblé se tendre une fraction de seconde. L’évocation de ce Nate le mettait dans tous ses états. Et pourtant, il savait ce qu’il se passerait. Mais encore une fois, savoir qu’elle ne lui avait pas entièrement appartenu l’affectait un peu. Sans doute une sensation renforcée depuis sa relation avec Bella. Sans oser la regarder droit dans les yeux lorsqu’elle appuierait ses propos, il regarda droit devant lui, cachant toute émotion.

La plupart des tribus situées partout dans le monde donnaient une grande importance aux objets. Pour les gens comme les Américains ou les Européens, un morceau de tissu et des bouts de bois n'étaient rien de plus que des choses sans vie et sans réelle importance. Mais aux yeux de ces peuples, ils étaient dotés de grands pouvoirs mystiques. Par exemple, certains d'entre eux pouvaient protéger ceux qui les portaient d'un danger, ou bien apporter la fécondité aux femmes. Des bijoux, des masques, des talismans spéciaux... Ils pouvaient se décliner sous toutes les formes. Tout le monde en avait, et le plus souvent ils étaient enterrés avec leur propriétaire lorsque celui-ci décédait. Contrairement à ce que tout un chacun pouvait penser, il ne s'agissait pas de balivernes et d'anciennes croyances totalement dépassées. Silver le savait pour avoir lu certaines histoires absolument incroyables que la science ne pouvait pas comprendre. Des genres de miracles, mais sans en être vraiment. En somme, des événements que l'on pouvait qualifier d'inexplicables, et qui pourtant, étaient réels.

Silver n'avait pas l'esprit terre-à-terre, au contraire ! Elle aimait se dire que la sorcellerie pouvait vraiment exister, après tout elle était bien placée pour être au courant de certains trucs étranges : lors de son temps libre - du moins, avant - elle adorait se rendre dans l'immense bibliothèque du campus et lire les bouquins d'anthropologie qui s'y trouvaient. Plus particulièrement ceux qui parlaient de ce sujet bien spécifique. Quelques étudiants la regardaient d'un air bizarre en se demandant quelle mouche pouvait bien avoir piqué cette fille, pour qu'elle s'impose des lectures chiantes qui ne faisaient même pas partie du cursus. Mais pour Sil, ça n'avait rien d'ennuyeux ; elle se délectait de chaque phrase, de chaque histoire. Pas étonnant que quand elle rendait un devoir, elle se retrouvait avec d'excellentes notes. Grâce à ses heures supplémentaires - si on pouvait appeler ça de cette façon - elle en savait beaucoup plus que les autres élèves de sa classe. Bien qu'elle ne soit pas véritablement la seule non plus à être carrément passionnée par ses études, cela allait de soi.

Ainsi, étant plutôt portée là-dessus, elle esquissa un sourire admiratif lorsque Jacob lui expliqua le rôle du bracelet : repousser les cauchemars. Evidemment, la science et les croyances étaient diamétralement opposés et la première se moquait souvent de la seconde. Mais Silver n'était pas comme ça. Elle n'était pas une scientifique, elle aimait croire - pourtant, elle était complètement athée, mais ça n'avait strictement rien à voir avec le reste. Ce bracelet la protégerait-il vraiment des mauvais rêves ? Pour le moment, elle se disait que pourquoi pas, et quoi qu'il en soit elle avait bien le temps de le découvrir. La brunette adorait ce bijou qui lui avait été offert et avait bien l'intention de ne plus le quitter dès qu'elle serait sortie de chez Sora Kimama. Il était magnifique mais surtout, il lui faisait penser au jeune homme qui le lui avait donné. Elle venait tout juste de le renconter et ne savait rien de lui, pourtant elle avait l'impression de ressentir une très forte connexion qui les liait... S'imaginait-elle des choses ? Ou bien le futur lui donnerait-il raison ?

Sil avait bien l'intention de repartir avec plus d'informations sur Jacob Black qu'elle n'en avait en ce moment bien précis. Mais lorsque ce fut son tour d'expliquer ce qu'il faisait de ses journées, il éluda la question. Elle eut un sourire face à sa remarque, qui se transforma carrément en rire quand il avoua que suivre des cours et se promener à moitié nu dans les bois résumait bien les choses. Il plaisantait sûrement - quoi qu'elle ne pouvait pas en être certaine - mais pour ce qui était des cours, Silver se demanda où il les prenait. Vu sa carrure et son physique en général, il devait certainement être à l'université, et Dartmouth était la seule du coin. Se pouvait-il qu'ils fréquentent le même établissement sans jamais s'être croisés ? C'était fort possible, quand on considérait la taille du campus. Deux étudiants pouvaient être à Dartmouth ensemble pendant cinq longues années sans se voir une seule fois...

La jeune femme lui aurait bien demandé confirmation concernant tout ça, mais il voulut en savoir plus sur elle à son tour. Se séparer de son ancienne vie et de ses amis... Et bien, étant donné qu'elle était en fac depuis deux ans, elle avait eu le temps de s'habituer à Hanover. Certes Providence lui manquait, et les amis de lycée qu'elle avait n'étaient plus là... Toutefois, cela ne les empêchait pas de se téléphoner régulièrement - du moins, ceux avec qui elle était toujours en contact. Lorsque Jake évoqua son petit-ami, Silver fronça les sourcils et mit quelques secondes à comprendre qu'il voulait certainement parler de Nathan - elle l'avait mentionné quelques minutes plus tôt. Secouant négativement la tête, Sil corrigea son interlocuteur.

« Nathan n'est pas mon petit-ami. Il s'agit de mon meilleur ami. Un peu comme... » Elle retint le mot frère, ce qui était toujours trop dur à prononcer devant des gens qui ne savaient rien de ce qui était arrivé à Jackson. Alors elle choisit une autre expression qui serait à peu près la même chose. « ... un ange gardien. Tu m'as dit être là pour aider une amie ? Et bien c'est pareil, Nate est là pour m'aider moi. S'il n'était pas arrivé pour me secouer un peu, je serais toujours enfermée dans ma chambre vingt-quatre heures sur vingt-quatre. » avoua-t-elle dans un sourire embarrassé.

Alors là, elle ne se reconnaissait plus du tout. Elle venait de rencontrer Jacob et sous-entendait déjà qu'elle avait besoin de soutien de la part de ses proches après quelque chose de terrible ? Jamais encore elle ne s'était comportée de cette façon. Sil n'aimait pas se plaindre, elle préférait rester seule et souffrir en silence. Elle n'aimait pas raconter sa vie, et n'avait pas envie qu'on la plaigne parce qu'elle avait récemment perdu son frère aîné. Qu'est-ce qui pouvait bien la pousser à en dire plus à ce jeune homme ? Pourquoi se livrait-elle aussi facilement ? Pourquoi ressentait-elle comme une irrépressible envie de tout lui raconter, pour n'avoir plus aucun secret pour lui ? Ca ne lui ressemblait pas, absolument pas. Tiraillée entre l'idée de garder le secret et celle de ne rien dissimuler, elle ne savait plus quoi penser. Et ne savait pas non plus quelle serait sa réponse si Jacob finissait par lui poser la question sur ce qui avait bien pu se passer pour qu'elle en arrive là. Elle devait absolument prendre les devants.

« Mais sinon, Providence me manque un peu, je dois bien l'avouer, » finit-elle par dire, repoussant une mèche de cheveux derrière son oreille. « L'ambiance ici est géniale, seulement j'ai pas mal de souvenirs là-bas. Mais il faut bien que je m'habitue aux déménagements ! Si je réussis à devenir anthropologue, je serais toujours en train de voyager, partout de le monde ! » expliqua-t-elle d'une vois enjouée. Mais cette idée de cours ne lui était pas sortie de la tête, et elle n'avait pas l'intention de lâcher l'affaire à ce sujet. « Alors, est-ce que j'ai épuisé mon quota de questions pour aujourd'hui ou il m'en reste encore quelques-unes ? »

L’amour était un sentiment étrange. C’était un mélange difficile à comprendre. L’imprégnation était encore plus vicieuse. Alors que Jacob voulait rester avec Silver une éternité, un autre lui voulait la voir partir afin d’éviter les questions dérangeantes. Mais la voir partir lui déchirerait le cœur jusqu’à la revoir. Comment pouvait-il faire un compromis entre tout cela ? C'est simple, il ne pouvait pas. Il devait souffrir encore et encore. Du moins, jusqu’à ce que la vérité éclate. Elle avait beau être lié à lui, il avait peur de lui dire qui il était. La meute serait là pour le rassurer. Mais pour le moment, les questions se bousculaient dans sa tête et personne ne pouvait y répondre. Ca n’allait pas durer.

Lorsque la jeune femme le quitterait aujourd’hui, Jacob reprendra sa ronde et là, le fait qu’il ait trouvé son imprégnation ne sera un secret pour personne chez nos amis les loups. Certains allaient le charrier, d’autres seraient heureux pour lui. Mais il aura toujours les bons conseils de ceux qui avaient déjà vécu cette expérience. Malheureusement, l’Alpha de la meute n’avait pas encore eu cette chance. Jacob aurait beaucoup aimé avoir une discussion avec ce dernier qui était un être sage et intéressant. Il devra se contenter des autres loups.

Pour le moment, ils étaient comme deux amis, s’aimant en secret d’un amour passionné. Ils ne se connaissaient que depuis quelques minutes, mais c’était ressenti ainsi. Ils marchaient dans les bois, alors qu’un manteau de neige s’était formé sur Hanover et ses environs et ils apprenaient à se connaitre tout naturellement, comme s'ils se sentaient obligés de le faire. Jacob avait donc évoqué l’ancienne vie de Silver, ainsi que ce petit ami qui l’avait suivi. C’était un sujet épineux pour le jeune homme devenu jaloux en si peu de temps, mais il se devait de le nommer. Ne serait-ce que pour rendre réel un problème dont il allait devoir se confronter. Après tout, rien ne disait que ce Nathan allait les laisser vivre en paix.

La jeune femme lui assura alors que ce jeune homme n’était pas son compagnon. Elle le comparait plutôt comme à un ange gardien. Ce qu’elle lui raconta à son sujet le ramena quelques mois en arrière. Une jeune fille avait été abandonnée par son Dracula. Dépendante de cette créature, elle avait perdu l’envie de vivre sa vie, préférant les quatre murs tapissés de sa chambre, au monde qui l’entourait. Un jeune garçon, à cette époque, normal, avait alors tout tenté pour lui redonner goût à la vie. Ce ne fut pas une mince affaire mais il réussit à lui sortir son amant de la tête. Leur amitié avait évolué et les simples amis étaient devenus les meilleurs. Seulement, Dracula avait refait surface avec sa bande, alors que la jeune femme avait coulé sous les eaux dans l’espoir de le revoir. Pourquoi ? Parce que Mister banal avait décidé de devenir unique en son genre. Décider était un grand mot, mais dès cet instant, il dut mettre ses distances avec la Belle. Et alors qu’il voulut mettre fin à ses principes, cette dernière décida de rejoindre la Bête dont elle s’était éprise et qui l’avait pourtant abandonné. Le jeune homme hurla à la mort chaque minute, de ses maux d'amour, après que la Belle se soit fait la Belle, pour aller sauver sa Bête de son caprice d’éternel. Mais le problème de cette histoire était que l’ancien Mister banal avait été délaissé alors qu’il avait aimé la Belle qui s’était, elle, éprise de cette Bête. Bête histoire sans bel fin. Belle histoire sans bête fin. Chacun choisira ce que bon lui semble. Pendant ce temps, l’un souffre, les deux autres s’épanouissent dans un amour étourdissant.

Mais voila, les douces paroles de son imprégnation le projeta dans un nouveau récit, similaire. Dans le rôle de la Belle, Silver obtient le rôle. Dans celui de la Bête, Jacob se le voit attribué. Il ne reste plus qu’un simple rôle. Le meilleur ami, l’homme banal qui aide la Belle et s’éprend secrètement d’elle. La Belle ne le sait pas, elle est aveugle. Mais elle le sera un jour, Jacob a tenté sa chance avec Bella. Il a perdu. Ça aurait pu le réjouir d'avoir cette fois la bonne place, mais la souffrance, la torture qui lui avait tailladé le cœur ensuite, il ne souhaitait l’infliger à personne…et pourtant, il y serait obligé.

Jacob s’était tut lorsqu’elle lui avait raconté rapidement cette histoire. Il avait regardé ses pieds marcher lentement et un air de nostalgie s’était pointé. Il aurait voulu le chasser rapidement, mais ce fut plus difficile que prévu. Et puis le contenu de ce qu’elle lui avait conté lui fendit le cœur d’une autre manière. Elle avait subit un drame, c’était sur, le jeune loup le savait depuis le début de leur rencontre. Mais l’envie de savoir, l’envie de vouloir l’aider dans la guérison de ce moment difficile, l’envie de remplacer ce Nathan était bien présente. Cependant, il ne demanda pas plus d’information, préférant lui laisser le temps de se dévoiler seule. Lorsque Jacob leva la tête, il remarqua une percée de lumière devant eux. Il ne restait plus que quelques mètres avant de pénétrer sur le parking.

Après un petit silence, la jeune femme continua sur le même sujet. Elle aimait Hanover, mais Providence lui manquait. Elle avait donc laissé des choses derrière elle. Elle avait pour projet de devenir anthropologue et de voyager souvent. Ses rêves allaient sans doute être chamboulés. A moins que ces histoires de vampires ne cessent très rapidement, Jacob serait bloqué ici, à vouloir protéger son première amour, son ancienne Belle. Mais comment allait-il gérer tout ca. Silver avait déjà la vingtaine et lui n’en avait que seize. Son apparence aurait du resté bloqué à quinze ans. Forte heureusement, un loup devint plus homme, plus mature à l’approche de sa première transformation. De ce fait, il avait l’air d’un étudiant tout à fait normal, mise à part le côté indien.

Silver voulut lui poser d’autres questions. Jacob n’avait qu’une peur…Qu’elle lui demande son âge. Il aurait peut-être était obligé de mentir, ce qu’il ne voulait absolument pas faire. Alors il fit mine de réfléchir. Il posa son index sur ses lèvres, posa sa main libre sur son coude et regarda en l’air en faisant semblant d’hésiter. De ce fait, il gagnait un temps précieux :

« Mmmmmh…laisse-moi réfléchir un peu… » Dit-il. Puis prit un air de surprise. « Oh, nous sommes déjà arrivé, quel dommage ! Tu vas devoir me revoir pour me poser tes autres questions. » Ironisa-t-il. « Dis-moi, entre nous, Tu es sur que tu veux devenir anthropologue ? Non parce que tu sembles avoir une carrière toute tracé chez les fédéraux ! » Annonça-t-il avec un rire franc, faisant référence aux interrogatoires.

Jacob se laissa guider par la jeune femme pour atteindre une New-Beatles noire. Une voiture typiquement féminine, selon lui. Il sourit d’ailleurs à cette réflexion. Elle ne devait pas être pauvre pour posséder un véhicule pareil, mais qu’importe. Le jeune homme ne montra pas les sentiments qu’il avait à son égard. L’imprégnation était incontrôlable à longue durée, mais, pour finir, était parfaitement maitrisable à ce moment précis. Alors pourquoi avait-il du mal à la voir partir. A la porte de la voiture, Jacob, avec sa bonne humeur compléta :

« Le quota est donc atteint pour aujourd’hui. Mais on se reverra prochainement et quelque
chose me dit que ce sera très vite. L'esprit des loups m'ont passé le message.» plaisanta-t-il, sans rire franc cette fois-ci.

Le geste qui suivit, contredisait totalement son contrôle en lui. Jacob n’aimait pas avoir tort, mais il se vendait tout seul. Il approcha sa main du visage de la jeune femme et dégagea avec douceur et délicatesse une mèche de cheveux pour la replacer derrière son oreille. Un geste qu’il définit alors comme une preuve irréfutable de sa faiblesse. Alors pour atténuer son geste désespérément romantique, il éloigna rapidement sa main, l’enfouit dans sa poche et il finit par s’excuser :

« Désolé…j’ai remarqué qu’elle t’embêtait depuis tout à l’heure... Je ferais mieux de retourner à mes occupations. » Dit-il avec une grimace gêné. « Je…Ce fut un plaisir de faire ta rencontre Silver. Il est certain que nos chemins se recroiseront bientôt. »

Jacob fit quelques pas en arrière, les mains toujours dans les poches. Il ne put s’arrêter de la contempler, comme pour graver son image dans son esprit avant de rejoindre ses tâches ingrates. Il garda un large sourire aux lèvres. Et lui lança un : « A bientôt » avant de s’engouffrer de nouveau dans la forêt, sur un pas de course. Le dernier geste qu’il avait eu envers elle l’avait chamboulé. Trop de proximité ! Alors il était pressé de partir afin de retrouver ses esprits et éviter une autre perte de contrôle. Bientôt, il rejoindrait les autres et tous pourront lire dans son esprit.
Cependant, il reprit, avant tout, le contrôle de lui et de ses émotions, en s’adossant à un arbre hors du chant de vision de son imprégnation ; il soupira longuement, en fermant les yeux. Lorsqu’il les ouvrit de nouveau, il eut une étincelle qu’il n’avait pas autrefois et ses lèvres se fendirent sur un large sourire illuminant l’obscurité de cette dense forêt. Le cœur battant la chamade, il retira son tee-shirt, puis son short qu’il noua à sa jambe avant de se transformer en loup. Il courut alors dans la forêt avec une joie qui n’avait pas eu depuis…jamais en tant que loup. Plus tard, il entendra certains loups ricaner de ses pensées attendrissantes. Mais il s’en foutait. Il était amoureux.

Silver avait beau manquer de sens de l'orientation, elle savait reconnaître l'orée d'un bois quand elle en voyait une. Ainsi, avant même que Jacob n'annonce leur arrivée à la voiture, elle avait deviné qu'ils n'en étaient plus très loin. La brunette avait espéré que cette balade durerait plus longtemps - franchement, pour s'être perdue comme elle s'était perdue, elle aurait parié qu'ils mettraient au moins une heure avant de retourner à son véhicule ! Mais elle avait du tourner en rond, et puis son accompagnateur semblait connaître la forêt comme sa poche ; nul doute qu'ils étaient passés par des raccourcis quelconques. Si elle avait des tendances paranoïaques, la jeune femme aurait pu croire que Jake souhaitait écourter leur conversation - ou du moins, ne pas la rallonger inutilement. Mais elle avait compris au fil des minutes qu'il avait tout autant envie qu'elle de la revoir - pourquoi lui avoir offert ce bijou sinon ? Ainsi, elle finit par se dire que Jacob avait simplement voulu lui éviter de rester trop longtemps dans le froid, vu que sur la plage, elle paraissait complètement frigorifiée. Et c'était vrai : Silver n'avait pas l'habitude de traîner dehors quand le temps ne s'y prêtait pas et supportait beaucoup moins bien les basses températures que la chaleur. Si cela avait été un tout autre jour, elle ne serait pas sortie. Mais le manque de la nature et l'envie de penser à autre chose que Jackson s'était fait ressentir... et elle n'avait tout simplement pas su résister. Désormais, elle était loin de le regretter et serait même tout à fait prête à se geler une heure de plus sur ce tronc d'arbre, si cela pouvait à nouveau la mener auprès de Jacob Black.

Sil n'eut donc pas le temps de poser sa question à son interlocuteur. Dommage, elle devrait effectivement attendre leur prochaine discussion pour savoir où il étudiait - et surtout quoi ! Ce qu'il dit à ce propos lui fit encore plus plaisir. Oui, il voulait également la revoir, maintenant elle en était plus que certaine. Et cela la ravissait au plus haut point, car depuis qu'elle avait croisé son regard, elle avait l'impression qu'elle ne pourrait plus jamais sourire à nouveau si on lui interdisait de le retrouver. Etrange, pour une personne qui venait de perdre son frère aîné, et qui savait bien ce que « ne pas pouvoir vivre sans lui » signifiait. Elle avait finalement appris à continuer sans Jackson, du moins elle recommençait tout juste à se mêler au monde. Et quelque part, elle s'en voulait de penser qu'elle ne pourrait vivre sans revoir Jacob. Ce sentiment lui donnait même la nausée, tellement il était absurde. La brunette avait réussi à surmonter sa peine pour son frère, avec qui elle partageait une complicité extrême, mais à côté de cela, elle pensait d'un simple inconnu qu'il lui était indispensable ? Non, cela ne pouvait être possible. Et pourtant.

Pourtant. Car quand elle arriva à sa voiture, un sourire amusé aux lèvres suite à la remarque de Jacob sur son orientation professionnelle, elle fut envahie par une profonde tristesse. Une ombre passa sur son visage, qui l'espace d'un court instant, afficha une expression déçue. Bien sûr, la jeune femme se reprit immédiatement, et sortit ses clefs de voiture de sa poche. Elle possédait une New Beetle noire achetée neuve quatre ans auparavant. Son cadeau d'anniversaire, quelques semaines avant d'obtenir son permis de conduire. Jackson aussi en avait eu une deux années plus tôt. Silver s'était demandée si elle devait la garder et laisser la New Beetle à sa mère, mais finalement elle avait choisi de ramener celle de Jax à Providence et de continuer à conduire la sienne. Après tout, son frère aîné n'était pas comme la plupart des hommes : il n'attachait que peu d'importance à son véhicule qui, à ses yeux, n'était rien de plus qu'un simple moyen de transport.

« Alors si les loups le disent, je ne dois pas m'inquiéter : nous nous reverrons effectivement très bientôt, » le taquina-t-elle tout en ouvrant la portière du conducteur.

Cela n'avait rien d'une moquerie - elle serait la dernière à rire de ce genre de choses, mais elle était une fervente utilisatrice du « qui aime bien châtie bien ». Du moins, avant, et si tout allait bien elle redeviendrait cette Silver pleine de joie de vivre et de bonne humeur. Une Silver qui passait son temps à embêter les gens qu'elle aimait, parce que c'était sa façon bien à elle de leur montrer que justement, elle tenait à eux plus qu'elle ne pourrait jamais le dire.
Lorsqu'elle se retourna pour faire de nouveau face à Jacob - et probablement lui dire au revoir - elle le vit approcher une main de son visage et remettre la mèche qui ne cessait de tomber depuis tout à l'heure derrière son oreille. Elle fut étonnée de tant de douceur d'un homme qui semblait pourtant posséder une grande force. Immédiatement, elle rougit et dut lutter pour ne pas baisser les yeux tellement elle était embarrassée. Quand Jake s'excusa et expliqua son geste, elle esquissa un sourire en coin, presque complice. Il n'avait pas à s'excuser ; en fait, elle donnerait n'importe quoi pour qu'il recommence. Mais bien sûr, elle rêvait éveillée.

« Pour moi aussi, » dit-elle alors qu'il faisait quelques pas en arrière.

Leurs regards se croisèrent et se soutinrent un instant, comme si chacun essayait de dire à l'autre qu'il n'avait pas envie de partir. Pourtant, une poignée de secondes plus tard, Jacob lui lança un dernier mot et s'éloigna en courant vers la forêt. Elle le suivit des yeux mais il s'engouffra très vite sous le couvert des arbres, hors de sa vue. Au même moment, c'était comme si quelque chose manquait à Silver. Bien sûr. Il lui manquait. Le temps ne passerait que trop lentement jusqu'à ce qu'ils se revoient enfin, elle en était certaine.
La jeune femme resta encore quelques instants à fixer les bois, comme si elle espérait qu'il revienne sur ses pas, puis elle monta dans sa voiture. Plongeant une main dans la poche de son manteau, elle en ressortit le petit sac qui contenait le bracelet et le loup taillé que Jacob venait de lui donner. Et alors, un sourire empli de bonheur naquit sur ses lèvres, et bien que cette pensée puisse paraître prématurée à beaucoup de monde, elle pensa :

Je crois que je suis amoureuse.